Inauguration du port de La Grande-Motte

Le premier port de plaisance  lancé par la Mission Racine sur le littoral languedocien, celui de La Grande-Motte, est inauguré en Juillet 1967 par Raymond Marcellin alors ministre chargé du Plan et de l'aménagement du territoire. Point d’origine de la ville, c’est devant le port protégé des atterrissements sableux par deux digues en mer, que le général de Gaulle pourra imaginer la cité future à partir des discours officiels en octobre. Ses deux quais, Georges Pompidou et Eric Tabarly, le délimitent, l’offrent au regard et à la découverte. Les pyramides, notamment la Grande Pyramide, viendront plus tard, en découpe, le border de leurs lignes et façades. La capitainerie construite en 1968 évoque la forme d’une baleine comme pour souligner la puissance créatrice et l’imaginaire marin.

Cette œuvre originale intimement liée à l’essor et à la dynamique du nautisme depuis le début des années 1960, va exiger des moyens matériels et financiers considérables. Car le port naît sur un terrain vierge qu’il faudra consolider, face à une mer peu profonde, chargée des sables venus du delta du Rhône et des terminaisons de la Camargue. Sur une côte peu tournée vers la plaisance et face aux ports de Provence-Côte-d’Azur, sa réalisation prend valeur symbolique, un signe que l’arrivée du ministre par la mer ne peut que renforcer. Ne prend-t-il pas aussi figure de prouesse technique et d’une vision d’avenir qui paraissait être celle d’un pari impossible : 21 hectares arrachés à la mer et à la terre, ces deux mondes réunis par une drague en mer nourrissant les marais continentaux et les comblant pour stabiliser les sols tout en creusant le port et l’étang du Ponant, futur complément pour les activités de loisirs nautiques. Avec la passion et la précision du technicien, René Vétillart, ingénieur d'arrondissement du service maritime de l’État, chargé de l'exécution des travaux du port, en retrace l'historique des travaux, les particularités du projet, les étapes du chantier. Il sera par la suite chargé de la réalisation de la station de Port-Camargue.

Les chiffres sont éloquents, 200 000 tonnes d’enrochements, 650 000 m³ de remblais, 1 250 tonnes de palplanches pour les quais. Le plan d’eau ouvert à quelque 1 000 bateaux dont 800 à quai en permanence, est au cœur de la station comme une invitation à la découverte des horizons marins. Signifiant la naissance d’une modernité nouvellement fondée, il est la preuve de la réussite. L’inauguration réunit les responsables de la Mission, les représentants de l’État en région, les élus locaux, les techniciens qui ont mis en œuvre le projet, le président du Conseil général, également président de la Société d’aménagement du département de l’Hérault (SADH) présente tout au long du chantier. Si la ville prend naissance dans l’imaginaire des constructeurs, le port relève de techniques très élaborées et parfaitement maîtrisées (une drague géante) dont les Pays-Bas ont été les précurseurs. Le port qui signe la naissance de la ville en sera le tremplin économique et touristique inscrivant la station future dans les pratiques émergentes du nautisme et dans le registre des ports de tourisme européens (escale nautique reconnue). Il affiche sa modernité quand la plaisance, sur ce littoral, ne trouvait refuge que dans les graus, auprès des bateaux de pêcheurs (Palavas, Le Grau-du-Roi). Équipement indispensable pour assurer le développement du tourisme balnéaire, le ministre soulignera  une grande réussite, un magnifique plan d’eau… dont la station tirera avantage. Cet aménagement portuaire préfigure une mutation territoriale profonde du littoral du Languedoc-Roussillon. La Grande-Motte amorce le futur du programme de la Mission dont son Président Pierre Racine dresse un rapide bilan prospectif dès 1967 : cinq stations, douze ports de plaisance, des équipements d’accueil pour 250 000 habitants permanents, et jusqu’à 4 millions de touristes [1]. 

Le projet Ville-Port d’une centaine de millions d’euros — Acte II de la Mission Racine — que la municipalité et la communauté d’agglomération mettent aujourd’hui en œuvre avec le bureau d’études Leclercq Associés, se veut clin d’œil aux inspirations balladuriennes au niveau du projet de la Colline et extension/requalification/naturalisation de l’espace portuaire. Celui-ci est ré-imaginé pour rapprocher l’eau et la ville, construire un nouvel horizon maritime et urbain de fertilisation des quais en multipliant les usages et les points de vue. Un projet qui traduit les forces d’inertie de ce complexe Ville/Port créé par Jean Balladur, mais également les enjeux que pose, un demi-siècle plus tard, la  « réhabilitation » des stations de la Mission Racine.  

[1] Pierre Racine Président de la Mission Interministérielle d’Aménagement touristique du littoral du Languedoc-Roussillon

• Pierre Racine, Mission impossible ? L’aménagement touristique du Languedoc-Roussillon, Montpellier, Édition Midi Libre, 1980.. 
• Jean Balladur, La Grande-Motte, l’architecture en fête ou la naissance d’une ville, Espace sud éditions, 1994.
• Port de La Grande-Motte, site officiel [en ligne] (Mise à jour 2022). Site internet : https://portdelagrandemotte.fr
• Ville de La Grande-Motte, site officiel [en ligne] (Mise à jour 2022). Site internet :  https://lagrandemotte.fr
• Olivier Schlama, « La Grande-Motte a cinquante ans », Dis-Leur [en ligne] (Mise à jour 01/08/2018). Site internet  : https://dis-leur.fr/la-grande-motte-a-50-ans-branche-le-beton-chic/