Claude Régy monte Jeanne au bûcher avec Isabelle Huppert

24 octobre 1992
02m 08s
Réf. 00498

Notice

Résumé :

Long extrait de Jeanne au bûcher, oratorio dramatique dont Paul Claudel a écrit le texte et Arthur Honegger a composé la musique. Il s'agit ici de la mise en scène de Claude Régy à l'Opéra Bastille en 1992 avec Isabelle Huppert dans le rôle-titre. L'extrait est enrichi d'une interview du chef d'orchestre coréen Myung-Whun Chung, alors directeur musical de l'Opéra de Paris.

Date de diffusion :
24 octobre 1992
Source :
A2 (Collection: JA2 20H )

Éclairage

Il existe hélas très peu de documents sur la mise en scène du répertoire médiéval. Cependant il existe au XXe siècle des auteurs qui recomposent un théâtre mystique, empreint de la foi et de l'histoire du catholicisme. L'un des auteurs majeurs est Paul Claudel (1868-1955), qui eut la révélation de la foi catholique foudroyante durant les Vêpres de Noël en 1886 en la cathédrale de Notre-Dame-de-Paris. Sa foi dominera dès lors sa vie et baignera son écriture poétique et dramatique. Sa pièce la plus lumineusement chrétienne est sans doute L'Annonce faite à Marie, écrite en 1911 (première ébauche en 1892) (voir ce document). Citons également Partage de midi (première version en 1905), où l'amour terrestre passionné engendre l'amour religieux, et Le Soulier de Satin, œuvre-monde (« La scène de ce drame est le monde »), œuvre-monstre dont la rédaction s'achève en 1923, qui raconte sur des dizaines d'années et plusieurs continents l'histoire d'un amour adultère impossible qui se transforme lui aussi en amour spirituel (voir ce document).

« Pour comprendre une vie comme pour comprendre un paysage, il faut choisir le point de vue et il n'en est pas de meilleur que le sommet. Le sommet de la vie de Jeanne d'Arc, c'est sa mort, c'est le bûcher de Rouen. C'est de ce sommet [...] qu'elle envisage toute la série des événements qui l'ont conduite, depuis les plus proches jusqu'aux plus lointains, depuis la consommation jusqu'à l'origine de sa vocation et de sa mission. » [1] Ainsi Paul Claudel résume-t-il le texte de cet oratorio écrit en 1934, dont Arthur Honegger (1892-1955) compose la musique en 1935. Différée par Ida Rubinstein (1885-1960), danseuse russe commanditaire de l'œuvre, la création a lieu (avec elle dans le rôle-titre) en 1938 à Bâle et la première représentation en France a lieu à Orléans le 6 mai 1939. L'œuvre sera reprise régulièrement ensuite à l'Opéra de Paris. L'œuvre fut mise en musique pour faire entendre les « voix » et, de fait, créer l'écoute. Assurément nous frôlons dans cet oratorio le mystère hagiographique que Péguy a voulu réinventer quelques années plus tôt avec Le Mystère de la Charité de Jeanne d'Arc (1909) : il s'agit moins d'un théâtre religieux que d'un théâtre mystique. Nous voyons ici la montée au bûcher de Jeanne puis la fin de la neuvième scène (sur dix).

Né en 1923, Claude Régy, l'un des plus importants metteurs en scène français de la seconde partie du XXe siècle, explore principalement le répertoire européen contemporain (XXe siècle) et ultra-contemporain. Sa mise en scène de La Mort de Tintagiles de Maurice Maeterlinck en 1993 au Théâtre Gérard Philipe (TGP) de Saint-Denis marque un tournant esthétique majeur dans son évolution, explorant alors la lenteur de la déclamation et du geste dans la pénombre : théâtre du corps et théâtre de l'écoute.

L'œuvre de Claudel/Honegger ne laisse place à aucun réalisme et Claude Régy n'est de toute façon pas metteur en scène à rechercher le naturalisme, bien au contraire. On remarque dans un premier temps l'épure des décors de Daniel Jeanneteau et « l'architecture » des lumières de Dominique Bruguière qui travaillent l'espace. Jeanne d'Arc / Isabelle Huppert est placée « exactement au milieu entre le haut et le bas, comme un point de focalisation absolue. Un gros plan cloué dans l'espace. » [2]. Le metteur en scène souligne ici le rapprochement tacite que Claudel construit entre la Passion de Jeanne d'Arc et la Passion du Christ : ni sur terre ni dans le ciel mais dans un entre-deux inaccessible aux autres, elle est « en marge du monde » [3]. Cette association explique la nudité du buste de Jeanne qui, selon le metteur en scène, rappelle le Christ sur la Croix.

[1] Paul Claudel, texte de présentation, in Le Théâtre, Paris, La Pléiade, 1948.

[2] Claude Régy, L'ordre des morts, Les Solitaires intempestifs, 1999.

[3] Arnaud Rykner, « Bouche, d'eau ; barbe, de terre (Sur Jeanne d'Arc au bûcher, et autres rêves) », in Alternatives théâtrales, Bruxelles, n°43.)

Bibliographie

Charles Mazouer, Le Théâtre français du Moyen-âge, Paris, Sedes, 1998.

Anne-Laetitia Garcia

Transcription

(Musique)
Journaliste
Montée de Jeanne vers le lieu du supplice. Jeanne qui hésite, Jeanne face à ses bourreaux. Et la mort et ses servants qui attendent.
(Musique)
Journaliste
Jeanne au bûcher qui se souvient.
Comédienne
Quoi ? Mais vous ne voulez pas venir, et c’est moi qui ai pris ton cheval par la bride.
(Bruit)
Comédienne
C’est moi, qui [inaudible]. C’est moi qui l’ai ramené à Reims. C’est moi qui ai sauvé la France.
Myung-Whun Chung
Pour moi, l’équilibre entre le texte et la musique, c’est disons, moitié, moitié. Ce n’est pas comme dans un opéra traditionnel comme Verdi, quand même là, la musique fait beaucoup plus que le texte. Mais là on trouve un équilibre presque idéal.
Comédienne
Il y a Dieu qui est le plus fort.
Journaliste
Jeanne, trahie, abandonnée, suppliciée pour rébellion.
(Musique)