Peurs bleues, première création chorégraphique d'Angelin Preljocaj
Notice
A l'affiche du festival Sigma, à Bordeaux, le jeune chorégraphe Angelin Preljocaj présente l'une de ses premières pièces, Peurs bleues (1985), par laquelle il revendique la rupture avec les codes de la danse classique.
Éclairage
Avec Peurs bleues, pièce créée en 1985, le chorégraphe Angelin Preljocaj jettait les bases d'une écriture solide. Conçu pour cinq interprètes sur une partition de Beethoven, d'une durée de trente minutes, ce court spectacle déroulait une série de tableaux dont le thème était "la fascination de l'enfance face au grandiose".
Curieusement, Preljocaj y annoncait sa rupture avec les codes classiques, alors même que sa gestuelle semble musclée par le vocabulaire académique qu'il a d'ailleurs appris pendant son adolescence avant de découvrir la danse contemporaine au cours de Karin Waehner à la Schola Cantorum, à Paris. Arabesques pliées, attitudes cassées, sauts, tours... l'outillage du ballet est là. Jusqu'à la verticalité du mouvement qui rappelle le classique ! Passé par le studio de Merce Cunningham (1919-2009) à New-York en 1980, Preljocaj y injecte de la nervosité, multiplie les changements de directions dans l'espace, s'amuse de coups de têtes et de bascules intempestives. Ce tiraillement fructueux entre classique et contemporain, narration et abstraction, est symptomatique de son parcours.
D'abord danseur chez Quentin Rouillier à Caen, puis chez Dominique Bagouet en 1982, il fait ses premiers pas de chorégraphe avec Michel Kelemenis dans Aventures coloniales (1984). Un an après, il prend les rênes et se fait vite connaître des professionnels tout en accrochant déjà le grand public par sa danse attractive et lisible. Marché noir, court trio de dix minutes, reçoit le prix du ministère de la Culture lors de la 17e édition du fameux Concours de Bagnolet organisé par Jaque Chaurand. C'est parti pour Preljocaj. Il fonde sa compagnie et s'installe en 1986 à Champigny-sur-Marne, ville de ses parents, des émigrés albanais arrivés en France en 1957. Après quelques créations, il décroche le prix Villa Medicis hors les murs et part au Japon étudier le théâtre nô.
1987 marque son apparition au festival d'Avignon avec Hallali Romée sur le thème de l'héroïsme et l'extase. La fusée Preljocaj décolle.
Il dirige actuellement le Ballet Preljocaj, centre chorégraphique national d'Aix-en-Provence où il est arrivé en 1996. Il y est luxueusement installé depuis 2006 dans le Pavillon noir, monolithe anthracite conçu par l'architecte Rudy Ricciotti. Avec près de quarante pièces à son actif, un succès populaire grandissant - sa Blanche-Neige, ballet pour 25 danseurs créé en 2009 sur des musiques de Mahler et dans des costumes de Jean Paul Gaultier, a additionné plus de 200 représentations et fait le tour du monde -, Preljocaj est devenu l'une des figures de premier plan de la danse française. Toujours épris de sujets à hauts risques, il s'est attaqué à l'annonciation, le sexe, la mort, la souffrance... en se cherchant des alliés de haut vol comme les plasticiens Fabrice Hyber ou Claude Lévêque, les musiciens du groupe Air ou le DJ Laurent Garnier. Dans un monde happé par le vertige virtuel, Angelin Preljocaj éprouve le corps et la capacité de la danse à en formuler l'énigme. Contre son caractère éphémère, il est le seul chorégraphe-directeur de CCN à avoir embauché en 1992 la choréologue Dany Lévêque, spécialiste de la notation Benesh, pour transcrire ses ballets. Plus de trente chorégraphies ont ainsi été notées par Dany Lévêque qui a pu remonter plusieurs pièces de Preljocaj pour des compagnies qui souhaitaient les avoir à leur répertoire comme le StaatsBallet de Berlin, la London Contemporary Dance Theatre ou encore l'Opéra de Paris, qui sollicite par ailleurs régulièrement le chorégraphe pour des créations spécifiques.