Pelléas et Mélisande au Festival d'Aix-en-Provence
Notice
Début de l'acte III de Pelléas et Mélisande de Claude Debussy, dans la production mise en scène par Jacques Dupont et dirigée par Serge Baudo au Festival d'Aix-en-Provence, en juillet 1966. Dans cette fameuse scène, Mélisande chante en lissant ses longs cheveux en haut d'une tour. Pelléas la rejoint et joue avec sa chevelure.
Éclairage
L'unique opéra achevé de Claude Debussy, Pelléas et Mélisande, a été créé en 1902. Composé sur une pièce de l'écrivain symboliste belge Maurice Maeterlinck qui avait elle-même été créée à Paris dix ans plus tôt, cet opéra demeure une œuvre singulière qui provoqua le scandale dès sa création. Debussy se refusant au lyrisme trop extérieur de l'opéra italien comme à l'outrance expressive de l'opéra wagnérien, a inventé ici un type d'écriture vocale très souple et proche du galbe de la voix parlée, sur l'accompagnement diaphane d'un orchestre qui soutient l'action plus qu'il ne la commente. Les contemporains de Debussy ont aussitôt rejeté cet « opéra sans mélodie », à l'exception d'une poignée de passionnés qui sont devenus de plus en plus plus nombreux au fil des décennies.
Pelléas et Mélisande a ainsi été reconnu comme un pur chef d'œuvre de l'opéra français, par-delà sa singularité formelle. L'œuvre s'est rapidement inscrite au répertoire des théâtres lyriques du monde entier, et il est fascinant de voir comment sa réception scénique a évolué. Si, dans un premier temps, les metteurs en scène et décorateurs du début du XXe siècle ont situé l'action dans des toiles peintes illustrant fidèlement le Moyen-Age évoqué par Maeterlinck, les artistes de la deuxième moitié du siècle ont considérablement renouvelé l'imagerie attachée à cet emblème du théâtre symboliste.
En 1966, au Festival d'Aix-en-Provence, la production de Jacques Dupont, qui signe à la fois mise en scène, décors, costumes et lumières, est représentative du type de lectures scéniques que l'on proposait dans l'après-guerre, dans une esthétique très stylisée, voire abstraite. Dans la scène de la tour dont cette vidéo offre un extrait, on voit bien les caractéristiques de ce style : l'espace n'est que suggéré, la toile ressemblant davantage à une grotte emplie de stalactites que d'une tour, les costumes n'évoquant l'époque médiévale que par leur coupe fortement stylisée, le tout placé derrière un tulle qui sépare les spectateurs de l'action scénique, laquelle se trouve ainsi légèrement voilée. Sous la direction de Serge Baudo, grand défenseur de Pelléas et Mélisande, les deux interprètes des rôles-titres, la soprano française Eliane Lublin et le baryton américain William Workman, offrent un bel exemple de la qualité première que cette partition requiert : une parfaite diction française.