Marilyn Horne et Montserrat Caballé chantent Semiramide de Rossini à Aix-en-Provence
Notice
Dans cet extrait d'une captation intégrale de la Semiramide de Rossini, représentée au palais de l'Archevêché dans le cadre du Festival d'Aix-en-Provence en 1980, deux monstres sacrés chantent la cabalette virtuose du duo réunissant Arsace et Semiramide : la soprano espagnole Montserrat Caballé et la mezzo-soprano américaine Marilyn Horne.
Éclairage
Dans l'œuvre abondante que Rossini composa dans les trente premières années de sa vie, Semiramide (Sémiramis en traduction française) occupe une place charnière. Il s'agit de sa dernière œuvre composée pour l'Italie avant qu'il ne vienne s'installer en France. Emblème du « melodramma » italien, le livret de Gaetano Rossi s'inspire d'une fameuse tragédie de Voltaire. Il met en scène la reine de Babylone qui a fait assassiner son royal époux et convoite le jeune Arzace, lequel s'avère être son propre fils.
Dans le duo qui unit les voix de ces deux personnages au premier acte, ils ne connaissent pas encore leur lien familial secret, mais se méprennent l'un et l'autre sur leurs sentiments réciproques. Sémiramis croit qu'Arzace répond à son amour sans qu'elle ait encore avoué à ce dernier. L'écriture de cette page s'avère très représentative du style rossinien, marqué par l'extrême virtuosité de la ligne vocale. Il faut dire que le compositeur écrivait pour les plus valeureux gosiers de son temps, en l'occurrence la grande Isabella Colbran qui créa le rôle de Sémiramis (parmi bien d'autres héroïnes rossiniennes) après être devenue l'épouse du compositeur. Les exigences de ce style se sont quelque peu perdues avec le temps, seules quelques rares œuvres de Rossini ayant pu se maintenir au répertoire après sa mort, notamment l'inusable Barbier de Séville. Ce n'est que dans la deuxième moitié du XXe siècle que des pans entiers de sa production ont été redécouverts en même temps que les pratiques d'exécution du style belcantiste, dont Rossini est l'un des derniers représentants.
Le cas de Semiramide, créé le 3 février 1823 à La Fenice de Venise, est éclairant : si l'on en dénombre des reprises régulières jusque dans les années 1880, l'œuvre disparaît enuite des théâtres jusque dans les années 1960. Dans le mouvement de redécouverte qui se dessine alors, la production présentée au Festival d'Aix-en-Provence en 1980 est restée légendaire, à la fois pour la beauté des images esthétisantes conçues par le décorateur et metteur en scène Pier Luigi Pizzi, mais aussi et surtout grâce à la distribution époustouflante réunie pour l'occasion. Aux côtés de Francisco Araiza et Samuel Ramey, chanteurs belcantistes alors au sommet de leurs moyens, deux divas mondialement célèbres et elles aussi spécilaistes de ce répertoire conjuguaient leur excellence et leur charisme : Montserrat Caballé et Marilyn Horne. Les costumes historicisants de Pizzi et la sobriété de sa direction d'acteur, qui se bornait à laisser l'aura de ces dames se déployer sous la nuit provençale, assumaient les formes généreuses des cantatrice et la suprématie de l'exercice vocal sur la vérité théâtrale. Ainsi mise en valeur, la notion de « bel canto » retrouvait tout son sens : l'essentiel ici, c'est l'art du « beau chant » dont se dégage une émotion et un plaisir qui ont rendu cette soirée historique.