A Fos-sur-Mer, des habitants malades de la pollution

En 2017 est rendue publique l’étude participative en Santé Environnement dénommée Fos-Epséal. Elle a été conduite par une équipe interdisciplinaire auprès des habitants de Fos-sur-Mer et Port-Saint-Louis-du-Rhône dans les Bouches-du-Rhône. Plus de 800 foyers vivant non loin de l’étang de Berre ont été interrogés et invités à déclarer les maladies les affectant. Il s’agit de mesurer le ressenti des populations et de les associer aux différents stades de la recherche. Ces travaux, venant en complément d’autres études épidémiologiques, bénéficient d’un certain retentissement médiatique, car ils mettent une nouvelle fois en lumière la prévalence préoccupante de certaines maladies dans le golfe de Fos. Ainsi près des deux tiers des habitants se déclarent atteints d’une maladie chronique, comme l’asthme, une autre affection respiratoire, une affection dermatologique, une maladie auto-immune, une maladie endocrinienne, le diabète ou un cancer. Le nombre de diabétiques et de personnes atteintes d’un cancer s’élève au double de la moyenne nationale.

L’intense pollution atmosphérique, dont certaines composantes sont encore ignorées ou sous-estimées, contribue assurément à la surreprésentation de ces pathologies et aux décès plus nombreux et plus précoces qui en résultent. Les habitants sont en effet exposés, tout au long de l’année, à un cocktail de polluants, dont les principaux sont les particules fines, le dioxyde d’azote, le dioxyde de soufre et surtout à l’ozone. Ce gaz, résultant de la transformation d’autres polluants sous l’effet de la chaleur, est particulièrement dangereux pour l’appareil respiratoire.

Le pourtour de l’étang de Berre constitue en effet une des plus importantes concentrations industrielles de France et d’Europe, où sont implantées depuis l’entre-deux-guerres des activités de raffinage du pétrole, ayant par la suite donné naissance à une puissante industrie chimique. Ce caractère industriel a été renforcé, au début des années 1970, par le choix de créer à Fos-sur-Mer une zone industrialo-portuaire (ZIP), dont les principaux secteurs d’activité sont la sidérurgie et la pétrochimie. Une trentaine de sites sont par conséquent classés Seveso 2, du nom d’une commune d’Italie du Nord où s’est produite en 1976 une catastrophe industrielle aux conséquences écologiques et sanitaires désastreuses. Une directive européenne éponyme oblige à recenser les établissements qui stockent des substances pouvant s’avérer dangereuses pour les êtres humains ou l’environnement. L’industrialisation du pourtour de l’étang de Berre a également eu comme effet induit la naissance d’une importante agglomération de plusieurs centaines de milliers d’habitants, qui engendre une pollution résidentielle, provoquée par exemple par le chauffage urbain. Cette pollution industrielle et résidentielle est renforcée par une pollution liée aux transports. La région de l’étang de Berre est en effet traversée par un important réseau routier et autoroutier. La commune de Marignane accueille, en outre, l’aéroport Marseille Provence, dont le trafic est en forte progression ces dernières décennies à la suite de la multiplication des vols opérés par les compagnies aériennes à bas coûts. L’impact du trafic maritime se fait également négativement sentir.      

Les pouvoirs publics et les entreprises doivent donc s’efforcer d’améliorer la mesure de ces polluants et prendre les décisions adéquates pour limiter leur impact sur la santé humaine et l’environnement, notamment en réduisant les émissions de dioxyde de carbone (CO2) et de gaz à effet de serre. Le recyclage biologique du CO2 industriel est une voie, parmi d’autres, permettant d’atteindre cet objectif. Lancé en 2016, le projet de recherche Vasco 2 a par exemple validé l’efficacité d’un procédé de culture de micro-algues grâce au CO2 présent dans les fumées industrielles émises par les usines de la ZIP de Fos-sur-Mer. Dans la phase suivante du projet, les chercheurs envisagent d’aboutir à la production de biocarburants à partir de la pâte de micro-algues obtenue.

Bibliographie

• Barbara L. Allen, Alison K. Cohen, Yolaine Ferrier et Johanna Lees, Fos-Epséal étude participative en santé environnement ancrée localement sur le front industriel de Fos-sur-Mer et Port-Saint-Louis-du-Rhône. Rapport final, Marseille, Centre Norbert Elias, 2017. https://www.fossurmer.fr/fileadmin/Actualites-Agenda/Archives/Environnement/rapport-final-fos-epseal.pdf
• Xavier Daumalin et Christelle Gramaglia, « “Neither leave here, nor die here, but really live here”. Milestones for a social history of anti-pollution movements in the Berre/Fos‑sur‑Mer industrial port zone », Rives méditerranéennes, n° 61, 2020, p. 20-45. https://journals.openedition.org/rives/7725
• Henri Legrand et Catherine Mir (dir.), La pollution de l’air dans le secteur de l’étang de Berre, Paris, Conseil général de l’environnement et du développement durable, 2018.  https://www.vie-publique.fr/sites/default/files/rapport/pdf/184000415.pdf