Les Colombaioni
Notice
Les Colombaioni présentent leur duo sur des tréteaux au Festival d'Avignon. Ils sont tour à tour interviewés et s'expriment sur le processus de création des sketches et sur leur relation au public.
Éclairage
Alberto Vitali et Carlo Colombaioni compose le duo Les Colombaioni. Bien que cette compagnie soit italienne, au-delà du symptôme d'une époque et d'un intérêt évident de comédiens pour le genre clownesque, les Colombaioni se sont affirmés avec force sur la scène française et ont participé à l'émergence et à la structuration des comédies clownesques.
C'est dans les années 1970 qu'ils se distinguent sur les scènes parisiennes. Leur impact auprès du public est tel qu'on ne vient pas simplement voir des clowns, mais Les Colombaioni. Leur travail les conduit au-delà de la présentation du répertoire classique à réinvestir le clown non pour ce qu'il est en soi mais essentiellement pour les situations dans lesquelles il se retrouve ou qu'il est amené à provoquer. Ainsi, déclarent-ils que « c'est la situation qui est comique pas le maquillage » [1], qu'ils ont progressivement délaissé. Dimitri dit : « Les Colombaioni ont abandonné le cirque. Ils ont le culot de ne pas se grimer mais, après une minute avec eux, sur scène, vous pensez : ça n'est pas des excentriques, pas des burlesques, pas des comédiens qui jouent les clowns, mais de véritables clowns » [2].
La trivialité des propos ou des gestes, qui peut être acceptable voire indispensable dans la piste, peut vite devenir inadéquat au jeu sur scène, et rester sans portée, ou ne pas atteindre le but recherché. L'actualisation ou le détournement d'entrées s'imposent. Par exemple, Petite abeille donne moi du miel, fréquemment jouée, dans laquelle un personnage entre en piste la bouche pleine d'eau et la recrache à la figure de l'auguste, est considérée démodée par Les Colombaioni. Ils la reprennent et introduisent de nouveaux protagonistes, le Roi et Hamlet. Le final traditionnel entre le clown et l'auguste, est transposé dans un duel qui oppose Hamlet et le frère d'Ophélie. Ainsi, Laërte se présente-t-il devant Hamlet la bouche pleine d'eau, mais quel n'est pas son étonnement (ses petits yeux, à moitié masqués par ses joues grossies par le liquide, deviennent deux billes rondes et brillantes) de constater que Hamlet a également les pommettes rebondies. Il s'ensuit un réel duel de mimiques et d'attitudes gestuelles accompagné de projections savamment dosées d'une multitude de jets d'eau qui cherchent à faire mouche - plus en déclenchant le rire du public qu'en atteignant l'adversaire. C'est en appuyant sur son ventre que le vaincu provoque le bouquet final.
Le public applaudit, bien sûr, la performance technique, mais il apprécie également le jeu d'acteur et la qualité de l'échange juste dans le rythme et les intentions conflictuelles. La référence aux humeurs (ces substances fluides qui émanent du corps) inscrite dans un contexte savant, la pièce de William Shakespeare, crée une juxtaposition qui provoque une distance parodique tout à la fois de la situation et du genre. Adrian appréciant leur reprise du répertoire, précise : « Dans le cas présent, les sources clownesques sont si pures que, nullement polluées par ce traitement, elles réussissent à garder leur poésie intrinsèque sans avoir recours à une féérie accessoire et à travers des actualisations qui paraissent dérisoires aux circophiles » [3].
Alberto est décédé le 8 octobre 2006 et Carlo, le 15 mai 2008.
[1] Intervention dans le film Clowns et Auguste, proposé et écrit par Denis Granais, co-réalisé par Hervé Masquelier, production La Cinquième-17 juin Production, décembre 1999.
[2] Dimitri, « Le plus nu des artistes », dans Jacques Fabri et André Sallée, Clowns et Farceurs, Paris, Bordas, 1982, p. 36.
[3] Adrian, « Repères et références », dans Jacques Fabri et André Sallée, Clowns et Farceurs, Op. Cit., p. 182.