Adieux de Maurice Lehmann au Châtelet
Notice
Au moment de quitter le Théâtre du Châtelet, fin 1966, Maurice Lehmann évoque sa carrière, et 36 ans d'opérettes et de comédies musicales qu'il y a programmées avec succès.
Éclairage
Construit de 1860 à 1862 par Gabriel Davioud, inauguré le 19 avril 1862 par l'Impératrice Eugénie, le Théâtre du Châtelet, qui doit son nom à une ancienne prison qu'il a remplacée, devient ainsi la plus grande salle de Paris. Il est d'abord destiné pendant le Second Empire au théâtre à grand spectacle, fééries et drames populaires. À partir de 1873, la musique y prend une place importante, quand s'y installe l'Association des concerts Colonne, qui sert au mieux la musique de son temps, française surtout, mais aussi internationale, avec de prestigieux concerts dirigés par Tchaïkovski, Grieg, Richard Strauss, Gustav Mahler... sans que le Théâtre délaisse pour autant d'autres genres. En 1906, Gabriel Astruc y installe ses saisons de concerts, qui placent le Châtelet au centre de la modernité : création française de Salomé dirigée par Richard Strauss lui-même en 1907, visite de Toscanini avec le Metropolitan Opera de New York en 1910. Et la danse y brille dès 1909 avec les Ballets Russes de Serge Diaghilev, et la création du Martyre de Saint Sébastien de Debussy et de Petrouchka de Stravinski en 1911...
En 1929, le Châtelet devient le temple de la comédie musicale importée d'Amérique et de l'opérette française : Maurice Lehmann (1895-1974), qui en reste le directeur jusqu'en 1966, monte désormais des opérettes à grands spectacles dont il assure parfois la mise en scène, et qui après guerre surtout obtiennent d'immenses succès, comme Nina Rosa, L'Auberge du Cheval Blanc, Le chanteur de Mexico (1000 représentations), Méditerranée, Monsieur Carnaval... ajoutant à la gloire de Francis Lopez, Luis Mariano, Tino Rossi, Georges Guétary, Charles Aznavour. Maurice Lehmann assure en parallèle la direction de la RTLN (Réunion des Théâtres lyriques nationaux), de 1945 à 1946 et de 1951 à 1955 - y créant des spectacles féériques parmi les plus réussis de l'époque, comme Les Indes galantes de Rameau et Oberon de Weber.
Son successeur, Marcel Lamy, continue cette politique avec Le Prince de Madrid, La caravelle d'Or, Gipsy... mais le genre est désormais en perte de vitesse.
En 1979, la Ville de Paris, propriétaire du Théâtre, en récupère la gestion, y entreprend une importante et nécessaire rénovation, et lui donne un nouveau nom, le Théâtre musical de Paris, reflet d'un principe de programmation à nouveau diversifiée. Marcel Landowski en devient le président, Jean-Albert Cartier le directeur, de 1980 à 1988, et invite de nombreuses productions de province ou de l'étranger, mixant habilement opéras (La flûte enchantée, mise en scène par Andreï Serban, Louise, Salomé...), opérettes du grand répertoire (La grande duchesse de Gerolstein avec Régine Crespin), ballets et concerts, et offre la salle aux manifestations du festival d'Automne.
En 1988, son assistant Stéphane Lissner lui succède, tandis que le Théâtre est à nouveau rénové, et reprend son ancien nom. Sa politique d'innovation est sensiblement plus développée et tournée vers la modernité théâtrale, la création lyrique et le répertoire du XXe siècle en de vastes saisons thématiques. Les mises en scènes d'opéra sont confiées à Robert Wilson, Patrice Chéreau, qui met en scène Wozzeck de Berg, Pierre Strosser, Harry Kupfer... les directions orchestrales à Daniel Barenboïm, Pierre Boulez, Jeffrey Tate, qui dirige Le Ring de Wagner... tandis que commencent les résidences de l'Orchestre de Paris, du Philharmonique de Radio-France, du Philharmonia de Londres et que Béjart et Carolyn Carlson font briller la danse sur scène. Le Châtelet devient alors un rival de l'Opéra de Paris en crises récurrentes.
En 1999, après une nouvelle campagne de travaux sur la cage de scène, Jean-Pierre Brossmann prend la direction pour 7 ans, et mise sur le grand répertoire lyrique qu'il a servi à l'Opéra de Lyon, offrant à Offenbach le duo Minkowski Pelly, à Wagner Robert Wilson pour son Ring, à Berlioz une extraordinaire relecture des Troyens par John Eliot Gardiner.
Avec Jean-Luc Choplin, le répertoire se tourne vers un éclectisme de la rareté, avec un retour de l'opérette (Le chanteur de Mexico), de la comédie musicale (Candide, My fair Lady mis en scène par Robert Carsen, A little night music, Sweeney Todd de Stephen Sondheim), de l'opéra méconnu (Les Fées de Wagner, Padmavati de Roussel...) en un festival permanent de diversité de styles et d'options scéniques.