Algérie : qu'en pense le bled ?
Notice
Reportage en Kabylie à la veille du referendum sur l'autodétermination et depuis la disparition du principal dirigeant des maquis, Amirouche, en mars 1959.
Éclairage
Le 8 janvier 1961, un referendum est organisé. La question posée aux électeurs en est celle-ci : « Approuvez-vous le projet de loi soumis au peuple français par le président de la République et concernant l'autodétermination des populations algériennes et l'organisation des pouvoirs publics en Algérie avant l'autodétermination ? ». Les résultats sont son appel : 75 % des votants répondent « oui » à cette interrogation. Pour autant, loin de calmer les esprits, ce referendum a pour effet de cristalliser les tensions. En atteste le putsch des généraux Zeller, Challe, Jouhaud et Salan qui se déroule à Alger, dans la nuit du 21 au 22 avril 1961, et qui traduit une opposition frontale à la politique du général de Gaulle.
Cette période se présente donc comme une phase transitoire qui voit s'opérer le passage d'une phase politique centrée sur la recherche d'une solution pour sortir de la crise, à une autre, diplomatique, où il s'agit d'élaborer les termes – via la négociation entre acteurs du conflit – de l'application du projet. Beaucoup reste à faire et des incertitudes demeurent. Si bien que, début 1961, il est difficile de se projeter dans un avenir dont on pourrait précisément connaître les contours.
« Le mois dernier, nous interrogions Alger, cette fois-ci, nous interrogeons le bled où l'on vote ce matin... ». Jacques Sallebert revient donc en Algérie pour y suivre la chronique d'une histoire en marche. Si incertitude il y a sur le plan politique, du côté de l'information, place est donnée à la confiance... raisonnée et raisonnable. Ainsi, en concluant son reportage par des propos qui appellent à la paix, semble-t-il en appeler aussi à la raison. Ce dont atteste l'ensemble des interviews rassemblées en ce sujet. En effet, toutes vont dans le sens d'un optimisme laissant entendre que la fin des tensions est possible.
D'ailleurs, le fait de commencer le reportage par une séquence s'attachant à la Vallée de la Soummam en Kabylie est caractéristique de cette intention. C'est en ce lieu que se tint le premier congrès – clandestin – du FLN en mars 1956 et où, pendant quatre ans, de violents affrontements opposèrent rebelles et forces françaises.
En filmant la cohabitation apparemment réussie entre « communautés », le reporter met donc en exergue les marques du dialogue retrouvé mais il pointe aussi les traces de ce qui peut en empêcher la poursuite. Ainsi le chef de la communauté de Tazmalt explique-t-il que la situation est différente de celle de 1830 et que les représentations qui étaient alors en cours – telles celles faisant des Algériens des esclaves – doivent être bannies. Des propos qui font écho à ceux du sous-lieutenant Laporte qui lui aussi envisage l'avenir avec optimisme, à condition toutefois que chacun y mette du sien.
À deux jours du referendum, la diffusion de ce reportage présente donc un cadre politique apaisé, c'est-à-dire apte à rassurer les esprits face à l'événement électoral qui approche. D'ailleurs, pour chacune des personnes interrogées, c'est à une relation étroite avec la France qu'il est fait appel. Car pour tous, cette solution, quelles qu'en soient les modalités d'application, est la seule possible. Et si elle permet d'envisager plus sereinement l'avenir, elle fait aussi des années qui ont précédé une victoire politique en même temps que militaire. Évidemment, cette version est conforme aux thèses défendues par le général de Gaulle. D'ailleurs, elle est rappelée par le journaliste en conclusion du reportage : « Ils sont tous d'accord sur un point : l'Algérie doit se faire avec la France et s'il y a une certaine confusion dans les esprits il y a toutefois un grand espoir, celui que l'année 1961 sera l'année de la paix ».