Théâtre au Château de Marsillargues

En 1969, Marsillargues est un village de 3000 habitants, entre Lunel et l’étang de l’Or, qui vit essentiellement de l’agriculture : le vignoble en déclin va faire place au maraîchage et à l’arboriculture. Au centre du village, jouxtant les arènes, l’hôtel de ville et l’église, les restes d’un château dévasté par un incendie depuis 1936, et que la municipalité a racheté, après-guerre, à ses derniers propriétaires. Pour quel usage ?

Connu sous l’appellation de « château de Guillaume de Nogaret », ce qui subsiste du temps du chancelier de Philippe le Bel [1] se réduit pour l’essentiel à un donjon. La renommée du bâtiment actuel, construit sur l’emplacement de l’ancien, est due aux grands corps de bâtiments en vis-à-vis, de style Renaissance, très richement ornés, et aux ensembles architecturaux datant de toute la période XVIe-XVIIIe siècles construits par la famille de Louet de Calvisson [2].

Quelques pièces qui ont échappé au feu, ainsi qu’un musée faisant office de cabinet de curiosités locales [3] installé au rez-de-chaussée, sont ouverts aux visiteurs peu nombreux : Marsillargues n’est pas une ville touristique. Le classement du domaine au titre des Monuments historiques depuis 1925 (et révisé en 1995) est moins une solution qu’une charge pour une municipalité démunie de tout moyen d’assurer le suivi de lourds projets de restauration.

Ainsi s’explique l’entreprise, passablement utopique, ayant consisté en 1969 à lancer un festival de théâtre à même de financer des travaux de restauration. Le maire, Roger Contrepas et le créateur du musée, Paul Pastre, se tournent vers Jean Deschamps et son Théâtre du Midi pour assurer le succès de l’opération. Il est très significatif de l’époque que bien des villes de la région confient leur politique culturelle à l’art dramatique : TNP et festival d’Avignon font école. Deschamps propose pour une première saison un spectacle populaire (une adaptation du Bossu de Paul Féval, une pièce de cape et  d’épée), et un drame plus élitiste, les Noces de Sang de Garcia Lorca, tous deux montés pour le festival de Carcassonne.

Le théâtre de Deschamps ne s’est pas durablement implanté [4]. La vaste cour du château est désormais utilisée, de loin en loin, pour des manifestations variées, qui vont du feu d’artifice du 14 juillet aux rassemblements de vieilles voitures, en passant par des concerts de groupes locaux ou des représentations de théâtre amateur. La question du financement des travaux de restauration reste ouverte. Le château de Guillaume de Nogaret illustre bien les difficultés rencontrées par nombre de petites communes devant les politiques de patrimonialisation, dès lors que manquent les flux touristiques censés les financer. Sur son site internet officiel, la commune de Marsillargues a donc dédié une page à sa fondation « Marsillargues Patrimoine », abritée par la Fondation du Patrimoine, dans le but de réunir des dons privés :  « C’est une décision qui donne surtout au patrimoine de Marsillargues toutes ses chances d’être sauvé et embelli par le plus grand nombre, et aux habitants et  acteurs économiques de la ville de se rejoindre autour d’un beau projet collectif d’utilité publique ». [5] 

 
[1] Célèbre juriste languedocien, passé par la faculté de droit de Montpellier (v.1260 – 1313)
[2] La façade nord date de 1570 ; la façade sud, en réplique, est contemporaine de Louis XIV ; l’orangerie date du XVIIIe siècle.
[3] La pièce la plus remarquable du musée est une chaise à porteurs (XVIIe-XVIIIe siècle), ayant appartenu au propriétaire du château, classée au titre des Monuments historiques et restaurée.
[4] La commune possède d’ailleurs une petite salle d’une centaine de places qui semble suffire aux besoins des associations culturelles locales.
[5] « La fondation Marsillargues patrimoine », Ville de Marsillargues [en ligne] (Mise à jour 2022). Site internet : https://www.marsillargues.fr/patrimoine/fondation-du-patrimoine