L'effondrement de l'immobilier de loisirs sur la côte
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Résumé
Le parc immobilier des stations balnéaires de la Mission Racine vieillit mal. Au Cap d’Agde, les immeubles des années 70 sont vétustes, à La Grande-Motte, les studios-cabines, à la mode à la fin des années 60, ne se vendent plus comme avant : une réhabilitation générale s’impose.
Date de publication du document :
21 déc. 2022
Date de diffusion :
24 août 1998
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Contexte historique
ParProfesseur émérite de géographie
En 1998, trente ans après la construction des premiers immeubles de La Grande-Motte qui initient les actions de la Mission Racine, l’enjeu de la rénovation du parc immobilier de loisir des stations se pose avec une certaine acuité. Alors que l’attractivité du littoral reste remarquablement durable, le béton a vieilli ou plus exactement les normes de production du logement consacré aux vacances
des années 1960-1970 ne sont plus en accord avec les exigences d’une clientèle différente qui affirme de nouveaux besoins. Le qualitatif est devenu la règle face au minimalisme d'une époque où tout était en fait réduit à une réponse massive et rapide pour accueillir les touristes de plus en plus nombreux et « moderniser » le littoral. Le studio-cabine et la résidence secondaire en multipropriété ont été la réponse au tourisme familial, saisonnier et pour « le plus grand nombre ».
Les années 2000 marquent une profonde évolution vers une pratique différente des loisirs balnéaires : on séjourne moins longtemps d’une seule traite, on est plus exigeant en termes de confort, de services et d’équipements de loisirs. La population des touristes ne présente plus les caractéristiques des familles des années 1960 : plus de jeunes isolés, des ménages recomposés, des familles monoparentales, moins de jeunes enfants, des ménages plus âgés, des retraités en plus grand nombre et des exigences de qualité facilitées par les réseaux sociaux qui poussent à la comparaison. La concurrence, surtout des littoraux méditerranéens, n’en est que plus vive. S’imprime également, de façon accélérée, l’envie d’habiter un logement à l’année pour une population qui voit dans la station touristique un mieux être urbain
, toute évaluation établie avec les périphéries des villes. L’idée de la « ville-station » [1] progresse dans les représentations populaires et dans la logique des politiques de gestion. La croissance démographique de La Grande-Motte et du Cap d’Agde devenu second pôle de l’agglomération agathoise, plaide aussi pour une requalification de l’immobilier et la recherche d’un nouveau modèle résidentiel moins dépendant de la copropriété de résidences secondaires. Celle-ci est souvent jugée responsable de la lente dégradation du patrimoine immobilier faute d’entretien régulier concerté et suite à la recherche d’un profit immédiat par une location saisonnière à haut tarif.
Tout au long des séquences enregistrées, les professionnels de l’immobilier soulignent les difficultés qu’ils rencontrent pour améliorer le parc de location notamment au Cap d’Agde. Une touriste interviewée dévoile l’état du studio loué : C'est pourri. Il y a des fissures, l'eau sort de derrière le frigidaire, c'est dangereux
. Pour éviter un scénario de l’inacceptable
[2] aboutissant à une régression de la fréquentation touristique qui contribue largement à la croissance économique de la région Languedoc-Roussillon, les enjeux de la requalification sont clairement évoqués. Mais les différentes mesures devant porter effet en termes de renouveau des stations (Plans Qualité station, aides publiques, Opérations de Réhabilitation de l’Immobilier de Loisir et de l’Amélioration de l’Habitat (ORILAH ) …) se sont révélées très insuffisantes ou inapplicables pour corriger les défauts des appartements en location et leur mise à niveau. Or, le rapport qualité/prix est devenu déterminant dans le choix du mode de consommation touristique. L’inadéquation entre l’offre des secteurs marchands et non marchands et la demande à usage locatif s’est amplifiée justifiant les appréciations négatives concernant les stations littorales jugées dépassées
, inadaptées
, vieillottes
, jusqu’à ce titre de la revue Objectif Languedoc-Roussillon : Stations littorales. À la recherche d’un second souffle
[3]. Serait-ce le vieillissement du parc immobilier, une obsolescence de l’offre… déséquilibrée et inadaptée
selon le rapport du Conseil économique et social régional, qui caractérise les stations héritées de la Mission Racine ? L’enjeu de la location en saison soulève la question du mode de production par le secteur de l’immobilier dès la naissance des stations : un droit à bâtir sans mesure réelle des valeurs associées au produit-séjour
. Le rendement des investissements a largement conditionné le modèle de l’habitat-loisirs
réduit au strict minimum du studio cabine et des petits appartements (à La Grande-Motte, en 1999, le parc est composé à 75% de T1/T2 pour une surface moyenne par appartement de 48 m2) [4]. La résidence secondaire, devenue variable d’ajustement de la croissance démographique, se développe selon une logique patrimoniale conquérante. La résidentialisation (voire la bi-résidence) a contribué à ce changement de modèle permettant aux stations d'accéder au statut de ville-station
que confirme Jean Lelong dans Le Moniteur en 2002 [5].
Il faudra plus d’une dizaine d’années pour que La Grande-Motte (première ORILAH en 2004) et le Cap d’Agde (premier projet de réhabilitation de l’immobilier en 1996) bénéficient d’un programme global de requalification de leur espace résidentiel avec recherche de l’excellence pour renforcer l’attractivité. Les programmes « Ville-Port » à La Grande-Motte et « Cœur de station » au Cap d’Agde Méditerranée prennent appui sur un renouveau des équipements, une requalification des espaces publics, mais aussi sur une montée en gamme de l’immobilier de loisir associée à la rénovation du parc hérité.
[1] Jean Rieucau, « La Grande-Motte : une ville-station touristique », Norois, N° 187, 2000, pp. 341-352
[2] Région Languedoc-Roussillon, Conseil Economique et Social, La requalification des stations touristiques du littoral du Languedoc-Roussillon, 2010.
[3] Objectif Languedoc-Roussillon, Stations littorales. A la recherche d’un second souffle, Juillet-Août 2009
[4] Source INSEE, recensement de la population de 1999
[5] Jean Lelong, « Languedoc-Roussillon, Transformer en villes les stations touristiques du littoral », Le Moniteur, 25 janvier 2002
Bibliographie
- Revue Espaces Tourisme et loisirs, Immobilier de loisirs, Juin 1993, p.159
- Bruno Meynier, Sur le chemin des vacances : contribution à l'élaboration d'une politique sociale des vacances, du tourisme et des loisirs, Editions sociales, 1982, p.219
- Ministère de l’Economie et des Finances, Ministère de la cohésion des territoires, Inspection générale des finances, Conseil général de l’environnement et du développement durable, Rapport « La rénovation de l’immobilier de loisirs », N° 2018-M-029-03, N° 012232-01
- « Languedoc-Roussillon, L'enjeu de la rénovation du parc immobilier », Le Moniteur, 20 juin 1997
Transcription
(Cliquez sur le texte pour positionner la vidéo)
Claude Sérillon
En matière d’immobilier, dans les années 60, on a beaucoup construit et souvent n’importe comment.Les stations du littoral du Languedoc-Roussillon ont à présent une trentaine d’années d’existence et, à La Grande-Motte comme au Cap d’Agde, le béton vieillit mal.Les signes de faiblesse apparaissent et il faut désormais envisager un grand chantier de réhabilitation de ces immeubles même si, comme chaque année, et en ce moment encore, il y a beaucoup de touristes sur cette côte.Enquête, Karine Comazzi et Thierry Toujas.
Karine Comazzi
Complet, de La Grande-Motte au Cap d’Agde, de la Camargue aux Pyrénées-Orientales, les stations du littoral languedocien font le plein.Trente ans après leur construction, les temples de béton du tourisme de masse ont toujours leurs idoles, ou presque.
(Musique)
Saïzare
C’est pourri, moi je dis que c’est pourri ! Il n’y avait même pas de rideau, à chaque fois que quelqu’un prend la douche, il y a l’eau qui sort comme si on prenait la douche là debout comme je suis.L’eau, là, qui sort derrière le frigidaire, c’est dangereux, il y a des enfants ici, l’électricité c’est dangereux.
Karine Comazzi
Saïza rêvait d’un trois-pièces coquet au Cap d’Agde pour un mois de vacances en famille.Pour 15 000 francs, voilà ce que l’agence lui a loué.
Saïzare
Ils nous avaient dit qu’il y avait deux frigidaires mais là je trouve qu’il n’y en a qu’un qui fonctionne, l’autre il est derrière.
Karine Comazzi
Pas de congélo ?
Saïzare
Non.
Karine Comazzi
Ce véritable musée des années 70 n’est malheureusement pas un cas isolé.Au Cap d’Agde, face aux immeubles récents, le quartier du Môle traduit le malaise de tout un littoral : le béton vieillit mal.Et pourtant des stations comme La Grande-Motte ou Le Cap d’Agde n’ont pas 30 ans.La mission Racine, lancée en 65 par de Gaulle, avait pour but d’aménager au plus vite des stations touristiques populaires sur un littoral alors désert.Objectif, retenir les 14 millions de Français qui partaient chaque été en Espagne.Sur 200 kilomètres de plage, huit stations balnéaires ont vu le jour.Aujourd’hui le littoral enregistre en une saison près de 90 millions de nuitées.Mais depuis trois ans la fréquentation tend à diminuer.Les exigences des touristes ont changé, le studio-cabine, lui est resté intact.
Jean-Pierre Chenu
Il y a une partie de clientèle qui est très fidèle, et une partie de clientèle qui bouge beaucoup.Qui va voir d’autres choses, qui ne vient pas toutes les années au même endroit, qui voit d’autres sites nouveaux, neufs, avec des appartements aménagés de manière totalement différente et répondant à leurs besoins et si nous ne faisons pas cet effort pour être également au même niveau, eh bien forcément cette clientèle va disparaître.
Karine Comazzi
Jusqu’alors le studio-cabine qui représente près de 50 % du parc immobilier des stations se loue bien.À la vente, en revanche le produit est passé de mode.Les propriétaires concernés n’ont pas souhaité témoigner de leurs difficultés.
Pierre Constance
Les gens qui achètent aujourd’hui, alors que dans les années 80 c’était des jeunes qui empruntaient souvent 80 %, aujourd’hui c’est plutôt des gens de la quarantaine ou de la cinquantaine,qui prévoient déjà leur retraite et qui souhaitent avoir un peu plus d’espace, quelque chose d’un peu plus important, d'un peu plus cossu.Le studio-cabine est un peu juste.Or ce qui a été construit reste construit.
Karine Comazzi
Seule solution, la réhabilitation.Conscient de l’importance de la manne touristique dans une région qui détient la palme du chômage, le conseil régional a mis en place une aide à la rénovation.Problème, en 30 ans, les propriétaires se sont dispersés souvent leurs moyens diminués quand ils n’ont pas choisi de louer au noir.Le chantier est d’envergure.
Michèle Ménabréa
Je ne peux pas demander à un propriétaire de rénover son studio, de changer la salle de bains et la cuisine, de lui faire faire 50 000 francs de dépenses, si je suis incapable de lui louer trois semaines supplémentaires ou quatre semaines au cours des cinq prochaines années.Alors moi je pense qu’il faut d’abord classer les appartements pour que, à l’échelon international, on puisse les reconnaître comme on reconnaît un camping deux étoiles, un hôtel deux étoiles et un meublé deux étoiles.
Karine Comazzi
Une offre de qualité pour un consommateur qui, avec les 35 heures verra son temps de loisirs dépasser le cadre des vacances d’été.À 30 ans, les stations du littoral savent que le lifting leur est vital.
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