La Serva amorosa de Goldoni à la Comédie-Française

02 janvier 1993
02m 57s
Réf. 00476

Notice

Résumé :

En 1992, Jacques Lassalle monte La Servante aimante (La Serva amorosa) de l'auteur dramatique vénitien Carlo Goldoni (1707-1793) - première mise en scène de la pièce à la Comédie-Française. On montre des extraits de la pièce, entrecoupés d'interviews des comédiens Catherine Hiegel et de Jacques Sereys.

Date de diffusion :
02 janvier 1993
Source :
A2 (Collection: JA2 20H )
Fiche CNT :

Éclairage

En 1992, Jacques Lassalle monte La Serva amorosa (La Servante aimante) de l'auteur dramatique vénitien Carlo Goldoni (1707-1793) – pour la première fois mise en scène de la pièce à la Comédie-Française. C'est la cinquième pièce de Goldoni que monte Jacques Lassalle (après Barouf à Chioggia, L'Amant militaire, La Locandiera, La Bonne Mère et avant Il Campiello). Jacques Lassalle est une figure fondamentale du théâtre d'art français. Avant tout metteur en scène, mais aussi auteur et acteur, il a toujours essayé de s'attacher à un lieu et une troupe, dont le Studio-Théâtre de Vitry-sur-Seine, Le Théâtre National de Strasbourg (TNS) et la Comédie-Française, en mettant en scène tant des auteurs classiques que des auteurs contemporains et vivants. Il donne aussi une grande importance à la pédagogie avec ses activités au Conservatoire National et à l'école du TNS.

A la fois drôle et grave, la pièce se centre sur le personnage d'une servante, Coraline, qui suit son maître (Florindo) dans son infortune. Sous l'influence de sa nouvelle femme cupide, Ottavio chasse son fils Florindo et le laisse sans un sou. Coraline va prendre soin de lui et tenter par tous les moyens, non seulement de fléchir le père afin que le fils entre à nouveau dans ses faveurs, mais elle va également tout faire pour rendre possible l'histoire d'amour qui lie Florindo à Rosaura. Ce dernier ouvrage prouve le désintéressement de Coraline, personnage de théâtre de basse extraction tout à fait hors du commun pour son époque. Elle s'oppose radicalement à Arlequin, présent ici dans le rôle du valet de Florindo. Eprise de justice, elle lutte pour rétablir les droits de son jeune maître sans rien demander en échange. Quand ses congénères (théâtraux) montrent généralement un esprit très terre-à-terre voire purement tourné vers leur propre intérêt, Coraline est un personnage qui a de l'élévation et de la générosité.

Dans sa mise en scène et sa direction d'acteur, Jacques Lassalle fait très bien sentir ce mélange au cœur de l'écriture de Goldoni, d'une comédie nouvelle à la fois plus fine et plus profonde et l'empreinte de la commedia dell'arte. Ainsi le sautillant Arlequin s'oppose à Coraline, plus posée. On entraperçoit également la composition de Jacques Sereys qui joue le vieux père un peu sénile qui se fait manœuvrer par sa nouvelle épouse. S'il s'est inspiré notamment de sa grand-mère pour construire ce personnage, la posture physique de son Ottavio fait écho à celle que l'on a l'habitude d'attribuer au personnage de la commedia dell'arte, Pantalone : le torse creux, et les épaules en avant, les jambes fléchies.

Enfin nous retrouvons l'actrice Catherine Hiegel, qui a contribué pendant 40 ans au rayonnement de la troupe de la Comédie-Française. Sa très forte personnalité, associée à une présence scénique puissante et à une voie grave très particulière, ne l'a jamais empêchée de se glisser dans des rôles très différents, tant dans le répertoire classique que contemporain.

Anne-Laetitia Garcia

Transcription

Présentateur
Le théâtre maintenant. Début d’année superbe à la Comédie-Française avec La Serva amorosa. C’est une pièce de Goldoni. Goldoni est un auteur vénitien dont on va fêter le bicentenaire en 93, justement. Parfois un peu méprisé en France, on redécouvre aujourd’hui toute la modernité de Goldoni. Vincent Gerhards, Jean-François Chevais, trois heures de bonheur à la Comédie-Française, difficile à résumer.
Journaliste
La blonde Catherine Hiegel n’a rien d’une fille du sud, pourtant elle a joué tout Goldoni au Français. Normal qu’elle soit Coraline, La servante aimante, une pièce majeure de Goldoni jamais jouée dans la langue de Molière. Coraline a suivi par compassion son jeune maître Florindo.
Catherine Hiegel
…de ma poudre magique. Que surgisse [inaudible] voilà.
Journaliste
Chassé de chez lui par sa garce de belle-mère qui guigne l’héritage.
Comédien 1
Mon père peut-être me l’a procuré.
Journaliste
Sûrement pas. Le pauvre Ottavio ne décide plus de rien et se fait manœuvrer comme un gamin.
Comédien 2
[… nous deux, vous et moi]
Comédienne 3
Quel jeu ?
Comédien 2
A vive l’amour.
Comédienne 3
A deux, c’est impossible.
Comédien 2
Je veux jouer à vive l’amour ! A vive l’amour !
Journaliste
Et pour ce rôle, Jacques Sereys a trouvé l’inspiration dans son enfance.
Jacques Sereys
Je me suis inspiré beaucoup de gens âgés, ma grand-mère par exemple. Elle m’emmenait chez l’inspecteur des impôts pour essayer d’obtenir un dégrèvement et alors, enfin, elle m’emmenait. Et ça... voilà, des choses comme ça ! C’était quelqu’un un peu petit peu comme Ottavio.
Journaliste
Goldoni est un auteur révolutionnaire. Fini la femme confinée dans les rôles de soubrette comme chez Molière, il leur donne une véritable existence, à preuve Coraline et son combat pour la justice. Elle ne devra qu’à elle seule de tirer d’embarras Florindo.
Catherine Hiegel
Je suis une honnête femme. Je ne permettrais pas qu’ainsi à la sauvette …
Comédienne 4
Plus un mot Coraline ! Ne me faites pas rougir davantage. Votre servante.
Comédien 5
Où allez-vous ?
Catherine Hiegel
Restez !
Journaliste
Vous diriez que Goldoni était un féministe avant l’heure ?
Catherine Hiegel
Ah oui, mais je n’ose plus dire ce mot-là parce que ça paraît cochon, obscène. Tout le monde, dès qu’on parle de féminisme, les gens vous disent : « Ça va pas, mais c’est réglé tout va très bien. – Mais le tchador ? – Mais non ça va très bien, etc. » Bon, oui, alors féministe oui, ça certainement. Il aimait les femmes.
Journaliste
Goldoni, non content d’aimer les femmes, aime les mots jusqu’à la gourmandise.
Comédien 4
Ils m’ont envoyé chercher un croquevif.
Comédien 5
Qu’est-ce que c’est ce croquevif ?
Comédien 4
C’est le contraire d’un croquemort.
Comédien 5
Ben, je ne comprends pas.
Comédien 4
Le croquemort il vient croquer le mort quand il est mort, et ben, celui-là, il vient le croquer quand il encore vivant.
Comédien 5
Qui est-ce ?
Comédien 4
Le notaire.
Journaliste
La servante aimante, 3 heures de bonheur entre force et gravité, réglé par Jacques Lassalle et rythmé par le changement de décor magique de Rudy Sabounghi. L'Italien Goldoni ne pouvait rêvait plus beau cadeau pour ce début de bicentenaire.