L'avenir de Fria après la proclamation de l'indépendance de la Guinée
Notice
En Guinée, Fria, où la bauxite est exploitée, est en cours d'aménagement : une usine d'aluminium et des habitations se construisent. La question de l'avenir de la ville est posée depuis la proclamation de l'indépendance du pays.
Éclairage
Dès sa nomination, en juin 1958, à la tête du gouvernement français, le général de Gaulle annonce son intention de transformer en association les rapports de domination entre la France et ses territoires africains, administrés depuis 1956 par la loi-cadre d'autonomie mise en oeuvre par Gaston Defferre. Préparant une nouvelle constitution pour la France, il y ajoute un projet de communauté franco-africaine.
De Gaulle effectue alors une tournée en Afrique afin de convaincre ses interlocuteurs de voter pour sa proposition lors du référendum sur la Constitution. Il se rend ainsi le 25 août 1958 à Conakry, capitale de la Guinée, dominée par Sékou Touré, fondateur en 1951 de la section guinéenne du Rassemblement démocratique africain, député à l'Assemblée nationale depuis 1956 et vice-président du conseil exécutif de Guinée depuis 1957. A l'Assemblée territoriale, le leader guinéen prononce un discours dans lequel il déclare que son pays ne renoncerait jamais à son droit à l'indépendance et préférait "la liberté dans la pauvreté à la richesse dans l'esclavage", même s'il précise qu'il entend rester lié à la France. De Gaulle lui répond que "personne n'est tenu d'adhérer" à la Communauté proposée par la France et que "l'indépendance est à la disposition de la Guinée".
De fait, le 28 septembre 1958, les électeurs guinéens suivent massivement Sékou Touré : ils rejettent le texte soumis par référendum à une écrasante majorité de 95%. C'est la seule des douze anciennes colonies françaises d'Afrique occidentale et d'Afrique équatoriale alors consultées qui refuse la Constitution de la Ve République, et partant, le régime de la Communauté pour les territoires d'outre-mer.
Le 2 octobre 1958, l'indépendance de la Guinée est ainsi proclamée. Sékou Touré en devient le chef d'Etat. Il le reste jusqu'à sa mort, en 1984, instaurant une dictature sanguinaire. Dès le résultat du référendum, la France rompt immédiatement toute relation avec la Guinée. Elle rapatrie très rapidement l'ensemble de ses fonctionnaires et techniciens, de même que son matériel. Elle cesse toute aide financière à la Guinée et y interrompt ses investissements.
Diffusé par les Actualité Françaises dans la rubrique "La semaine" qui traite brièvement des principaux événements de la semaine écoulée, ce sujet est consacré à Fria où est exploitée la bauxite. Il propose des vues aériennes qui localisent Fria dans la jungle et montrent le chantier d'une usine d'aluminium, ainsi que, à terre, des plans filmés de l'usine et d'habitations en construction. En fait, ce sujet prend pour prétexte l'aménagement de Fria, ville née de la bauxite, pour évoquer indirectement l'indépendance de la Guinée, proclamée le 2 octobre 1958, soit treize jours avant la diffusion de ce reportage. Il ne propose aucune image de la proclamation ou de Sékou Touré, le nouveau chef d'Etat guinéen. L'indépendance est à peine mentionnée par le commentaire, qui passe sous silence ses raisons et sa finalisation.
En fait, appuyé par une musique illustrant la gravité du moment et un commentaire au ton empreint de solennité, le sujet insiste surtout sur la remise en cause du projet industriel et urbain de Fria qu'entraîne l'indépendance de la Guinée. Il en parle même à l'imparfait ("l'usine devait en 1960..."). Le point de vue adopté est de fait colonialiste : Fria est née "par la volonté des Français", et le commentaire sous-entend qu'après leur départ, des difficultés importantes ne vont pas manquer de se poser. Le sujet s'achève sur un mode interrogatif, posant la question de l'avenir de Fria sans les Français qui l'ont créée. Il apparaît ainsi tout à fait conforme aux sentiments d'amertume du général de Gaulle et de nombreux Français, piqués au vif par le choix de la Guinée.