La loi Bachelot ou loi HPST (« Hôpital, patients, santé et territoires »)

22 octobre 2008
03m 59s
Réf. 00061

Notice

Résumé :

La loi HPST, dite loi Bachelot, est particulièrement importante, car c'est la première fois que l'on s'attaque au système de santé au lieu de l'Assurance maladie. Le titre H du texte réorganise l'hôpital autour de communautés hospitalières de territoires. Le titre T de la loi s'occupe de l'organisation territoriale du système de santé en créant les ARS (Agences Régionales de Santé).

Date de diffusion :
22 octobre 2008
Source :

Éclairage

La loi HPST, Hôpital, Patients, Santé et Territoires, est sans doute le plus important des textes qui aient été présentés au Parlement, concernant la protection sociale en matière de santé.

Il a été adopté en Conseil des ministres le 22 octobre 2008 mais sa discussion a commencé à l'Assemblée nationale le 10 février 2009. Ce délai a permis aux corporatismes et aux lobbies d'essayer de faire pression sur le Parlement. Mais enfin, et pour la première fois, on voulait bien s'occuper d'abord du système de santé français, l'Assurance maladie n'en devenant que la conséquence.

Le texte a été voté par l'Assemblée nationale le 18 mars 2009, mais il n'a été débattu au Sénat qu'à partir du 12 mai. Il n'a finalement été publié que le 21 juillet 2009, soit 10 mois après son adoption en Conseil des ministres.

Le titre de ce projet de loi a changé à plusieurs reprises, de même que son contenu ; au début - printemps 2008 - le projet était particulièrement lourd avec plus de 300 articles. Ses versions successives l'ont considérablement allégé, car un texte aussi long aurait mobilisé le Parlement pendant plusieurs mois (au lieu d'un texte HPST, on aurait pu avoir quatre textes : H, P, S et T), à tel point qu'un recours aux ordonnances a été envisagé.

Dans sa version finale adoptée en Conseil des ministres le 22 octobre 2008, il comporte 33 articles, mais tous importants.

Il comporte quatre titres :

- Le titre 1 : « H » traite de l'hôpital. Voir à ce sujet le document Le volet Hôpital de la loi Bachelot.

- Le titre 2 : Accès de tous à des soins de qualité. La démographie médicale, la hausse du numerus clausus, la mort du MICA (dispositif de cessation anticipée d'activité), les zones sous médicalisées, les incitations à l'installation, la question des mesures coercitives, sont autant de sujets abordés dans ce titre 2.

Mme Bachelot a esquissé l'annonce d'une pénalisation financière (la taxe Bachelot) pour les médecins s'installant en zone sur-dense. Finalement on est arrivé à un compromis, laissant une période de trois ans pour vérifier si les mesures incitatives donnent des résultats. Après l'ARS (Agence Régionale de Santé) proposera aux médecins des « contrats de solidarité », pour que ces derniers aillent faire des consultations et des gardes, en zones sous denses, sinon ils paieront une pénalité. Le projet définit les soins de premiers recours. La filière de médecine générale est revalorisée. D'où la forte adhésion de MG France au projet.

La loi HPST est transcourants politiques. La coopération entre professionnels de santé est affirmée et le rôle des paramédicaux renforcé. On facilite les cabinets de groupe.

- Le titre 3 : Prévention et santé publique. C'est le titre le plus léger de la loi, il vise essentiellement l'interdiction de vente d'alcool aux jeunes et interdit les « cigarettes bonbons ». Officiellement, il renforce la prévention et organise l'éducation thérapeutique des patients.

- Le titre 4 : Organisation territoriale du système de santé. Ce titre aborde tout le sujet de la régionalisation dans le domaine de la santé. On s'est longtemps demandé si le serpent de mer de la régionalisation n'était pas un alibi pour repousser au plan régional des sujets que l'on n'avait pas su résoudre au plan national.

La loi créée donc les Agences Régionales de Santé. Les ARS avaient été annoncées dès le plan Juppé, mais celui-ci s'était limité aux ARH (agence régionale de l'hospitalisation). Les ARS ont effectivement démarré le 1er avril 2010. Les ARS fusionnent sept structures. Les plus impactées sont les DRASS et les DDASS qui disparaissent. Les missions des ARS sont très larges : santé publique, veille sanitaire, gestion du risque et maîtrise des dépenses, lutte contre les déserts médicaux. Le Directeur de l'ARS est un super préfet sanitaire, nommé en Conseil des ministres.

Les ARS contractualisent avec l'Assurance maladie pour la gestion du risque.

Contrairement aux ARH (une dizaine de personnes), les ARS sont de grosses structures. L'ARS Ile-de-France compte 1 200 personnes. Au total les 26 ARS regroupent plus de 9 000 personnes.

Beaucoup ont vu dans la création des ARS une forme d'étatisation de la santé. Les ARS sont coordonnées par un Comité National de Pilotage. Ceci devrait permettre d'avoir à la fois une véritable politique de santé au plan régional, mais d'éviter d'autre part de créer des assurés sociaux inégaux selon l'endroit où ils se trouveront sur le territoire. Le conseil de surveillance de l'ARS est présidé par le préfet de région.

Après les amendements de l'Assemblée Nationale et surtout du Sénat, la version finale du texte est plutôt édulcorée par rapport au texte initial. L'exemple de l'article 54 sur les refus de soins aux Cmuistes est particulièrement significatif.

Jean-François Chadelat

Transcription

Présentatrice
Roselyne Bachelot est notre invitée ce soir. Madame la ministre, bonsoir.
Roselyne Bachelot
Bonsoir !
Présentatrice
Merci d’avoir répondu à notre invitation. Alors, les jeunes médecins ont craint à un moment que vous le pesiez directement sur leur lieu d’installation. Ils ont même fait un mouvement de grève contre cela. Et finalement, vous leur laissez le choix, mais est-ce qu’on peut compter sur leur bonne volonté ?
Roselyne Bachelot
Effectivement, j’ai souhaité respecter cette liberté de choix, le concept de médecine libérale. Mais il y a effectivement une obligation de résultat. Et on va leur donner les moyens d’observer cette obligation de résultat. Les agences régionales de santé avec les élus, mais aussi avec les professionnels – ce ne sera pas une décision qui tombera d’en haut – le ministère de la Santé établiront une carte, un schéma régional d’organisation des soins ambulatoire. Ces agences se comporteront comme un guichet où les médecins pourront trouver des aides financières, des aides logistiques. Ces agences régionales de santé pourront financer, pourront aider au financement de ces maisons médicales pluridisciplinaires. Vous avez vu les jeunes médecins dans votre reportage, ils ont envie d’exercer en groupe à plusieurs médecins avec d’autres professionnels de santé, par exemple des infirmières. C’est de nouveaux modes d’exercice qui se développent, et nous devons les aider.
Présentatrice
Alors, ces agences régionales de santé, c’est un peu la clef de voute de votre projet de loi.
Roselyne Bachelot
Absolument !
Présentatrice
Certains syndicats trouvent qu’elles auront trop de pouvoir, notamment le fait de pouvoir faire d’une délégation de service public à des cliniques privées ; un peu comme si l’État se défaussait de ses missions.
Roselyne Bachelot
Non, il ne s’agit pas de cela du tout. De quoi souffre notre système de santé ? Il souffre de cloisonnement, parce qu’on a toujours considéré l’hôpital, la médecine de ville ; ce qu’on appelle le médico-social, les structures qui accueillent les personnes âgées, les personnes handicapées. On les a considérés en silos séparés. On voit bien que c’est les problèmes de la permanence des soins, des gardes qui font que les urgences à l’hôpital sont encombrées. On voit bien qu’on n’occupe pas assez les lits de court séjour ; parce que les durées d’hospitalisation avec les progrès de la médecine, ces durées ont diminué. Et vous ne savez pas comment accueillir une personne âgée dépendante de votre famille, comment la faire accueillir. Donc, les agences régionales de santé, elles vont gérer au plus près du terrain, là non plus pas du ministère de la Santé, du terrain. Avec les élus, avec les associations de malades, elles vont gérer l’organisation des soins.
Présentatrice
Alors, avant de poursuivre, on va écouter la réaction de Martine Aubry, parmi les réactions assez négatives à ce projet de loi ; et ensuite, votre réaction à celle de Martine Aubry.
Martine Aubry
Ce projet de loi qui est une belle boîte à outils n’apporte pas aujourd’hui les réponses à ce dont a besoin le système de santé français. C’est d’abord de l’argent pour les hôpitaux. L’hôpital public est pourtant le cœur du système de santé, le cœur de l’excellence du système de soin en France est aujourd’hui en grande difficulté. Tous les CHRU [sauf un] et 3/4 des hôpitaux généraux sont en déficit, malgré les énormes efforts de rationalisation qui ont été faits, qui étaient nécessaires et que je soutiens.
Présentatrice
Alors, il nous reste très peu de temps Roselyne Bachelot. Martine Aubry dit, la rationalisation, on l’a déjà faite, il faut maintenant de l’argent.
Roselyne Bachelot
Martine Aubry est un trop fin connaisseur de ces problèmes pour savoir qu’il y a d’un côté des lois d’organisation, ce que je présente ; mais des lois de financement, ce que je vais présenter aussi. Et que l’année prochaine dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, les crédits augmentent pour l’assurance maladie de 3,3 %. C’est dans le contexte de crise, une tension sur le pouvoir d’achat, un effort considérable. Et que je vais injecter à travers ce qu’on appelle le Plan hôpital 2012, 10 milliards d’euros d’investissement pour rénover, pour réhabiliter. Et finalement, nous voyons bien que nous ne faisons aucun rationnement des soins. Mais je dis aussi que le déficit des hôpitaux publics n’est pas une fatalité. On peut mieux gérer pour mieux soigner.
Présentatrice
Merci beaucoup Roselyne Bachelot. Autre projet de loi…