L'autre Congo
Notice
Le reportage réalisé par Roger Louis pour Cinq colonnes à la une présente les différents visages de la République socialiste du Congo-Brazzaville, près d'un an et demi après la chute de l'abbé Fulbert Youlou, depuis l'orientation marxiste du régime et la surveillance policière exercée par la jeunesse révolutionnaire jusqu'aux conflits avec le Congo-Léopoldville dans le contexte de la guerre froide.
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Éclairage
Le Congo-Brazzaville accède à l'indépendance le 15 août 1960 sous la direction d'un président qui n'a cessé de renforcer son pouvoir personnel depuis le « coup d'État constitutionnel » du 28 novembre 1958. Après avoir neutralisé ses opposants, le parti du Premier ministre Fulbert Youlou obtient la majorité des suffrages lors des élections législatives de juin 1959. L'abbé Youlou engage une centralisation du pouvoir autour du palais présidentiel, en s'entourant de conseillers français et africains qui doublent les services ministériels. Le système palatin est de plus en plus déconnecté de la société congolaise. Les oppositions se renforcent, associant les syndicats, les organisations de jeunesse et des hommes politiques déçus, tel que l'ancien membre du gouvernement Massamba-Débat, qui dénonce le régime néo-colonial de Youlou. Le pays doit faire face à des difficultés économiques croissantes, avec un chômage de masse. Or l'abbé Youlou rompt les négociations avec les syndicats, puis son annonce de constitution d'un parti unique cristallise les oppositions. Entre le 13 et le 15 août 1963, la révolution populaire conduit au renversement du président Youlou et à l'instauration d'une république socialiste, sous la présidence de Massamba-Débat. La France a refusé le sauvetage militaire de Youlou.
Le reportage de Roger Louis présente la République socialiste près d'un an et demi après les trois glorieuses. La rupture se manifeste sur le plan culturel par la revalorisation de la culture africaine, à travers le poème de Bernard Dadié (« Je vous remercie mon Dieu de m'avoir créé noir ») et les ballets traditionnels. Mais les nouvelles autorités congolaises s'opposent entre elles. D'un côté se trouvent les syndicalistes et les partisans d'un socialisme modéré ou bantou, tel Massamba-Débat qui explique l'orientation du pays par le souci de sortir de la dépendance économique à l'égard des puissances occidentales. De l'autre les tenants d'un « socialisme scientifique », une tendance plus radicale, l'emportent en 1964 dans le gouvernement de Lissouba. Les syndicalistes en sont écartés, tandis que le pouvoir et le parti unique, le Mouvement National Révolutionnaire, s'appuient sur leur mouvement de jeunesse, la JMNR. Ce « fer de lance » du régime socialiste est organisé en unités miliciennes. Le reportage montre la surveillance policière que la JMNR exerce sur la société congolaise. Certains membres des mouvements de jeunesse entrent au gouvernement, comme le ministre de la Jeunesse et des sports, André Hombessa. Ce dernier souligne dans son interview le rôle joué par la JMNR, qui exerce aussi des actions répressives. L'orientation marxiste du gouvernement se manifeste par la présence des puissances du bloc communiste, notamment la Chine populaire. Alors que le Congo-Brazzaville était sous Youlou la base arrière des pays occidentaux dans la crise congolaise voisine, son basculement politique redistribue les cartes des influences entre l'Est et l'Ouest en Afrique centrale. Si la radio de Brazzaville constituait le haut-lieu de la propagande contre le gouvernement de Lumumba en 1960, c'est maintenant de Léopoldville qu'est diffusée la propagande anti-communiste. En effet, l'ancien leader sécessionniste du Katanga a été appelé au pouvoir en 1964 à Léopoldville, pour mettre fin aux révoltes des lumumbistes. Le soutien apporté par la France à Tshombe lui permet en 1965 d'étendre son aire d'influence à l'ancien Congo belge, qui entre dans l'organisation commune africaine et malgache (OCAM). Le reportage souligne la surenchère entre les deux pays qui sont les lieux de confrontation entre l'Est et l'Ouest sur la scène africaine de la guerre froide. Ces conflits politiques dans et entre les deux États se doublent de difficultés économiques, avec le développement du trafic des ressources minières de l'ancien Congo belge, notamment les diamants du Sud-Kasaï qui servent à alimenter le réseau des mercenaires et fournissent des devises à Brazzaville.