Le Songe de Médée par Preljocaj
Notice
Le chorégraphe Angelin Preljocaj met en scène Le Songe de Médée pour les danseurs du Ballet de l'Opéra de Paris. Des images filmées avant et pendant l'une des représentations au Palais Garnier croisent des commentaires du chorégraphe ainsi que des interviews des interprètes Eleonora Abbagnato (dans le rôle de Créüse, fille de Créon) et la danseuse étoile Marie-Agnès Gillot (dans celui de Médée).
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Éclairage
La création du Songe de Médée par le chorégraphe Angelin Preljocaj pour les danseurs du Ballet de l'Opéra de Paris est la suite d'une aventure artistique lancée en 1993. A l'invitation de Brigitte Lefèvre, directrice de la danse, Preljocaj présente sa compagnie au Palais Garnier, à Paris, dans une soirée-hommage aux Ballets russes. Ce programme juxtapose trois versions de pièces mythiques de la troupe de Serge Diaghilev : Parade, Le Spectre de la Rose et Noces. Chacun de ses ballets a fait l'objet d'une relecture acérée de Preljocaj. Un an après, Brigitte Lefèvre lui passe commande d'une pièce écrite pour les interprètes de l'Opéra de Paris. Le Parc, sur une musique de Mozart, voit le jour. Quatre ans après, Casanova s'attaque à ce mythe littéraire de la séduction.
Angelin Preljocaj devient l'un des artistes contemporains de prédilection de l'Opéra de Paris. En 2004, Le Songe de Médée, sur une nouvelle proposition de Brigitte Lefèvre, prend au collet un geste ultime : celui d'une mère qui assassine ses enfants dans un accès de fureur jalouse et vengeresse. Lors de la création de cette pièce, le chorégraphe évoquait "la soustraction à l'humanité" qu'opère Médée en passant à l'acte et en tuant sa progéniture. L'idée d'une "incompatibilité entre la mère et l'amoureuse qui induirait une déficience de l'amante" soutient la proposition spectaculaire de Preljocaj. Cette page terrifiante de la mythologie grecque est un pur cauchemar. Médée aime Jason pour lequel elle a trahit son père et tué son frère ; Jason succombe à Créüse ; Médée se venge par le meurtre des enfants qu'elle a eu avec lui.
Sur un plateau sobrement orné d'une branche d'arbre et de seaux en métal - la scénographie est signée Thierry Leproust -, les pulsions de vie et de mort se heurtent, le lait et le sang se mélangent. La musique de Mauro Lanza, électrique et anxiogène, tout en cliquetis, clochettes et crissements, soutient aussi bien la fureur impuissante de Médée (Marie-Agnès Gillot) que les élans sexuels de Jason (Wilfried Romoli) et Créüse (Eleonora Abbagnato).
Une fois encore, Angelin Prelocaj s'attaque à un thème périlleux. Derrière lui, nombre de motifs délicats et passionnants auxquels il a déjà tenté d'offrir des solutions chorégraphiques de choc. Il s'est déjà affronté au mythe de Jeanne d'arc dans Hallali Romée (1987), au mystère de l'annonciation pour Annonciation (1995), à la mort pour Near Life Experience (2003), à la torture dans N (2004)... Le voilà qui ose convoquer la danse, et seulement la danse, pour raconter l'infanticide. Ce goût de l'extrême signe l'univers de Preljocaj. Il explique en partie ce penchant par ses origines albanaises. Né en France dans une famille immigrée installé à Champigny, il se dit "tiraillé en permanence entre l'histoire de sa famille, le peuple de montagnards que sont les Albanais, une sorte d'obscurité ancestrale et la France, ses lumières, son ordre."
Avec Le Songe de Médée, il nourrit une fois encore son écriture coupante et fluide à la source de la danse classique. Ce vocabulaire, qu'il connaît depuis l'adolescence, innerve sa gestuelle en exacerbant sa précision et sa limpidité. Une fois encore, cet expert en pas de deux réussit à raviver la tension amoureuse à travers un duo entortillé comme le désir qui flanque l'un contre l'autre Jason et Créüse. Sans peur, il ose aussi le bain de sang : Médée en couvre ses enfants.
Après Le Songe de Médée, Angelin Preljocaj a mis en scène Siddharta en 2010 pour le Ballet. Le plasticien Claude Lévêque et le compositeur Bruno Mantovani l'épaulaient pour cette entreprise.