Allocution de Monsieur Mitterrand et interview du Caïd de M'Chounèche (1)
Notice
Lors d'un voyage en Algérie, François Mitterrand se rend dans les Aurès. Il prononce un discours au centre d'un parterre de militaires, d'officiels, de journalistes et de dignitaires algériens.
Éclairage
En Algérie, face à l'insurrection, le gouvernement Mendès France choisit d'emblée la politique de la répression. Lors d'un bref voyage d'inspection dans les Aurès (27-30 novembre 1954), François Mitterrand, en sa qualité de ministre de l'Intérieur, s'en fait le porte-parole. Ce séjour a aussi pour objet de mener une mission d'évaluation et d'information pour la présidence du Conseil sur les résultats de l'action entreprise et la situation sur le terrain. Mais il permet surtout de marteler un principe : l'appartenance de l'Algérie à la France ne saurait être remise en cause.
Pour mieux affirmer ce principe qui exige "le retour à l'ordre" en vainquant les "hors-la-loi", François Mitterrand joue sur les symboles. Il discourt sur le terrain, à découvert. Non retranché derrière les murs protecteurs d'un bâtiment officiel, il réitère la détermination française de façon d'autant plus prononcée que sa présence dans la région, la plus touchée par l'insurrection, ne peut sonner que comme une provocation pour les maquisards du FLN. Plus encore, sur ce même terrain et à mots à peine voilés, s'il affirme la volonté gouvernementale d'épargner les civils, il menace également de punir la population si d'aventure elle oubliait d'être citoyenne, en l'occurrence délatrice, et ainsi d'aider la France dans la traque des "agents de caractère terroriste".
Cette rhétorique de la menace va se heurter à la réalité d'une Algérie qui aspire à l'indépendance, qui s'embrase et bascule rapidement dans une guerre totale.
Diffusée en tête du JT du 1er décembre 1954, l'allocution de François Mitterrand prononcée à Biskra, fait suite à un premier reportage, diffusé le 29 novembre, qui portait sur sa mission d'inspection dans les Aurès. Outre qu'il rend compte de la fermeté des propos du ministre (risque physique inclus, surtout dans une région rebelle), le cadre dans lequel François Mitterrand est filmé souligne l'idée d'une scène quasiment saisie sur le vif. Le sentiment non protocolaire qui s'en dégage colore la séquence d'une tonalité informelle, dépouillée. Ce sentiment est renforcé par l'amorce de la séquence (éternuements de François Mitterrand se portant vers les micros), par le discours prononcé sans notes et ponctué de quelques hésitations, enfin par les mouvements du parterre de militaires, d'officiels européens, algériens et de journalistes, que l'on peut suivre grâce à deux plans d'ensemble fixes.
Entre le caractère sobre de cette scène, le ton de François Mitterrand, posé, presque doux, et cependant le caractère très résolu de ses propos officiels s'établit alors une étrange dialectique que la télévision française participe à valoriser : la politique d'une main de fer qui veut faire croire à son gant de velours.