Présentation du festival de Sète au Théâtre de la Mer

En 1960, la municipalité de Sète inaugure le Théâtre de la Mer dans l’enceinte du fort Saint-Pierre, bastion avancé de la défense militaire du port. Le site se présente sur le modèle des vastes amphithéâtres de la Grèce antique, face à la Méditerranée, prêt pour la tragédie. Le maire communiste, Pierre Arraut, rêve d’en faire un haut lieu de la culture populaire. L’ombre tutélaire de Jean Vilar [1] plane sur ce projet qui emprunte autant au Théâtre national populaire (TNP) qu’au festival d’Avignon. Ainsi se crée, dès l’été, un festival d’art dramatique, confié à la Compagnie de Jean Deschamps, qui a joué le « grand répertoire » dans le sillage de Jean Vilar, et rayonne sur tout le Midi [2]. 

Au fil des ans, le festival perdit son ambition première, hésitant entre divers genres, il avait fini par ressembler à tous les festivals qui fleurissent l’été sur la côte languedocienne. Lorsque cette vidéo est tournée, au milieu des années 1980, le Festival de la Mer est redevenu pour quelques années la grande manifestation théâtrale de l’été sétois, sous la direction de l’acteur et metteur en scène Jean-Pierre Bouvier. Le rappel des programmations des trois premières saisons de ce nouveau cycle montre l’étroite parenté avec le type de répertoire défendu naguère par Vilar et Deschamps. Dominé par les grands classiques, de Molière à Pirandello en passant par Musset et Hugo, l’offre  patrimoniale peut être complétée par une adaptation du Don Quichotte de Cervantès. Mais se glisse entre ces monuments une œuvre contemporaine plus militante, à la façon dont Vilar montait des pièces de Brecht entre un Kleist et un Claudel. Ici, il s’agit de la création française de Good, du dramaturge écossais Cecil Philip Taylor, issu d’une famille juive et membre du parti travailliste, qui traite de l’holocauste.

Mais de nos jours, plus qu’un festival particulier, c’est le site même du Théâtre de la Mer qui est devenu un acteur majeur de la vie culturelle sétoise. Avec ses 1500 places, il peut accueillir des concerts variés, et abrite désormais plusieurs festivals qui se succèdent durant tout l’été, consacrés à un large éventail de genres et de disciplines. Le doyen des festivals actuels est Jazz à Sète créé en 1986, et installé depuis 25 ans au Théâtre de la Mer pour y accueillir les grands noms du jazz international. En juillet-août Fiest'à Sète célèbre les musiques du monde et le métissage des cultures, depuis sa première édition en 1997 consacrée à Cuba. En hommage à Brassens, Quand je pense à Fernande en juin, est consacré à la chanson française depuis 2002. En 2006, le DJ Gilles Peterson crée le Worldwide Festival, qui alterne les concerts sur la plage du Lido et en soirée au Théâtre de la Mer. Enfin, le festival le plus récent est consacré au hip-hop et au rap indépendant français, à l’initiative du rappeur sétois d’origine marocaine Demi Portion : c’est le Demi Festival qui connait un succès croissant depuis 2016.

On voit que le théâtre Jean Vilar a abandonné ses ambitions dramatiques, d’autant plus facilement que la rénovation du théâtre Molière, en 2014, permet désormais d’accueillir la programmation culturelle d’une scène nationale durant toute la saison d’hiver. Le Théâtre de la Mer devient ainsi, de façon très complémentaire, la salle d’été à ciel ouvert, pour un plus large public, et entièrement voué à la musique – plus précisément à ses différentes expressions populaires.

 
[1] Après sa disparition en 1971, la municipalité donna son nom au Théâtre de la Mer.
[2] Comédien et metteur en scène, pionnier de la décentralisation théâtrale, Deschamps vient de créer le Festival de Carcassonne avant de sillonner le Languedoc et la Provence avec sa troupe du Théâtre du Midi.