Patrice Lumumba à l'ONU
Notice
Après la sécession du Katanga et l'envoi de troupes belges, les autorités congolaises ont fait appel à l'ONU pour une aide militaire. Le 25 juillet Lumumba présente sa position sur l'agression militaire belge et demande un appui à sa jeune armée ; le reportage souligne surtout sa critique de la Belgique qui a accordé l'indépendance sans transition, notamment sans prévoir l'africanisation de l'armée.
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Éclairage
C'est dans la précipitation que le Congo belge accède à l'indépendance le 30 juin 1960. Alors que les autorités belges n'avaient pas imaginé un processus d'émancipation de la colonie à moyenne échéance, les revendications politiques se multiplient au Congo après 1956. Plusieurs partis demandent l'indépendance dans le cadre d'un État unitaire, comme le Mouvement national congolais (MNC) de Patrice Lumumba, ou fédéral, comme l'Abako de Joseph Kasavubu ou la Conakat de Moïse Tshombe (Katanga). Il faut attendre les émeutes de Léopoldville en janvier 1959 pour que la Belgique engage une marche accélérée vers l'indépendance. Après la table ronde qui rassemble les mouvements congolais à Bruxelles en janvier 1960, l'indépendance est fixée au 30 juin. Des élections sont organisées en mai, dont le parti nationaliste MNC sort vainqueur. Lumumba, considéré par Bruxelles comme un radical, prend la tête du gouvernement, tandis que le « modéré » Kasavubu devient président.
Mais cinq jours plus tard la force publique congolaise se mutine contre l'encadrement belge qui s'oppose à une africanisation des cadres. L'annonce de viols d'Européennes par des soldats provoque l'exode des Belges, qui exerçaient l'essentiel des fonctions d'encadrement, et la panique des soldats qui craignent les représailles des troupes belges. Le désordre est général. Lumumba crée l'Armée Nationale Congolaise (ANC), avec une africanisation précipitée des cadres ; le colonel Mobutu est nommé chef d'état-major. Parallèlement Bruxelles envoie des troupes au Katanga qui interviennent aussi dans le reste du Congo.
Lorsque le 11 juillet le Katanga proclame son indépendance, avec à sa tête Tshombe soutenu par les militaires belges, la crise est ouverte entre les autorités congolaises et belges. Le gouvernement de Léopoldville sollicite le 12 une aide militaire de l'ONU contre l'agression belge, afin de rétablir la sécurité et l'intégrité de l'État, sans mentionner le désordre intérieur sur lequel la Belgique justifie son intervention. Le Conseil de sécurité prend le 14 juillet une résolution invitant le gouvernement belge à retirer ses troupes et accordant une assistance militaire jusqu'à ce que les soldats de l'ANC soient en mesure de « remplir leurs tâches ». Mais afin d'éviter tout veto occidental, cette résolution rejette la thèse de l'agression extérieure en ne prévoyant aucun dispositif pour contraindre les troupes belges à se retirer. Il s'agit pour l'ONU d'une question d'ordre intérieur, tandis que le gouvernement congolais souligne l'agression belge. La question du Congo se transforme en crise internationale dans un contexte de guerre froide. Lumumba menace alors de faire appel à l'Union Soviétique, qui demande le retrait des troupes belges. Après la résolution du Conseil de sécurité du 22 juillet les soldats belges se retirent de Léopoldville.
C'est dans ce contexte que Lumumba intervient à l'ONU le 25 juillet pour rappeler sa position sur l'agression de la Belgique, élément essentiel du désordre intérieur. Mais Lumumba ajoute une nouvelle demande : celle d'un maintien des troupes onusiennes après le départ des belges pour « aider notre jeune armée dans son organisation ». C'est ainsi reconnaître la difficulté pour l'ANC d'assurer l'ordre. Lumumba accuse la Belgique d'avoir accordé l'indépendance dans la précipitation, sans transition ni transmission de l'appareil administratif et militaire. Le reportage ne présente que cet extrait de l'intervention, sans préciser les positions de Lumumba et de l'ONU sur la crise. Les oppositions se cristallisent alors sur la personne de Lumumba, accusé de faire le jeu soviétique. L'ambassade soviétique s'installe lors de son soutien au gouvernement Lumumba puis elle est fermée par Mobutu lors de sa prise de pouvoir le 14 septembre.