La Dame aux camélias de John Neumeier
Notice
Reportage en couleurs réalisé à l'occasion de l'entrée au répertoire du Palais Garnier de La Dame aux camélias de John Neumeier en juin 2006. La première séquence offre une vue rare du magnifique Foyer de la Danse où les artistes s'entraînent avant d'entrer en scène. Aurélie Dupont incarne Marguerite Gautier et porte une profusion de robes, selon les tableaux, toujours aussi belle et émouvante dans sa solitude ou dans les bras de Manuel Legris (Armand Duval). On aperçoit pendant le bal de l'acte III Laurent Novis (le duc) et Karl Paquette (Gaston Rieux) au bras de la Dame aux camélias.
Éclairage
« La personne qui m'a servi de modèle pour l'héroïne du roman et du drame La Dame aux camélias se nommait Alphonsine Plessis, dont elle avait composé le nom plus euphonique de Marie Duplessis... En 1844, lorsque je la vis pour a première fois, elle s'épanouissait dans toute son opulence et dans toute sa beauté. Elle mourut en 1847, d'une maladie de poitrine, à l'âge de vingt-trois ans. Elle fut une des dernières et des seules courtisanes qui eurent du cœur... Elle a fini pauvre dans un appartement somptueux saisi par ses créanciers » écrit Alexandre Dumas fils en préface à l'édition de son drame en cinq actes.
Alexandre Dumas édite son roman en 1949 - deux ans seulement après la mort de celle qui fut un temps sa maîtresse - et sa pièce en 1852. Elle est immédiatement interdite par le ministre, M. Faucher, le sujet étant trop récent et immoral - une courtisane qui a le beau rôle, à l'inverse des hommes ! - puis autorisée par le ministre suivant, M. de Morny. Créée avec succès au Théâtre du Vaudeville en février 1852, elle est à nouveau interdite quelques semaines plus tard !
La même année 1852, Verdi s'empare du sujet pour composer son immortelle Traviata, mais la censure italienne l'interdit «également et Verdi doit transposer l'action au siècle de Louis XIV pour la création de son opéra à Venise en 1853 !
Aujourd'hui le rôle de Marguerite Gautier, incarnée entre autres par Sarah Bernhardt à la scène, Greta Garbo à l'écran, et Maria Callas à l'opéra, a retrouvé toute sa dignité. Si sa transposition vénitienne au XVIIe siècle semble totalement absurde aujourd'hui, on peut se demander si les metteurs en scène de théâtre ou d'opéra qui veulent l'actualiser ne font pas preuve d'une égale incompréhension. Alexandre Dumas - grand défenseur des droits de la femme - remarque lui-même en 1867 « La Dame aux camélias, écrite il y a quinze ans, ne pourrait plus être écrite aujourd'hui. Non seulement elle ne serait plus vraie, mais elle ne serait plus possible ! ».
Grand admirateur de la pièce d'Alexandre Dumas, John Neumeier la juge écrite comme un script pour un film, avec des caractères subtilement mis en lumière. Il traite donc son ballet comme au cinéma, avec flash-back, gros plans et brillantes scènes de foule. Ainsi le spectacle commence dans l'appartement de Marguerite Gautier après sa mort, avant retour en arrière dans le temps.
John Neumeier évite aussi d'utiliser la musique trop connue de Verdi, et choisit pour accompagner son ballet des pièces pour piano de Chopin et ses deux concertos. Chopin, mort lui aussi de tuberculose à Paris deux ans après Marie Duplessis.
Le chorégraphe ne se limite pas au simple récit. Il imagine une action parallèle, celle d'une autre courtisane au destin tragique : Manon Lescaut. Marguerite Gautier assiste à une pièce de théâtre mettant en scène les amours contrariés de Manon et du chevalier Des Grieux. Elle en sort bouleversée par la similitude des caractères et des situations. Au dernier acte elle est à plusieurs reprises tourmentée par la vision des deux amants.
Ballet psychologique, ballet brillant par son époque et son milieu social, ballet émouvant par le regard sensible porté par Neumeier sur ses personnages, La Dame aux camélias est un ballet aux duos passionnés où la virtuosité des pas ne fait jamais oublier la vérité des sentiments.
Une première Dame aux camélias est créée à l'Opéra de Paris en 1960, musique d'Henri Sauguet, décors de Jacques Dupont , chorégraphie de Tatiana Gsovski. Elle remporte peu de succès malgré la présence d'Yvette Chauviré qui semble idéale pour ce rôle.
Lorsque le Ballet de l'Opéra de Stuttgart donne La Dame aux camélias de John Neumeier au Théâtre des Champs Elysées, en 1979, un an après sa création, avec la grande tragédienne de la danse Marcia Haydée, le ballet paraît également trop classique. Paris à l'époque ne jure que par Béjart et ses grands spectacles au Palais des Sports !
Depuis 2006 La Dame aux camélias a enfin trouvé son public et sa vraie place dans les ors du Palais Garnier.