Allocution du général de Gaulle

04 mars 1967
07m 15s
Réf. 00128

Notice

Résumé :

A la veille du premier tour des élections législatives, nouvelle intervention du général de Gaulle à la radio et à la télévision. Le Président de la République s'adresse aux Français en leur montrant en quoi il est nécessaire que de leurs votes sorte une majorité stable au Parlement afin qu'il puisse travailler de façon cohérente avec son gouvernement.

Type de média :
Date de diffusion :
04 mars 1967
Type de parole :

Éclairage

Les élections législatives qui doivent pourvoir au remplacement de l'Assemblée élue en 1962 et dont le mandat s'achève doivent être organisées les 5 et 12 mars 1967. Or, depuis l'élection présidentielle de 1965 au cours de laquelle le Général e Gaulle a été mis en ballottage, l'opposition, stimulée par son relatif succès, s'est organisée. François Mitterrand a rassemblé autour de lui au sein de la Fédération de la gauche démocrate et socialiste le parti socialiste, le parti radical, et les clubs de la Convention des institutions républicaines, cependant que le centre-droit du MRP et des Indépendants a constitué derrière Jean Lecanuet un Centre démocrate. Or ces forces d'opposition entendent faire des législatives un "troisième tour" de l'élection présidentielle en privant le président élu de majorité à l'Assemblée nationale. Cet espoir ne semble pas tout à fait vain, les sondages prévoyant un recul de la majorité qui, de son côté, s'est rassemblée autour du Premier ministre Georges Pompidou dans un Comité d'action pour la Vème République réunissant les gaullistes de l'UNR (Union pour la nouvelle République), les gaullistes de gauche et les giscardiens, rassemblés dans une Fédération nationale des Républicains Indépendants.

Aussi, à la veille du premier tour, alors que la campagne électorale s'est achevée la veille à minuit, de Gaulle adresse-t-il un ultime appel aux électeurs en situant l'enjeu des élections dans un choix entre le salut et le malheur du peuple français. Le salut serait la réélection d'une majorité décidée à appuyer l'action du président afin de poursuivre, en dépit des obstacles et des difficultés, l'oeuvre de progrès accomplie depuis 1958. Le malheur consisterait dans l'élection d'une majorité d'opposants qui paralyseraient l'action présidentielle, bloqueraient le fonctionnement des institutions, sans être capables de mettre en oeuvre une politique alternative cohérente et efficace.

Serge Berstein

Transcription

(Musique)
Charles de Gaulle
Françaises, Français, à la veille du jour où le pays va voter, après avoir entendu tant et tant d'arguments opposés, j'ai le devoir d'évoquer devant vous ce qui nous est commun à tous, je veux dire le bien de la France. Car chacun sait au fond de lui-même, que par-dessus toutes les tendances, tous les souhaits, tous les griefs, il y a le salut ou le malheur de notre peuple. Chacun sait qu'au long de notre vie nationale, autrement dit de notre combat contre les difficultés du dedans, la concurrence du dehors, Parfois l'agression étrangère, tous, nous gagnons ou nous perdons, suivant que notre pays gagne ou perd. Chacun sait pour quelles raisons historiques et constitutionnelles il m'appartient d'exprimer et de soutenir au dessus des compétitions ce qui est l'intérêt supérieur permanent collectif de la Nation. Car du flot des multiples débats concernant les affaires publiques et auxquelles nous venons d'assister, il se dégage trois conclusions dont je crois bien qu'en dépit des partis pris électoraux, elles sont en réalité partagées par tout le monde. La première, c'est qu'à l'époque et dans l'univers où nous sommes, et compte tenu des terribles épreuves qu'a subi notre pays et des graves retards qu'il a longuement accumulés, en dépit de tout cela eh ! bien, Beaucoup de difficultés sont à vaincre, pour que nous puissions assurer à la France le progrès, l'indépendance et la paix. La deuxième conclusion, c'est que quoi que ceux-ci ou ceux-là puissent contester ou réclamer, pour les besoins de leur cause, beaucoup est accompli à l'heure actuelle. La troisième, c'est que pour aller plus avant sur la route qui nous mène à la prospérité économique, à la justice sociale, à la coopération européenne et mondiale, il nous reste beaucoup, beaucoup, beaucoup à faire. Mais justement, comment le faire ? Si les pouvoirs de l'Etat devaient être comme naguère paralysés par les crises, comment le faire ? Si moi-même, confirmé à la tête de la République par le mandat de notre peuple, chargé comme je le suis de garantir le destin de la France, par conséquent de conduire sa politique, et de nommer son gouvernement, je trouvais au sein du parlement les partis en mesure de m'empêcher d'accomplir ma tâche et ainsi de bloquer le fonctionnement régulier des pouvoirs, sans être capables de remplacer par rien de cohérent les institutions stables et efficaces que nous avons établies, Comment faire tout ce que nous avons à faire si du coup notre pays se voyait lui-même et se montrait à l'étranger comme voué de nouveau à d'absurdes et ruineuses secousses ? Au contraire, tous les espoirs sont permis à la Nation, si notre cinquième République l'emporte. Car alors, elle prendra le départ pour une étape nouvelle de notre marche en avant. Alors, l'action qu'elle mène à l'intérieur pour le progrès dans tous les domaines sera sans nul doute renforcée par la confiance des citoyens et élargie ensuite par l'adhésion d'un nombre grandissant de ceux qui jusqu'à présent se sont tenus à son égard éloignés ou incertains, Alors, elle aura encore plus de poids et de crédit à l'extérieur pour accomplir la mission de notre pays, pour aider l'Europe toute entière à s'unir et à s'organiser, et pour travailler à la paix du monde. Françaises, Français, vous le voyez une fois de plus, au moment décisif, je vous ai parlé pour la France. Vive la République, vive la France.