Les Fourberies de Scapin mises en scène par Jean-Louis Benoît à la Comédie-Française

20 décembre 1997
05m 17s
Réf. 00271

Notice

Résumé :

Interview de Jean-Louis Benoît qui explique avoir cherché à retrouver dans sa mise en scène l'esprit d'une pièce à tréteaux. Un extrait du spectacle, la scène où Scapin enferme Géronte dans un sac et le bat (acte III, scène 2), vient illustrer ce propos, puis Philippe Torreton insiste sur le caractère retors et solitaire de Scapin.

Date de diffusion :
20 décembre 1997
Source :
FR3 (Collection: Mise en scène )
Fiche CNT :

Éclairage

Avec Les Fourberies de Scapin, qu'il crée en 1671, Molière revient à ses premières amours, la comédie farcesque à l'italienne mettant en valeur la virtuosité actoriale de ses interprètes : il cherche ainsi à réaffirmer le primat du théâtre pur après plusieurs années d'association avec le compositeur Lully, avec lequel il vient de se brouiller ; il s'efforce également de renouer avec le rôle du valet vedette qui lui avait offert ses premiers succès de comédien, avec le Mascarille de L'Etourdi et des Précieuses ridicules. Mais il est malade, physiquement diminué, et sa performance n'est pas à la hauteur de son ambition : le spectacle est un échec, et ne sera pas repris du vivant de Molière. La pièce connaîtra cependant une immense fortune dès 1680, après la mort de Molière.

Réécriture d'une comédie romaine antique, le Phormion de Térence, Les Fourberies de Scapin empruntent aussi largement à l'esthétique de la commedia dell'arte, pour laquelle Molière a beaucoup d'admiration (le valet fourbe Scapin reprend ainsi les caractéristiques du Scappino italien), ainsi que de la farce populaire du début du XVIIe siècle (la scène du sac est une version enrichie d'un numéro de Tabarin).

Au rebours de la tradition dominante, Philippe Torreton n'est pas un Scapin virevoltant et bouffon : au milieu d'une troupe déchaînée, il présente au contraire un calme désabusé, une gravité mélancolique et une surprenante économie de gestes. Solitaire et lucide sur les égoïsmes qui l'entourent, il semble intervenir dans les intrigues des autres personnages par pure passion du jeu, se jouant d'eux comme le ferait un montreur de marionnettes. La mise en scène tout entière est placée sous le signe de l'amour du théâtre, à commencer par la fameuse scène du sac, encadrée par un second rideau de scène.

Voir Les Fourberies de Scapin mises en scène par Jean-Pierre Vincent au Festival d'Avignon (1990)

Céline Candiard

Transcription

(Musique)
Jean-Louis Benoît
C’est une pièce de tréteaux. Et en effet, nous, bon, bien sûr dans cette salle là, la salle Richelieu, on va mettre un tréteau sur la scène, sinon ça ne marche pas. Mais j’ai quand même essayé de faire une mise en scène très simple, très pure pour retrouver l’idée du tréteau.
(Musique)
Jean-Louis Benoît
Molière appelle ça comédie, c’est une comédie. Mais, il y a à l’intérieur de la comédie tous les codes et tous les ressorts de la farce, bon notamment la scène du sac... qui est une... la scène du sac se réfère à des petites pièces où il y avait un sac comme le [Georgi bûcher] dans le sac que Molière avait joué. Le sac était un élément de la farce que tout le monde connaissait et très populaire.
Philippe Torreton
Et surtout, prenez garde de ne point vous montrer.
(Bruit)
Comédien 2
Oui.
(Bruit)
Philippe Torreton
... et de ne branler pas, quelque chose qui puisse arriver.
Comédien 2
[Inaudible]
(Bruit)
Philippe Torreton
... et de ne branler pas, quelque chose qui puisse arriver.
Comédien 2
Laisse-moi faire, je saurai me tenir, hein.
Philippe Torreton
Prenez garde ! [Inaudible]
(Bruit)
Philippe Torreton
Quoi ! Je n'aurai pas l'abantage dé tuer cé Géronte, et quelqu'un par charité ne m'enseignera pas où il est ? Ne branlez pas ! Cadédis, je le trouverai, se cacha-t-il au centre de la terre. Ne vous montrez pas ! Halte ! L’homme au sac !
(Bruit)
Philippe Torreton
Monsieur ! Jé té vaille un louis et m’enseigne où put être Géronte. Vous cherchez le seigneur Géronte, Monsieur ? Oui, [por qué] je le cherche. Et pour quelle affaire ? Pour quelle affaire ? Oui. Je veux Cadédis, lé faire mourir sous les coups de bâton. Ah ! Monsieur, les coups de bâton ne se donnent point à des gens comme lui et ce n’est pas un homme à être traité de la sorte. Qui ? Ce fat de Géronte, ce maraud, ce velître ? Le Seigneur Géronte, Monsieur, n’est ni fat, ni maraud ni bélître ! et vous devriez, s’il vous plaît, parler d’autre façon. Comment ? Tu me traites à moi avec cette hauture ?! Je défends comme je le dois un homme d’honneur qu’on offense. Est-ce que tu es des amis de ce Géronte ? Oui Monsieur, j’en suis. Ah ! Cadédis, tu es de ses amis, à la bonne [hure] ! Scapin n’est pas que un personnage positif, allègre comme peut l’être Arlequin ou des gens comme ça. Il est... il est retors, et il est... il a la vengeance tardive et tenace et il le dit à plusieurs... ça vient ponctuer pratiquement chaque fin d’acte où il dit : le Géronte là, je vais me le faire à la fin. Et donc c'est... il rumine quand même pas mal. Et donc on voulait asseoir ce comique là de la farce sur des choses, sur des vrais rapports, sur des choses justes, enfin qu’on estime, nous, justes à savoir par exemple pour Scapin une profonde solitude par exemple, qu’on retrouve à la fin mais ça on laissera les spectateurs le voir. Mais le... le... Il commence seul et il finit seul. Et par moment, même dans la pièce, il est tout seul. Et il fait ça pour rien. C’est là où le personnage est magnifique. C’est que, d’accord, il a des aspects un peu sombres, comme ça, un peu hargneux. Mais, en même temps, il aide quand même deux jeunes tourtereaux à faire accepter leur mariage par leur père et Dieu sait si ce n’est pas facile au début, et pour rien. Il le fait pour rien. Pour l’amour de l’humanité comme il le dit.
(Bruit)
Philippe Torreton
D’un coup là ! Un petit leçon pour apprendre à toi à travers un seul [Inaudible]
(Bruit)