Promenade d'architecture à La Grande-Motte

La Grande-Motte est une ville qui ne laisse jamais indifférent . On peut y trouver passion, séduction et sensualité, désir d’y être et envie d’y rester. On peut aussi refuser cet univers de béton entrecoupé de routes, modelé par des formes architecturales venues d’un autre monde, révélant trop fortement la distinction et l’entre soi. Et que dire de ce port jugé plus artificiel que culturellement vécu, plus monde de l’immobile que du voyage, plus frappé du signe de l’étranger que du local. Il n’empêche, La Grande-Motte ne cesse d’être ville à découvrir, en saison, colorée et agitée, calme et réservée quand on s’y croise, l’hiver venu. L’œuvre de Jean Balladur (il repose à La Grande-Motte, sa ville) suscite en permanence des jugements contrastés, ne tolère finalement pas le tiède ou l’anonymat. Serait-elle une niche de la modernité urbaine et - ou - touristique que l’on dirait surgie de l’invention provoquée et provocante d’un temps, d’une époque, d’une façon de se représenter le modèle d’une société en quête, bien incertaine, de liberté ? Pierre Dezeuze, architecte qui fut collaborateur de Jean Balladur, ose évoquer une somme de caractères distinctifs issus justement de l’acte créatif qui transcende la réalité du lieu, celle d’un paysage tout d’horizontalité, sans repère visuel sinon quelques buttes de sable, des dunes peu élevées et instables au gré des vents. Un côté nature qui bascule entre le réseau des marais et canaux associés aux étangs et l’arbre qui dresse sa verticalité en massifs boisés ou tout au long des chaussées. Sans oublier l’intimité des espaces verts entre les immeubles, le secret des parcs dessinés et créés de toute pièce. Tout était à faire, tout était à inventer. Tout a été dessiné, puis tracé et réalisé sans que soit remise en cause la pensée créatrice.

La ville-station a progressivement trouvé sa voie, affirmé son identité. Pour Gilles Ragot [1],  inclassable, La Grande-Motte est tout autant moderne que post-moderne, normée et sculpturale, rigoureuse et fantaisiste, géométrique et symbolique, minérale et végétale, épurée et décorée. L’office du tourisme municipal a largement exploité l’idée de découverte, sur terre ou par mer, qu’elle soit écologique ou bornée par l’histoire de la cité des sables, ses énigmes, ses légendes. La Grande-Motte, devenue cité de l’aventure, ouvre sur des cheminements parés de sculptures, d’empreintes architecturales, de points de vue sur la ville-nature qui se donne à voir, se laisse deviner. Et toujours en vigie, la Grande Pyramide, le vaisseau amiral de la cité portuaire qui marie à loisir le bleu de la mer, le vert en accompagnement de la trame immobilière, en parure du Ponant et tout au long du parcours golfique, le blanc des pyramides et des immeubles de la Motte du Couchant. Au-delà d’une série de silhouettes assemblées en unités par la vue aérienne, la composition rigoureuse du dessin architectural ne gêne en rien l’impression d’une certaine harmonie que l’architecte inscrit volontairement dans l’ordre de la poésie. Et la poésie ne se démontre pas ajoute-t-il.

 
[1] Gilles Ragot, « La Grande-Motte l'invention d'une cité balnéaire pour tous » , Le Moniteur, 09 Avril 2014.

• Gilles Ragot, Jean Balladur - Une pensée mise en forme, Collection Carnets d’architectes, 2018.
• Gilles Ragot, « La Grande-Motte l'invention d'une cité balnéaire pour tous », Le Moniteur, 09 Avril 2014.
• Joffrey Rozonelli La Grand-Motte, le rêve d’un homme ou la naissance d’une ville, mémoire de fin d’études sous la direction de Maurice Cohen, ULB La Cambre, 2017.