Le dernier bidonville de Nice
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La destruction d'un des derniers grands bidonvilles français à Nice est l'occasion pour un ethnologue de revenir sur les conditions de vie des travailleurs immigrés, entre misère et solidarité. La question du relogement est posée.
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16 mars 1976
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Contexte historique
ParMaître de conférences en histoire contemporaine à l’Inspé de l’Université d’Aix-Marseille
L'afflux de migrants en provenance d'Afrique du Nord dans un contexte de crise du logement a conduit à Nice, comme dans bien d'autres villes françaises, à la constitution de bidonvilles. Ces zones de baraques précaires et insalubres installées à la périphérie des grandes villes prennent le nom de bidonville, originellement appliqué aux faubourgs de Casablanca ou d'Alger. Dans les années 1960, la médiatisation fait connaître les conditions de vie déplorables des habitants des bidonvilles. On estime qu'environ 10 % des immigrés et surtout un clandestin sur deux y résident, soit 45 000 personnes en France. En 1964, une première loi prévoit la résorption des bidonvilles. Mais, il faut attendre la loi Vivien, en juillet 1970, adoptée dans un contexte de vive émotion suscitée par la mort de cinq Africains dans un bidonville d'Aubervilliers, en région parisienne.
À Nice, le mouvement se fait plus lent. Au début des années 1970, le bidonville de la Digue-des-Français, installé sur la rive gauche du Var à l'écart de la RN 202, constitue, avec près de 2 000 habitants, l'un des derniers espaces de ce type dans une grande ville française. Pourtant, les incidents sont nombreux. Ainsi, le 1er juillet 1974, un incendie ravage 250 baraques et prive de logement 400 personnes, sans toutefois provoquer de victimes. L'association de soutien aux travailleurs immigrés dans les Alpes-Maritimes (ASTIAM), formée par des membres du PSU et des chrétiens de gauche, alerte l'opinion publique et aide les habitants des bidonvilles à se reloger. Ces zones, "véritable État dans l'État" où l'on "vit avec ses propres lois et ses propres règles" selon la presse locale, suscitent méfiance et rejet. Lorsque la Société Nationale de Construction de Logement pour Travailleurs (SONACOTRA) entreprend, en 1974, une première opération de relogement, les protestations sont nombreuses autour du foyer-hôtel devant accueillir les travailleurs immigrés dans le quartier de Riquier.
En 1976, la construction de l'autoroute de contournement de Nice conduit à une opération de plus grande ampleur devant aboutir à la démolition du bidonville. La marginalité géographique demeure toutefois puisque c'est à proximité que les immigrés sont relogés dans une "cité modulaire" de 1 000 lits étendue sur 5,5 hectares. Comme le souligne, devant les caméras, l'ethnologue Pierre Espagne, mandaté par la SONACOTRA pour préparer le transfert, les conditions de cette opération ne sont pas sans poser de problème. En effet, le bidonville, en dépit des conditions d'hygiène inacceptables, était un lieu de sociabilité et de solidarité fondé sur les structures sociales villageoises du pays d'origine. On craint un nouveau déchirement après celui déjà douloureux à l'origine du parcours migratoire.
L'hébergement dans la cité appelée Nice-Village, conçu comme transitoire, perdure bien au-delà des six années prévues. Par ailleurs, la démolition du bidonville de la Digue-des-Français ne signifie pas la fin de ces zones de marginalité à Nice. En 1979, soixante travailleurs immigrés vivent encore dans des conditions sordides en bordure du boulevard Paul Montel, non loin de là, avant d'être transférés dans un foyer. Dans le quartier de l'Ariane, il faut attendre 1986 pour que disparaisse le bidonville tzigane des Chênes blancs. Alors que le problème semble enfin résorbé, un nouveau bidonville est construit, en 2005, dans le quartier de Saint-Augustin par des familles roumaines. Nice, capitale internationale d'un tourisme haut de gamme, peine manifestement à accueillir les étrangers infortunés.
Transcription
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