Dances at a Gathering de Robbins par Monique Loudières et Manuel Legris
Notice
Les danseurs étoiles Monique Loudières et Manuel Legris interprètent sur l'Etude Op 25 N° 5 de Chopin un pas de deux extrait de Dances at a Gathering, dont ils furent les premiers interprètes quand Jerome Robbins est venu monter son chef d'œuvre pour le Ballet de l'Opéra de Paris en novembre 1991.
Éclairage
C'est Rolf Lieberman qui le premier invite Jerome Robbins à venir régler deux de ses chorégraphies pour le Ballet de l'Opéra de Paris en mars 1974 à l'occasion d'un programme Stravinsky suivi en octobre par L'après midi d'un faune.
« Je l'avais promis à Rolf Liebermann, bien qu'à mon goût refaire un ancien ballet soit moins attractif que d'en produire un nouveau » confie alors le chorégraphe. « Une reprise de mes propres ouvrages m'inquiète toujours, car il ne suffit pas de bien réussir une première représentation : il faut être là pour surveiller toutes les autres. Comment alors être à la fois à New York et à Paris ? ».
Rudolf Noureev, directeur du Ballet de l'Opéra en 1983, voue également une grande admiration à Jerome Robbin et à Dances at a Gathering qu'il a dansé à Londres et qu'il désire inscrire au programme de l'Opéra de Paris. Chorégraphe intransigeant, Jerome Robbins - qui n'est plus revenu à Paris depuis dix ans - fait avorter un premier projet de soirée consacrée à ses œuvres, car il exige un nombre de répétitions jugé impossible à l'Opéra.
Noureev revenant à la charge, Robbins accepte de monter, en novembre 1989, In the Night, qui réunit trois couples de solistes sur des musiques de Chopin. Monique Loudières et Manuel Legris font partie des créateurs. Mais faute de temps, Dances at a Gathering est reporté à une date ultérieure.
Extrêmement satisfait de l'interprétation des artistes français - qu'il invite même à se produire à New York lors d'un gala en son honneur en juin 1990 - Jerome Robbins, qui abandonne la direction du NYCB à 73 ans, loue un appartement à Paris pour trois ans et propose de créer une œuvre originale pour les danseurs français qu'il aime de plus en plus. Même s'il les torture jusqu'aux larmes pendant les répétitions par son intransigeance.
Ce n'est qu'après d'interminables négociations que Robbins peut enfin obtenir les sept semaines de répétitions nécessaires pour faire entrer au répertoire de l'Opéra de Paris Dances at a Gathering et Glass Pieces par la même occasion !
Robbins exige de faire travailler un maximum d'étoiles et de premiers danseurs avant d'en éliminer certains, et se réserve le droit de décider au tout dernier moment ceux qui seront ses premiers interprètes. Ainsi ce n'est que quelques heures avant le gala AROP du 16 novembre 1991 que Robbins désigne les sept danseurs qui vont créer Dances a the Gathering. Monique Loudières et Manuel Legris reprennent alors les rôles créés à New York par Edward Villella et Patricia McBride.
En 1969 le NYCB demande à Jerome Robbins une création à l'occasion d'un gala au City Center. Il décide alors de régler un pas de deux sur des musiques de Chopin, pour Patricia McBride et Edward Villella, deux stars de la compagnie de Balanchine.
Mais se laissant prendre par la variété et la poésie des pièces de Chopin, Robbins rallonge chaque jour son pas de deux. Il ajoute des variations d'abord, puis des ensembles pour deux, quatre... et finalement dix danseurs. Il trouve même dans Chopin matière à trois ballets : Dances at a Gathering pour le gala du NYCB en 1969, In the night l'année suivante pour la même compagnie, et ultérieurement Other Dances, un pas de deux pour Natalia Makarova et Mikhaïl Barychnikov qui le créent en 1976 pour un gala de charité. Déjà en 1956 Robbins imagine un ballet hilarant dont l'action se déroule pendant qu'un pianiste donne en concert sur scène dix pièces de Chopin. Ballet qu'il a légèrement modifié par la suite, supprimant une valse et une mazurka, et qui entre au répertoire de l'Opéra de Paris sous le titre Le Concert.
Dances at a Gathering, repris au Palais Garnier en 2012, est selon Robbins « un ballet sans histoire, ni rôle. Ce sont les danseurs qui évoluent sur cette musique dans cet espace. Rien d'autre ». Les légères robes de mousseline des filles, les bottes des garçons évoquent cependant une soirée de danse entre jeunes gens l'été à la campagne dans la Pologne de Chopin, et s'il n'y a pas d'intrigue, des sentiments se devinent sous les regards, les sourires... ou l'humeur des interprètes et l'imagination des spectateurs.