Poussée du Front national à Marseille
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Le premier tour de l'élection présidentielle a donné à Jean-Marie Le Pen un score record à Marseille, où le Front National confirme son implantation. Ses dirigeants, Jean-Marie Le Pen et Pascal Arrighi, anticipent sur un avenir qu'ils envisagent comme radieux : les élections municipales de 1989 paraissent à leur portée et Jean-Marie Le Pen peut s'imaginer maire de Marseille. Selon le maire socialiste Robert Vigouroux, la gauche devra faire cesser ses zizanies pour résister à cette poussée. Pour Jean-Claude Gaudin, la montée du FN éloigne la perspective de conquérir l'Hôtel de ville, car le rapport de force s'est inversé à droite au profit de ce parti.
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25 avr. 1988
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Le premier tour des élections présidentielles, le 24 avril 1988, vient de constituer un grand succès pour Jean-Marie Le Pen à Marseille. Il y a obtenu 28,3 % des voix (102 541) pour 24,5 % sur l'ensemble de la région. Ces résultats couronnent une ascension commencée en juin 1984 aux élections européennes et régulièrement confirmée depuis. C'est pourquoi le FN a jeté son dévolu sur la Provence, où tous les espoirs lui paraissent permis. Les chefs de ce parti, tout en n'ayant aucune attache locale, se bousculent pour venir essayer de s'y faire élire, à commencer par son leader incontesté, Jean-Marie Le Pen, dont les ambitions oscillent entre Marseille et les Alpes-Maritimes. Pour l'heure, c'est Marseille, dans la perspective des élections municipales à venir, en 1989, qui présente pour lui tous les attraits. Il vient d'y devancer François Mitterrand (26,91) et d'y écraser les candidats de droite, Jacques Chirac et Raymond Barre, dont le score total n'égale pas le sien.
Le département des Bouches-du-Rhône paraît terre d'élection pour le FN. C'est là que le phénomène électoral a pris corps. Après avoir obtenu 21,42 % des suffrages aux élections européennes de 1984, le FN a confirmé son succès aux cantonales suivantes en faisant élire un transfuge de la droite classique (ex-PR), Jean Roussel, qui devient ainsi le premier conseiller général FN élu en France. En 1986, grâce à la proportionnelle, le FN se retrouve avec 8 députés dans la région, dont 4 pour les seules Bouches-du-Rhône, et 25 conseillers régionaux. Son électorat est composite, même si le noyau dur s'est constitué autour de "pieds-noirs" activistes, qui, par le biais d'associations de rapatriés ou d'anciens combattants, ont élargi leur audience dans la "communauté". Cet électorat a connu aussi des glissements. Une partie est issue des quartiers populaires votant auparavant éventuellement communiste ou socialiste, mais un fort contingent, sinon le principal, vient de la droite la plus conservatrice, de membres des couches moyennes ou supérieures, radicalisés par hostilité à la gauche au pouvoir et par un discours de l'opposition qui a beaucoup joué depuis des années sur diverses peurs, autour des thèmes privilégiés que sont l'insécurité et l'immigration, tout ceci sur fond d'une crise économique et sociale profondément ressentie, à Marseille notamment. Ce glissement est favorisé par l'origine, "respectable", non extrémiste, souvent " giscardienne ", parfois RPR, d'une partie de ceux que le FN présente aux élections. Il paraît d'autant moins y avoir de barrière étanche entre extrême droite et droite que celle-ci négocie des arrangements locaux avec le FN. L'accord conclu par Jean-Claude Gaudin afin d'accéder à la présidence du Conseil régional en 1986 en a été la principale - mais non unique - illustration. Cet électorat "bourgeois" a tendance à se repositionner à droite à la fin des années quatre-vingt, tandis que la base électorale du FN se cristallise autour de milieux périphériques, de "petits blancs", inquiets par le déclassement qui les menace. Cette évolution sociologique est en cours en 1988, mais la présence de Pascal Arrighi (confondu avec un autre responsable FN dans le reportage) aux côtés de Jean-Marie Le Pen montre que la séduction que celui-ci opère sur tout un pan des "élites" n'est pas encore effacée. Le profil d'Arrighi est typiquement celui d'un notable conservateur, profondément marqué par l'affaire algérienne : député radial de Corse en 1956, passé à l'UNR en 1958, puis rompant avec le gaullisme par hostilité à la politique algérienne, ce juriste, après une brillante carrière professionnelle (il a présidé le Centre universitaire de Toulon puis l'Université de Corte), s'est recyclé en politique avec le FN en 1984 et a retrouvé avec cette étiquette les bancs de l'Assemblée nationale en 1986. Sa présence donne à Jean-Marie Le Pen la respectabilité bourgeoise et l'ancrage local qui lui manquent pour accéder à des responsabilités politiques à Marseille.
Mais, au "triomphe" du FN au lendemain du 1er tour de la présidentielle succède le temps des déconvenues. Les élections législatives qui suivent en juin 1988 sont un premier échec. Jean-Marie Le Pen, candidat dans la 8e circonscription, le fief de Marius Masse (PS), a fait de la "bataille de Marseille", "tête de pont de la République et de la Nation", " la bataille de la France ", or, s'il obtient 33 % des suffrages, il ne peut conquérir la majorité en dépit de l'accord de retrait conclu avec Jean-Claude Gaudin et une droite dont les chefs sont plutôt embarrassés. Comme leur leader, Jean-Pierre Stirbois, le secrétaire général du FN, à Marignane, Bruno Mégret à Gardanne, Gabriel Domenech, Ronald Perdomo, Pascal Arrighi, sont tous battus au 2e tour malgré ce retrait. Le seul député que le FN, grâce à cet accord, peut faire élire dans la région est Yann Piat dans le Var. Cet échec accentue les dissensions internes au sein du FN des Bouches-du-Rhône dont, déjà, il avait fallu partager l'organisation entre Perdomo et Arrighi. Ce dernier rompra avec le FN en septembre 1988, tout comme Yann Piat peu après. La décision, le même mois, des chefs nationaux de la droite ne plus conclure d'accord avec le FN constitue un autre désaveu. La "bataille de Marseille" aux municipales de 1989 se fera sans Jean-Marie Le Pen, mais entre Jean-Claude Gaudin, moins perdant qu'il n'est dit dans le reportage (bien qu'affaibli) et Robert Vigouroux - qui en sortira largement vainqueur.
Bibliographie :
Claude Bertrand, Illusions et réalités de la vie politique à Marseille, Paris, Documents Payot, 1998.
Frédéric-Joël Guilledoux, Le Pen en Provence, Paris, Fayard, 2004.
Transcription
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