Le voyage du général de Gaulle et les manifestations européennes et musulmanes, décembre 1960

14 décembre 1960
05m 12s
Réf. 00062

Notice

Résumé :

Compte-rendu du voyage officiel effectué par le général de Gaulle en décembre 1960 dans plusieurs villes algériennes et des manifestations européennes et musulmanes qui émaillent son parcours. Pendant ce temps, des émeutes ont lieu à Alger.

Date de diffusion :
14 décembre 1960
Source :
Personnalité(s) :

Éclairage

Les annonces politiques du président de la République se sont précisées à l'automne 1960, levant ainsi toute ambiguïté. Le 4 novembre, le général de Gaulle évoque sans détours une « République algérienne qui existera un jour ». Les partisans, civils comme militaires, de l'Algérie française sont absolument furieux. C'est dans ce contexte qu'il entreprend un nouveau voyage sur le territoire algérien début décembre. Entre temps, il publie un communiqué annonçant une consultation du pays par référendum et nomme Louis Joxe le 22 novembre à la tête d'un nouveau ministère : celui des Affaires algériennes, qui permettra, sans l'intermédiaire du Premier ministre, de conduire les négociations et de relayer la politique du président de la République. Lorsque tous deux débarquent à Aïn Temouchent le 9 décembre 1960, ils sont accueillis par des Algériens armés de banderoles scandant « Vive De Gaulle ! » tandis que des Européens en colère clament « Algérie française ! ». Comme on peut le constater grâce à ce long sujet des Actualités françaises, qui parle avec gravité d' « une Algérie déchirée », les mêmes communautés divisées se trouveront sur le parcours présidentiel organisé dans de nombreuses villes algériennes comme Tlemcen, Blida, Cherchell ou Orléansville (Chlef). Le voyage officiel, prévu du 9 au 14 décembre, évite les grandes villes les plus dangereuses, au premier rang desquelles Alger et Oran en proie aux violences et à l'émeute.

En effet, dès le 9 décembre, à Alger, le FAF (Front Algérie française. Un mouvement anti-indépendance) a ordonné une grève générale, très suivie par la population européenne. En son sein, de jeunes manifestants affrontent les CRS puis les militaires et les heurts dégénèrent encore le lendemain.

Le 11 décembre 1960, c'est au tour des Algériens de manifester massivement en brandissant leur drapeau. Les parachutistes appelés en renfort des CRS s'opposent. Les violences gagnent de nombreuses rues d'Alger. Un Européen est tué. Les CRS chargés du maintien de l'ordre sont vite débordés et l'affrontement entre communautés est très brutal dans le centre ou dans le quartier de Bab El Oued. Les Européens tirent sur les manifestants algériens, puis ces derniers sont visés par les militaires place du gouvernement général. Oran bascule également dans la violence entre Français d'Algérie et Algériens, et ce jusqu'au 13 décembre. Le bilan final est lourd : 120 morts dont 112 musulmans et de très nombreux blessés.

Peggy Derder

Transcription

(Musique)
Journaliste
Une Algérie déchirée. Cela n’apparaissait pas ouvertement encore à Aïn Témouchent, au moment où le Président de Gaulle y arrivait. Mais les banderoles parlaient, et déjà la passion suscitait des gestes de violence. C’est là que fut lacérée la première pancarte Algérie algérienne. Mais c’est là aussi que, méprisant tous les conseils de prudence, le général de Gaulle entra dans une foule dont toutes les mains se tendaient vers lui.
(Bruit)
Journaliste
Tlemsen, dans le froid et la neige, devait confirmer le geste et l’accueil d’Aïn Témouchent. Les musulmans applaudirent le Général et acclamèrent l’Algérie algérienne. De ce côté, tout semblait aller.
(Bruit)
Journaliste
Alger manifestait. Les activistes de l’Algérie française avaient déclenché la grève totale : portes closes, boutiques fermées. Puis, peu à peu, des groupes, jeunes pour la plupart, commencèrent à tenir la rue, referait-on une journée des barricades ?
(Bruit)
Journaliste
La force publique n’hésitait pas à réagir : mouvements sporadiques qui devaient durer toute la journée, marqués par l’éclatement des grenades lacrymogènes et de courtes bagarres.
(Bruit)
Journaliste
Le tunnel des facultés, réduit de résistance, aujourd’hui classique, était rapidement dégagé, et le calme — un calme sans doute relatif – se rétablissait dans la soirée.
(Bruit)
Journaliste
Le général de Gaulle poursuivait son voyage d’information et d’explication. De Blida à Cherchell, où il allait rendre visite au sanctuaire de l’armée d’Afrique, il retrouvait, partout, l’accueil des populations musulmanes mais aussi la présence de l’antagonisme douloureux, Algérie française, Algérie algérienne.
(Bruit)
Journaliste
Alger marquait cette deuxième journée par une violence accrue : barricades et bagarres.
(Bruit)
Journaliste
Automitrailleuses utilisées pour déblayer les rues, cocktails Molotov lancés contre la force publique, et grenades offensives lancées contre les manifestants.
(Bruit)
Journaliste
Des blessés de part et d’autre.
(Bruit)
Journaliste
Le troisième jour, le général de Gaulle passait à Zédine, un village de regroupement, avant d’aller à Orléansville et à Oued Fodda. Tout le village était là pour l’accueillir. Il semblait que seuls, dans leur ville, les Européens, heurtés par une politique d’un libéralisme audacieux, pussent bouger. Généreuse illusion. Car au même moment, les quartiers musulmans d’Alger, intoxiqués par les meneurs du FLN, déclenchaient une journée de brutalité. A Diar el Maçhoul, le FLN frappait les trois coups du drame qui devaient endeuiller Alger comme jamais il ne l’avait été depuis six ans. Car le pillage, l’incendie et l’assassinat allaient, pendant quelques heures, se donner libre cours.
(Bruit)
Journaliste
Vers le soir, quelques milliers de musulmans voulurent descendre vers la ville. Un bouchon de CRS devait, pendant des heures, les maintenir. Mais le drame, déjà, était joué.
(Bruit)
Journaliste
Mais ne faut-il pas dire que ce ne sont ni tous les Européens, ni tous les musulmans qui sont descendus dans la rue ? Si les ultras des deux bords ont voulu créer l’irréparable, la chance offerte par la solution du général de Gaulle doit exister encore puisque les deux communautés algériennes ne sont pas faites que de fanatiques. Et la leçon que tirera le Général de cette visite aux échos dramatiques, c’est que, sans doute, tout n’est pas perdu par ce bilan tragique de quatre-vingt quatre morts, et que devant la persévérance et la fermeté, la sagesse de l’armée et le bon sens des deux peuples, la folie ne peut pas avoir raison.