La Maison de Mats Ek à l'Opéra de Paris
Notice
Reportage effectué par la télévision française à l‘occasion de l'entrée au répertoire de l'Opéra de Paris du ballet de Mats Ek La Maison de Bernarda, d'après la pièce de Federico Garcia Lorca. Brèves interviews de Manuel Legris et Mats Ek. Montage d'extraits du ballet avec Manuel Legris dans le role de Bernarda, Stéphane Bullion et Charlotte Ranson dans le duo de la plus jeune soeur et de son amant.
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Éclairage
La Maison de Bernarda Alba est la dernière pièce écrite par Federico Garcia Lorca, terminée deux mois avant son exécution en août 1936, fusillé par les Franquistes tandis que ses livres sont brûlés en place publique. Il faut attendre la fin de la guerre pour que sa trilogie andalouse soit montée à Paris, par Maurice Jacquemont au Studio des Champs-Elysées : La Maison de Bernarda en 1945, Yerma en 1948 et Noces de sang en 1952. Toutes trois donneront lieu à des version chorégraphiques.
Rafael Aguilar est le premier à utiliser l'argument de La Maison de Bernarda. Son ballet est créé sous le titre El Rango à Genève en 1963, puis joué en tournée à Berlin et Paris. Très intéressé par ce spectacle, Antonio Gadès demande à Rafael Aguilar de venir remonter El Rango à Madrid en 1979, pour le Ballet National d'Espagne dont il est alors le directeur. Et Gadès lui-même incarne la terrible veuve Bernarda Alba, qui cloître dans sa maison ses cinq filles, pendant son deuil. Dix ans plus tard, Gadès demande également à Rafael Aguilar de remonter pour sa compagnie Yerma. Yerma qui sera également chorégraphié par Christina Hoyos et présenté à Paris au cours d'une tournée en 1991/92. Enfin c'est Antonio Gadès qui chorégraphie Noces de Sang en 1974, et qui dans le rôle de Leonardo, se bat au couteau, dans un fameux duel dansé au ralenti, d'un effet extraordinaire. Le ballet est immortalisé à l'écran par Carlos Saura sept ans plus tard.
Mats Ek crée La Maison de Bernarda à Stockholm en 1978. C'est sa quatrième chorégraphie et comme Aguilar et Gadès, il confie le rôle de la mère à un homme. « Pour lui donner plus de force de caractère » estime Manuel Legris, le créateur du rôle de Bernarda quand ce ballet entre au répertoire du Ballet de l'Opéra de Paris en 2008. « Je pense que c'est plutôt une chose réussie qui aide à camper le personnage ».
Peut-être aussi parce qu'en devenant veuve, cette femme austère et bigote pense devoir s'ériger en chef de famille et perd toute féminité. Au point d'interdire à ses cinq filles tout rapport de près ou de loin avec un homme. Même l'aînée née d'un premier mariage ne peut voir son fiancé qu'entre les barreaux d'une fenêtre.
Tout est noir dans ce ballet, depuis les six femmes habillées et voilées de noir jusqu'à la grande table centrale, curieux meuble à la Magritte dont les pieds ont la forme de jambes humaines!
« La Maison de Bernarda ne parle pas seulement d'oppression, mais aussi de convoitise, de désir, de liberté » commente Mats Ek dans ce reportage télévisé.
Les événements de l'année 2011 dans les pays arabes pour obtenir le droit à la démocratie rendent encore plus actuel cet enfermement de femmes voilées dans leurs maisons. Le ballet de Mats Ek, entré au repertoire de l'Opéra en 2008 et repris au printemps 2011, semble peut-être encore plus actuel que lors de sa création il y a plus de trente ans.
Ce montage permet de voir quelques moments très forts du ballet : quand Bernarda secoue sauvagement une de ses filles, impose la prière générale avec un cri terrifiant, ou le tableau final de la pendaison de la fille cadette après son très beau duo d'amour (dansé par Charlotte Ranson et Stéphane Bullion) avec le fiancé de sa soeur aînée.
Mats Ek, fils d'un célèbre acteur suédois, et lui-même toujours attiré par le théâtre, se consacre souvent à la mise en scène dramatique plus qu'à la danse. D'où son sens de la direction d'acteurs, de l'effet dramatique, et son aisance à transposer une pièce de théâtre en ballet, élaguant scènes et personnages secondaires, pour plus de concision et pour concentrer l'attention du spectateur sur l'essentiel. Une danse qui exprime des sentiments forts et troublants dans un langage toujours surprenant.