Pierre Bérégovoy : budget global et forfait hospitalier

12 mai 1983
02m 25s
Réf. 00039

Notice

Résumé :

L'année 1983 marque un tournant majeur dans l'histoire de l'hôpital. Pierre Bérégovoy met fin au système très inflationniste du prix de journée et le remplace par le système du budget global hospitalier. En second lieu, il décide de créer le forfait journalier hospitalier. Ces deux mesures ont pour objet de desserrer l'étau que représente l'hôpital pour la Sécurité sociale, qui y consacre la moitié de ses dépenses.

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Date de diffusion :
12 mai 1983
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Éclairage

En 1981 les élections voient l'arrivée du Parti Socialiste au pouvoir. Au cours de l'année 1982, le gouvernement socialiste adopte le tournant de la rigueur avec Jacques Delors comme Ministre des Finances et Pierre Bérégovoy comme Ministre des Affaires sociales. Ce dernier se penche tout de suite sur le dossier de l'hôpital.

Il est vrai que les dépenses hospitalières représentent une part considérable des dépenses sociales. L'hôpital est en fait la moitié des dépenses de l'Assurance maladie et donc à lui seul le quart des dépenses de la Sécurité sociale du Régime général.

Jusqu'en 1983 le système utilisé par les hôpitaux et pour le remboursement par l'Assurance maladie est fondé sur le « Prix de Journée ». Celui-ci a un effet pervers évident : plus un patient reste longtemps à l'hôpital, plus ce dernier peut augmenter sa facture auprès de l'Assurance maladie. C'est ainsi qu'une appendicectomie représente 6 jours en clinique privée, mais 12 jours dans un hôpital public. Pierre Bérégovoy décide donc de remplacer ce mode de facturation par le mécanisme de la dotation globale hospitalière. Chaque hôpital reçoit une somme globale, indépendante de la durée de séjour des assurés. Le nouveau mécanisme constitue un énorme progrès dans le financement des hôpitaux. Il a toutefois un défaut : celui de se baser sur la situation observée en 1983, à laquelle on applique un taux d'évolution - le taux directeur hospitalier. Ceci provoque un effet d'aubaine pour les mauvais gestionnaires, dont le budget augmente du même taux que ceux qui ont fait des efforts de gestion, et qui voient ces efforts annihilés par une évolution identique pour tous. Il y a bien une légère exception, celle d'une modulation possible, mais son niveau est mineur et ne dépasse pas 2%.

En même temps, pour desserrer l'étreinte sur les dépenses de l'Assurance maladie, tout en augmentant les recettes des hôpitaux, Pierre Bérégovoy décide de créer le forfait journalier hospitalier. Ce forfait est censé représenter les dépenses de nourriture et d'hébergement que les malades auraient dû, de toute façon, payer s'ils étaient restés chez eux. Fixé à l'origine à 20 F, ce forfait va augmenter régulièrement, servant de variable d'ajustement dans les plans de financement de la Sécurité sociale. Il connaît parfois des sauts conséquents (Plan Bianco de 1999), avec comme seule justification d'augmenter les recettes des hôpitaux sans grever les finances de la Sécurité sociale. Au début des années 2000, il est créé un forfait spécifique, avec une valeur plus faible, pour la psychiatrie. Dans cette discipline, les durées d'hospitalisation peuvent être très longues et, comme la Sécurité sociale ne prend pas en charge ce forfait, le coût à la charge des malades peut être plus que conséquent.

Jean-François Chadelat

Transcription

Journaliste
… là-dessus, et les gens vous posent énormément de questions sur le forfait hospitalier. Et peut-être puis-je vous poser cette question qui résume toutes les autres, quelles conditions faut-il remplir pour ne pas payer le forfait hospitalier de 20 francs ?
Présentateur
Monsieur le ministre, vous répondez ?
Pierre Bérégovoy
Je voudrais d’abord faire une remarque tout de même, n’est-ce pas ? Je suis profondément attaché à la Sécurité sociale et j’ai observé que 85% des Français considèrent qu’il s’agit d’une grande conquête sociale. Et je suis obligé d’assurer l’équilibre des comptes de la Sécurité sociale. Car si nous laissions se creuser un déficit dans les comptes de la Sécurité sociale, c’est l’institution elle-même qui se trouverait compromise. Or, il y a des dépenses et il y a des recettes. J’ai refusé l’an passé d’augmenter les cotisations sociales à la charge des entreprises et à la charge des salariés pour financer la Sécurité sociale. Il m’a donc fallu rechercher un certain nombre d’économies dans la gestion. De grandes réformes sont en cours, je pense notamment à la maîtrise de la dépense hospitalière. Et puis, comme nous sommes de ceux qui pensons que la médecine est actuellement en train de connaître une évolution, un tournant, et que les soins à domicile sont aujourd’hui possibles ; et les soins à domicile sont possibles pour des maladies importantes, je pense par exemple aux dialyses rénales, on peut soigner à domicile un cancer grave par la chimiothérapie. Et bien, nous avons voulu établir une sorte d’égalité entre le malade qui est hospitalisé et le malade qui a choisi de se faire soigner à domicile. Cela dit, il y a beaucoup…
Présentateur
Et qui assume ses frais de…
Pierre Bérégovoy
Il assume ses frais. Il y a beaucoup d’exemptions. Notamment pour la maternité, pour les accidentés du travail, pour les personnes handicapées, pour les anciens combattants. Toutes ces catégories sont exemptées du forfait journalier. Et celles et ceux qui ne peuvent pas payer le forfait journalier ont parfaitement la possibilité de s’adresser à l’aide sociale. Nous avons demandé 20 francs par jour, ce qui n’est pas considérable, à celles et à ceux qui le peuvent, et je le répète, avec l’idée d’établir une justice entre ceux que l’on soigne à domicile et ceux qui sont soignés à l’hôpital.