Marseille fête sa fondation antique
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Retour sur les festivités données à Marseille en 1900, pour l'anniversaire de la fondation de la cité. En 1999, la fête des 2600 ans, la Massalia, sera organisée autour d'un défilé de tous les représentants des communautés et des quartiers de Marseille.
Date de diffusion :
14 juin 1999
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Les festivités de la Massalia du samedi 19 juin 1999 se sont ouvertes, après un tintamarre de sirène et vingt-six coups de canons, sur une "parade nautique" spectaculaire, mettant en branle tous les types de bateaux pour rappeler l'âge d'or du commerce marseillais et son rayonnement mondial. Mais un tel choix, qui n'était pas sans rappeler ce qui avait marqué le 25e centenaire de 1900, avait surtout pour but de symboliser l'arrivée des Phocéens sur les rives du Lacydon autour de 600 av. J.-C., préfigurant l'arrivée des différentes communautés venues par la mer et qui ont "fait" Marseille. Depuis le légendaire coup de foudre de la princesse gauloise Gyptis pour le jeune Phocéen Protis - à qui elle offrit une coupe au cours d'un banquet -, l'ancienne Massalia s'est étendue à partir de la calanque du Lacydon (l'actuel Vieux-Port) au fur et à mesure d'une croissance alimentée par les vagues successives d'immigration venues de la Méditerranée (Corses, Grecs, Italiens, Arméniens, Maghrébins) et d'Outre-Mer et qui se sont greffées sur un substrat provençal, célébré par une grandiose Coupo santo chantée a capella par 900 choristes.
Le pivot central des festivités des 2 600 ans fut la "Parade Terrestre" qui défila du Palais Longchamp à la Joliette avec chars, fanfares, marionnettes géantes. Elle rassemblait tous les groupes constitutifs de Marseille et faisait donc côtoyer la Provence, l'Italie, l'Arménie, le Viêt-Nam, l'Espagne, le monde arabo-musulman, l'Afrique noire, les Antilles et jusqu'à l'Océan indien. Environ 6 000 participants ont collaboré à cette parade qui voulait célébrer le cosmopolitisme de la "grande mosaïque marseillaise". En effet, ville portuaire, Marseille a été et reste un point d'escale, un lieu d'accueil et de passage pour de nombreux migrants. Depuis longtemps, Grecs, Levantins, Suisses, Ligures et Napolitains, Corses et "gavots" des Alpes ou Provençaux de l'intérieur sont venus la peupler. À partir de la fin du XIXe siècle, la grande migration italienne est venue corriger le déficit naturel de la population locale. Avec la guerre, les premiers Kabyles y ont été appelés. Puis, dans les années 1920 sont arrivés de nouveaux réfugiés, venant de Russie et surtout d'Arménie, plus d'autres Italiens, des Espagnols. Après les années quarante, avec les décolonisations, l'immigration vient surtout d'Afrique du Nord, européennes avec les rapatriés et non européennes avec les Algériens, Tunisiens et Marocains qui viennent ici chercher du travail. Les étrangers représentent alors près du quart de la population totale dans l'agglomération marseillaise. Plus récemment, réfugiés d'Asie du Sud-Est, Comoriens et autres Africains sont venus s'y établir. Cette insistance sur la diversité marseillaise est significative des préoccupations du moment et du souci de créer du lien social, après une période de tensions sociales qui avait fait le lit du racisme. Marseille entend ainsi rappeler à tous leurs origines et montrer que la " culture méditerranéenne " dont elle s'est nourrie était un bien commun. Ce n'est pas pour rien que les festivités du 26e centenaires avaient été lancées le 13 mars précédent par un carnaval presque aussi spectaculaire faisant converger tous les quartiers de Marseille vers le Vieux-Port, avec chars et troupes d'artistes annonçant la fresque historique qui allait se déployer le 19 juin et que, parallèlement, Marseille Espérance avait commencé à faire dessiner au parc Chanot l'"Arbre de l'Espérance", oeuvre collective composées avec les signatures de tous ceux, célèbres ou inconnus, qui souscrivaient aux valeurs d'ouverture au monde, de respect de l'autre et de solidarité.
La célébration des 2 600 ans s'est achevée le 19 juin à minuit par un spectacle "Sons et Lumières" projeté sur les façades des immeubles qui bordent les trois quais du Vieux-Port. Conçu pour retracer l'histoire de la ville, tout comme "la grande cavalcade historique avec chars allégoriques représentant Marseille à travers les âges" de 1900. La Massalia qui a rassemblé près de 300 0000 spectateurs s'est donc conclue sur cette évocation du passé destinée à renforcer l'identité marseillaise. Ce spectacle montre ainsi à quel point la mise en scène de l'histoire est un enjeu important dans la compréhension du présent et l'unité de populations. Cette instrumentalisation a provoqué les critiques de ceux, peu nombreux il est vrai, pour qui le marketing, la "folklorisation des différences", les clichés " historiques " (très éloignés de l'histoire réelle) et la fête sur commande n'étaient que poudre aux yeux et risquaient de sacrifier le travail obscur et de fond des associations et des individus qui pratiquent la solidarité au quotidien.
Plus largement, la Massalia illustre la place prise aujourd'hui par les grandes festivités très médiatisées dans la construction de l'image des villes et des peuples. Le succès de la Massalia allait susciter, un an après, le 24 juin 2000, une autre initiative du même type, la Marscéleste, destinée, d'après son concepteur, à "ouvrir les portes du troisième millénaire". L'idée était aussi, en cas de succès renouvelé, de transformer cet "événement" en biennale, ce qui, finalement, n'a pas été fait, sans doute de peur que la banalité ne s'empare de ce qui devait rester un moment d'exception.
Bibliographie :
Emmanuel Khérad, La Massalia : 2600 ans de Marseille. Le livre de l'événement, Marseille, Éditions Muntaner, 1999.
Antoine Hermary, Antoinette Hesnard et Henri Treziny dir., Marseille grecque : la cité phocéenne (600-49 av.J.-C.), Paris, Éditions Nathan/Errance, Collection "Hauts lieux de l'histoire", 1999.
Transcription
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