Jean-François Sivadier monte Le Roi Lear de Shakespeare à Avignon
Notice
En 2007, lors de la 61e édition du Festival d'Avignon, Jean-François Sivadier monte Le Roi Lear. Quelques extraits de la mise en scène alternent avec les interviews du metteur en scène mais aussi des comédiens : Nicolas Bouchaud (le Roi Lear), Norah Krief (Cordelia / le fou).
Éclairage
William Shakespeare (1564-1616) est considéré comme le plus grand auteur dramatique anglais du XVIe siècle (début du XVIIe). Il est la référence absolue lorsqu'on évoque le théâtre élisabéthain. Sa capacité à user de toutes les ressources de la poésie et de la scène, son aisance dans le mélange des genres et des registres de langues, sa liberté avec l'espace et le temps font de son œuvre éclectique « une source vive » [1] : des textes théâtraux d'une très grande richesse qui ne s'épuise pas, ne cessent de questionner le théâtre et d'attirer les metteurs en scène de toute génération et d'univers artistiques très différents.
Représentée pour la première fois en 1606, Le Roi Lear s'inspire de récits légendaires à propos du roi Leir. Avant même l'avènement de l'empire romain, en Grande-Bretagne, un roi décide de partager son royaume entre ses trois filles, la plus grande part revenant à celle qui l'aime le mieux. Goneril et Regane le flattent tant qu'elles peuvent tandis que Cordelia, sa préférée, ne sait qu'être sincère et lui fait une sincère déclaration, précisant cependant qu'un mari recevra peut-être un jour la moitié de son amour. Blessé, il chasse Cordelia et espère profiter des largesses des deux autres une fois retiré du pouvoir. Mais il est rejeté et méprisé par ses filles et se retrouve errant en son ancien royaume, la raison vacillante, accompagné de son fou. Une deuxième intrigue se tresse autour du comte de Gloucester et de ses deux fils : l'enfant légitime Edgar et le bâtard Edmond. Ce dernier fait croire au père à une conspiration de son frère qu'il fait fuir de la maison familiale. Les intrigues politiques et leurs crimes se multipliant et s'entrecroisant jettent Lear dans un trouble de plus en plus profond, jusqu'à la mort de ses trois filles. Devant le corps inerte de Cordelia, il meurt. C'est résumer ici trop brièvement une intrigue foisonnante d'action et de crimes ainsi que le lent et douloureux apprentissage de l'amour sincère par Lear et son passage par la folie. Le Roi Lear est une des pièces les plus sombres et le plus violentes de Shakespeare.
Acteur et metteur en scène né en 1963, Jean-François Sivadier a été formé au Centre théâtral du Maine et à l'école du Théâtre National de Strasbourg. Sa rencontre avec Didier-Georges Gabily est fondamentale et lui fait concevoir la création théâtrale comme une œuvre collective : acteurs (dont, notamment, Nicolas Bouchaud et Norah Krief que nous retrouvons dans les présents extraits) et techniciens forment autour de lui une équipe artistique qui l'accompagne dans son parcours. « Lear, c'est tout le théâtre à partir de Rien » affirme le metteur en scène, séduit par le défi que représente la mise en scène de cette pièce sur le manque, sur les relations parent/enfant, sur l'identité. C'est ainsi qu'il choisit Nicolas Bouchaud, à peine la quarantaine, pour jouer le rôle-titre et qu'il confie à Norah Krief le rôle de Cordelia et celui du fou qui accompagne le Roi Lear dans son errance. Sivadier joue sur la dualité et le trouble de l'identité qui nourrissent la double intrigue de la pièce. Pour Le Roi Lear, Strehler dessine un cercle au centre de son « théâtre-monde » (voir ce document) et Sivadier, quant à lui, trace un carré de parquet : variation sur le thème de la scène... Le théâtre est l'interrogation première de l'œuvre de Shakespeare.
[1] Louis Lecoq / Catherine Treilhou-Balaudé, « Shakespeare », in Dictionnaire encyclopédique du théâtre, dirigé par Michel Corvin, Paris, Larousse, coll. « In extenso », 2000.