Jiri Kylian crée Doux mensonges pour l'Opéra de Paris

16 mai 1999
02m 35s
Réf. 00706

Notice

Résumé :

Le danseur étoile Manuel Legris exprime son admiration pour Jiri Kylian qui est venu créer pour l'Opéra de Paris Doux mensonges, ballet pour quatre danseurs et huit chanteurs, dont la première eut lieu le 20 mai 1999 au Palais Garnier. Les deux couples, Manuel Legris/Fanny Gaïda et Nicolas Le Riche/Delphine Moussin répètent en tenue de travail, accompagnés par cinq chanteurs des Arts Florissants qui émergent sur scène par une trappe. Jiri Kylian livre une des clefs de Doux mensonges pour conclure « Nous sommes tous des menteurs ! ».

Date de diffusion :
16 mai 1999
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Thèmes :

Éclairage

Jiri Kylian est l'un des chorégraphes les plus aimés du public français depuis sa venue au Théâtre de la Ville en 1978 avec le Nederlands Dans Theater dont il était devenu l'unique directeur l'année précédente. Sa compagnie est revenue très souvent au Théâtre de la Ville, au Châtelet et au Palais Garnier. Il a remonté lui-même quelques unes de ses œuvres majeures pour le ballet de l'Opéra de Paris, depuis Sinfonietta en 1989, jusqu'à Kaguyahimé en 2010. Mais Doux mensonges est la première chorégraphie conçue par Jiri Kylian pour les danseurs de l'Opéra.

Doux mensonges lui est inspiré non seulement par des interprètes avec qui il aime travailler, mais aussi par le lieu même du Palais Garnier. Ce théâtre le fascine avec sa machinerie d'origine, pieusement conservée dans les sous-sols même si elle n'est plus utilisée, ses jeux de trappes multiples, et même son légendaire lac souterrain immortalisé par Gaston Leroux dans Le Fantôme de l'Opéra. Jiri Kylian s'amuse à l'évoquer en faisant entendre un bruit de gouttes d'eau dans Doux mensonges.

Mieux encore : le chorégraphe promène les spectateurs en des lieux cachés, au moyen de caméras qui filment les danseurs sous la scène et dont les images sont projetées en direct sur un écran géant au fond du plateau. Le spectacle commence par la lente montée sur scène des chanteurs des Arts Florissants, qui restent bloqués à mi corps, les garçons torses nus. Ils accompagnent seuls le spectacle, admirables interprètes de madrigaux a capella de Gesualdo et Monteverdi.

Manuel Legris entre sur une scène plongée dans la demie pénombre et soulève sa partenaire Fanny Gaïda qui surgit d'une trappe. Tout le ballet est un chassé croisé ou une course poursuite entre un couple qui monte et un autre qui descend. Les ébats souterrains de Nicolas Le Riche et Delphine Moussin sont révélés au public par l'œil indiscret de la caméra. Manuel Legris et Fanny Gaïda se livrent à un exercice des plus périlleux au bord du précipice !

Jiri Kylian semble se délecter de ces jeux de machinerie et des projections (en ombres chinoises géantes sur un mur) des danseurs vus en double ou en triple. Ceux-ci n'en traduisent pas moins des sentiments tendus et tourmentés. Le ballet aborde le problème du couple et de la même difficulté d'être ensemble ou de vivre séparés. Cette recherche sous terre et ces lentes remontées évoquent aussi le mythe d'Orphée.

« Je montre deux réalités de la danse » explique Kylian dans ce document « celle que l'on voit sur la scène et celle que l'on voit sous la scène...C'est comme dans la vie amoureuse, il y a des choses que l'on montre et d'autres que l'on cache...en fait nous sommes tous des menteurs ! ».

Cette expérience dans les sous-sols de l'Opéra de Paris plaît tant à Jiri Kylian, qu'il revient au Palais Garnier en mai 2000 avec Archimboldo, sorte de collage surréaliste pour ses trois compagnies réunies, les NDT 1, 2 et 3, soit 52 artistes âgés de 16 à 63 ans (le doyen Gérard Lemaitre). Cette fois Kylian ne montre plus les dessous du théâtre aux spectateurs, mais entraîne le public avant le spectacle dans un parcours mystérieux derrière et sous la scène et les coulisses, avec des tableaux vivants surprises, et des passages dangereux où danseurs et visiteurs doivent se donner la main « car nous avons besoin l'un de l'autre, acteurs et spectateurs » pendant que les spectateurs déjà dans la salle peuvent suivre ce périple sur écran.

Archimboldo 2000 est une œuvre collective de Kylian et de ses danseurs dont Patrick Delcroix, Johan Inger et Paul Lightfoot. Comme son mentor John Cranko, Jiri Kylian aime révéler de nouveaux talents, et en bon père, se réjouit si une de leurs créations remporte autant de succès que les siennes.

René Sirvin

Transcription

(Musique)
Journaliste
Le chant rencontre la danse, alors on ne cache plus les chanteurs dans la fosse d’orchestre. La voix rythme les pas, alors les danseurs se cachent derrière.
(Musique)
Manuel Legris
Nous avons vraiment rarement l’occasion de travailler avec des chanteurs et c’est vrai que la voix est un support supplémentaire dans la musique quoi, ça nous … ça nous donne des vibrations et des choses qui sont complètement différentes et plus fortes encore.
Journaliste
C’est quoi la méthode Kylian ?
Manuel Legris
La méthode Kylian, y a pas de méthode. C'est-à-dire que c’est… pour moi c’est un génie. C'est-à-dire qu’il connaît le corps parfaitement, il trouve des … des… des assemblages, des combinaisons de pas qui me paraissent infinies et il y a une musicalité absolument surprenante et on a l’impression que chaque pas sort d’une émotion et c’est euh… tout paraît naturel.
Journaliste
Doux mensonges, Jiri Kylian nous compte l’histoire du couple, une aventure impossible, où tout est miracle, artifice et pourtant réalité, même sur la scène.
Jiri Kylian
Je montre deux réalités de la danse, celle que l’on voit sur la scène et celle qui se passe sous la scène. Je trouve cela très symbolique de montrer les coulisses. C’est comme dans la vie amoureuse, y a des choses que l’on montre et d’autres que l’on cache. Ça s’appelle Doux mensonges. Et en fait, si vous regardez la danse, les artistes c’est pareil, nous sommes tous des menteurs.
Journaliste
Réalité et illusion sont au rendez-vous de cette création, mais comme en amour, il ne vaut mieux pas tout dire. L’opéra, logiquement devrait se retrouver Cupidon après la première.