La Traviata mise en scène par Maurice Béjart
Notice
Maurice Béjart s'attaque pour la première fois en 1973 à la mise en scène d'un opéra, l'emblématique Traviata de Verdi, au Théâtre Royal de la Monnaie de Bruxelles. Le Chorégraphe évoque sa conception de l'œuvre, dont on retrouve de courts extraits filmés.
Éclairage
Maurice Béjart, créateur du "Ballet du XXe siècle", phare de la danse contemporaine des années 1960 à 1990 - non seulement en Belgique, où il installa sa compagnie à La Monnaie de Bruxelles en 1960 - et en France, mais bien dans le monde entier, s'est intéressé de tout temps à l'univers de l'opéra, et en particulier à ses plus grands mythes, Don Giovanni, Tristan et Isolde et Faust. Il ne mit jamais en scène ces deux derniers opéras, se contentant de créer un ballet sur des extraits de Tristan et les Wesendonck Lieder (Mathilde), un autre sur des extraits de Tristan et de Parsifal (Les Vainqueurs), et de construire un Notre Faust baroque et fort personnel sur la Messe en Si de Jean Sébastien Bach et des tangos argentins. En revanche il met effectivement en scène le Don Giovanni de Mozart au Grand Théâtre de Genève pour inaugurer le directorat de Hugues Gall en 1980. Il y réalise également une production de Salomé de Richard Strauss qui fait évènement en 1983. Mais c'est sa Traviata - produite à La Monnaie de Bruxelles le 27 février 1973, et reprise à Paris la même année au Théâtre des Champs-Elysées pour le Festival d'Automne - qui signe sa première incursion dans le monde de l'opéra, qu'il n'avait fait que côtoyer avec sa production de La Damnation de Faust de Berlioz à l'Opéra de Paris en 1964.
Pour faire vivre et mourir l'héroïne de Verdi la plus transgressive de son époque, Béjart installe, avec l'aide de Thierry Bosquet, le décorateur attitré de La Monnaie, l'œuvre dans un décor unique reproduisant la salle même de l'Opéra de Bruxelles, vue comme miroir de la société bien pensante qui s'offusquera toujours du profil social de son héroïne. Au milieu d'un foisonnement de personnages aux costumes alliant lourdeur néobaroque et modernité contemporaine, Violetta Valery entre en scène dans un cercueil (référence à Sarah Bernhardt), meurt debout, comme l'Isolde de Wieland Wagner, et apparaît comme une figure féministe engagée et libre, seule au milieu de gens du monde et de mannequins de cire que fait tournoyer un danseur qui semble la projection de ses sentiments intimes, jusqu'à paraître nu quand, idole convoitée au centre d'une roulette gigantesque, elle devient la victime absolue de la société contemporaine. La production, très remarquée, vaut surtout pour elle-même, et sa manière personnelle de faire éclater les conventions de l'opéra. Ses qualités musicales ont été moins acclamées, la distribution n'ayant pu proposer de valeurs exceptionnelles, hors une jeune cantatrice grecque, Vasso Papantoniou. Le choix de Béjart de confier la direction musicale à Manos Hadjidakis, le compositeur grec dont il chorégraphia plusieurs partitions (Les Oiseaux, Dionysos, L'ange Heurtebize), s'est avéré malheureux.