Crise sanitaire et coronavirus : le premier jour d'école à la maison

Lors d’une allocution télévisée solennelle, le président de la République Emmanuel Macron annonce, le jeudi 12 mars 2020, la fermeture à partir du lundi suivant et jusqu’à nouvel ordre, des crèches, des établissements scolaires et des universités sur l’ensemble du territoire national. L’objectif d’une telle mesure, inédite en temps de paix, est de freiner la propagation de l’épidémie du COVID-19 et protéger in fine les Français les plus vulnérables. Seuls les enfants du personnel indispensable à la gestion de la crise sanitaire bénéficient d’un système de garde, parfois assuré en milieu scolaire.

Le lundi 16 mars est donc le premier jour d’école à distance pour 12 millions d’élèves en France, dont plus de 900 000 en Provence-Alpes-Côte d’Azur. Le ministère de l’Éducation nationale tente en effet de maintenir un lien éducatif et social avec les élèves. Pour assurer cette « continuité pédagogique », les enseignants multiplient, non sans difficultés, les contacts médiés avec les élèves et leurs familles par téléphone, par courriel et via les logiciels de notes. Ils s’appuient également sur les espaces numériques de travail (ENT) développés dans chaque académie, mais qui n’étaient pas préparés à faire face à un si grand nombre de connexions. Dans une étude conduite par des chercheurs d’Aix-Marseille Université, auprès de plus de 4 000 enseignants en France, 32,8 % des répondants indiquent utiliser les ENT pour partager des documents avec les élèves et leurs familles. Le support papier n’est pas pour autant abandonné, et s’avère indispensable pour garder le contact avec les familles en situation de fracture numérique. Les enseignants peuvent aussi interagir avec leurs élèves en audio voire en vidéoconférence. Cet outil numérique a aussi contribué à maintenir le travail collaboratif entre pairs ou les simples échanges entre adolescents pour tenter de rompre l’isolement social. En Provence-Alpes-Côte d’Azur, la plateforme ATRIUM, s’adressant aux lycéens, jamais utilisée auparavant à une telle échelle, connaît quelques disfonctionnements initiaux, de nature à renforcer l’anxiété des parents et des enfants. Ces derniers doutent de leur capacité à travailler en autonomie durant plusieurs semaines d’affilée sans perdre leur motivation. Les cours en visioconférence, auxquels plus d’un élève sur trois est confronté, créent une surcharge de travail autonome supplémentaire pour les élèves. Un stress supplémentaire pèse sur ceux devant passer le Baccalauréat. Cet examen sera au final évalué sur la base du contrôle continu. Avec l’allongement du confinement, les parents découvrent, de leur côté, la difficulté de faire l’école à la maison, tout en continuant à exercer leur activité professionnelle même en télétravail.  

Cette situation de cours à distance subie a mis en exergue des inégalités préexistantes d’équipement et d’hétérogénéité du matériel à la disposition des enfants, mais aussi et surtout les difficultés d’accès et d’usage (fracture numérique). Plus du tiers des familles les plus précaires ne disposent pas d’un ordinateur, l’accès au numérique, se réduit donc, dans ce cas, au smartphone, qui doit parfois être partagé au sein du foyer. Certaines collectivités, dont le conseil régional de Provence Alpes Côte d’Azur, ont toutefois antérieurement distribué des tablettes aux lycéens. La mauvaise voire la non maîtrise de l’outil numérique, l’impréparation des enseignants quant à la pédagogique à distance et l’usage encore limité du numérique éducatif du côté des professeurs comme des élèves, constituent d’autres handicaps majeurs. Par ailleurs, il existe encore parfois  des différences marquées entre les espaces urbains ou périurbains, bénéficiant d’accès à internet à haut débit, et certains espaces ruraux au niveau de connexion plus aléatoire voire encore situés en zone blanche.

Malgré les efforts de tous, cette période de confinement a été synonyme de décrochage scolaire, en particulier dans les catégories de la population les moins socialement favorisées. Dans les collèges et lycées, les professeurs estiment avoir perdu le contact avec 10 % de leurs élèves et plus de 60 % d’entre eux signalent rencontrer des difficultés de communication à distance. L’exiguïté de certains logements, induisant le partage d’une même chambre par plusieurs membres de la famille, a joué un rôle déterminant dans ce processus d’éloignement temporaire de l’école. Le degré divers d’investissement des parents dans le suivi de l’école à distance, en fonction de leurs capacités et de leur disponibilité, a également pesé. La reprise de l’école en France a cependant eu lieu au cours du mois de mai, soit avant la longue coupure des vacances estivales, permettant ainsi de procéder à une première remise à niveau. Enfin, lors du second confinement national du mois de novembre 2020, les écoles françaises sont demeurées ouvertes.

Bibliographie 

• Marie-Apolline Barbara, « Inégalités de conditions de vie face au confinement », Trésor-Éco, n° 264, Direction générale du Trésor, Août 2020.
• Diane Béduchaud, Alexandra Coudray, Edwige Coureau-Falquerho, École, numérique et confinement : quels sont les premiers résultats de la recherche en France ? Note d’information pour les États généraux du numérique pour l’éducation, Ministère de l'Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports, Ifé-ENS Lyon, Réseau Canopé, 2020.
• Christine Felix, Pierre Alain Filippi, Sophie Gebeil, Perrine Martin, « « Si on avait pu se préparer… » ou les effets d’un enseignement à distance non anticipé », Administration & Éducation, Association Française des Acteurs de l'Éducation, 2021. ⟨10.3917/admed.169.0101⟩. ⟨hal-03169192⟩
• Perrine Martin, Sophie Gebeil, Pierre-Alain Filippi, Christine Felix, « Impact des usages numériques préexistants des enseignants du supérieur face à l’impératif de l’enseignement à distance en période de confinement », Array, ICMA, 2021, 18 (1), p.170-183. ⟨10.18162/ritpu-2021-v18n1-15⟩. ⟨hal-03156357⟩