Un fil à la patte de Georges Feydeau
Notice
Extraits du spectacle accompagné d'une interview du metteur en scène Jérôme Deschamps et des acteurs de la Comédie-Française, Christian Hecq et Guillaume Gallienne en 2011 ; ce document comprend également un extrait de la mise en scène historique de Jacques Charon en 1961.
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Éclairage
Le Fil à la patte a été créé en 1894 dans une mise en scène de Feydeau lui-même, qui avait alors choisi de distribuer les rôles de la pièce parmi la crème des acteurs de la troupe du Palais-Royal (Raimond, Saint-Germain, Milher...). Dès les premières représentations, la pièce remporte tous les suffrages et Feydeau se voit couronné, après le triomphe de Monsieur chasse, d'un nouveau succès.
Depuis la fin du XIXe siècle, la pièce a fait le tour de tous les grands théâtres parisiens : le Théâtre Antoine, la Renaissance, le Vaudeville, l'Athénée, le Théâtre lyrique, les Bouffes du nord, l'Odéon... En 1961, elle est portée sur la scène de la Comédie-Française par Jacques Charon et, comme la salle ne désemplit pas, elle sera reprise jusqu'en 1973. Il faut dire que la palette d'acteurs retenue par Charon valait le détour : Robert Hirsch, Jean Piat, Georges Descrières, Jacques Sereys, Jean-Paul Roussillon, Michel Aumont, Catherine Samie, Michel Duchaussoy... Pierre Sabbagh fera un enregistrement télévisé de ce spectacle en 1970 pour « Au théâtre ce soir », à Marigny. Plus proche de nous, comptons aussi la mise en scène de Lavaudant à l'Odéon en 2001, celle de Jérôme Deschamps à la Comédie-Française, en 2010, retransmise en direct sur France 2 en février 2011 et qui raflera près de 13% de part d'audience. Notons aussi le travail de Francis Perrin, qui mit en scène la pièce aux Variétés pour un prime time en direct sur France 2 avec une distribution exclusivement composée des animateurs du groupe France Télévision [1].
Le Fil à la patte reste, on le voit, largement représenté sur la scène française. C'est un modèle exemplaire du vaudeville, où Feydeau déroule avec brio une intrigue infiniment compliquée de péripéties en même temps qu'il brosse un tableau des mœurs pertinent de la fin de son siècle, avec toutes les figures sociales archétypales qui font le charme de la comédie : la chanteuse de music hall, le coureur désargenté, un général idiot avec un accent étranger à couper au couteau, une baronne, un clerc de notaire ridicule faiseur de vers, des domestiques malicieux... Toute cette petite société se retrouve prise dans un enchaînement vertigineux de quiproquos et de courses-poursuite : Bois d'Enghien, le héros ou le dindon de la farce, selon d'où l'on se place, vient dîner chez Lucette Gautier, que courtise le très riche général Irrigua, dans l'idée de rompre son aventure avec elle. Il doit en effet épouser Viviane, la fille de la Baronne Duverger.
Feydeau use largement de toute la panoplie du vaudevilliste : amant caché dans une armoire, mensonges, clés perdues, parapluie oublié, portes qui claquent, personnages coincés en caleçon sur le palier, descente de police... et un même un pistolet truqué avec lequel Lucette menace de se suicider et qui servira à Bois d'Enghien à voler des vêtements. Mais toutes ces ficelles sont habilement relevées non seulement par un jeu de circulation dans l'espace qui montre la capacité de Feydeau à habiter l'intégralité du plateau et à tirer parti du moindre recoin pour constituer du hors champ (étages, escaliers...), mais aussi par une construction très alerte du dialogue : phrases courtes, questions, exclamations, bons mots et déformations linguistiques, et nombreux apartés qui scellent une grande complicité avec le public.
[1] Thierry Beccaro, Marie-Ange Nardi, Gérard Holtz, Sophie Davant, Patrice Laffont, Nelson Monfort Michel Drucker, Bernard Pivot...