Déclaration de Messali Hadj sur l'autodétermination

21 septembre 1959
04m 57s
Réf. 00058

Notice

Résumé :

Réaction de Ahmed Messali Hadj, fondateur du Mouvement National Algérien, au discours du Président de Gaulle du 16 Septembre 1959, envisageant l'autodétermination pour l'Algérie.

Date de diffusion :
21 septembre 1959
Source :
ORTF (Collection: JT NUIT )

Éclairage

Le 16 septembre 1959, le général De Gaulle annonce le recours à l'autodétermination pour régler le sort de l'Algérie, en fonction de trois options : la « sécession », la « francisation complète » ou le « gouvernement des Algériens par les Algériens ». Il ne rejette explicitement que la première, qui « entraînerait une misère épouvantable, un affreux chaos politique, l'égorgement généralisé et, bientôt, la dictature belliqueuse des communistes ». Anticipant les réactions furieuses des partisans de l'Algérie française, le président de la République assure que cette proposition n'est pas une volte-face mais s'inscrit dans la continuité de son action de « pacification » en Algérie. Selon l'historienne Sylvie Thénault : « L'annonce de l'autodétermination n'est ni un revirement soudain, ni le but vers lequel tendait implicitement le Général depuis son retour au pouvoir, mais l'effet différé du changement de régime, qui impliquait une redéfinition de la politique algérienne, dans un délai que le temps de l'histoire permet d'apprécier à sa juste mesure » (Sylvie Thénault, Histoire de la guerre d'indépendance algérienne, Paris, Flammarion, collection Champs Histoire, page 215).

Dans son annonce, Le Général s'adresse aux Algériens mais ne mentionne pas le gouvernement provisoire de la république algérienne (GPRA), ce qui laisse sous-entendre que l'ouverture de négociations n'est pas envisagée dans l'immédiat. Le GPRA réagit le 28 septembre en affirmant qu'il est « le dépositaire et le garant des intérêts du peuple algérien jusqu'à ce que celui-ci se soit librement prononcé »

Auparavant, Messali Hadj, qui dirige le Mouvement national algérien, parti nationaliste rival du FLN, fait part de sa réaction devant les caméras et les micros des journalistes. Il se réjouit ouvertement, malgré certaines réserves en particulier sur le « délai de quatre ans, beaucoup trop long », de voir la France reconnaître au peuple algérien le droit de s'ériger en nation souveraine à travers un processus constituant.

Depuis le 15 janvier 1959, Messali Hadj, après avoir été placé plusieurs années en résidence surveillée à Angoulême, est libre de toute assignation et est installé près de Chantilly, à Gouvieux dans l'Oise, où il a animé plusieurs réunions publiques. Mais il sait que le MNA est dans une posture difficile. La prééminence du FLN dans lutte nationaliste ne fait plus de doute. Parallèlement à la guerre contre la puissance colonialiste, le FLN a mené une conquête de terrain sans merci contre les messalistes, aussi bien en Algérie qu'en métropole, par la propagande et par les armes. Ce conflit fratricide a fait plusieurs milliers de victimes. À cette date, le MNA est replié dans quelques bastions. Malgré sa posture de père fondateur du nationalisme algérien, qu'il rappelle dans sa déclaration par la référence à l'Étoile nord-africaine, parti qu'il a fondé dès 1926, Messali Hadj n'est plus en mesure de peser réellement dans la conduite de la lutte pour l'indépendance. Le FLN n'entend d'ailleurs pas partager la légitimité acquise par l'insurrection.

Peggy Derder

Transcription

(Silence)
Intervenant
Nous avons déjà, avant ce jour, fait connaître notre première réaction à l’égard du discours du général de Gaulle. Nous avons pris acte du droit à l’autodétermination proclamé par le chef de l’État français. Car l’autodétermination, c’est la liberté et l’indépendance, pour chaque individu, d’accepter ou de refuser, ou de choisir, comme il entend tel ou tel système politique. Honnêtement parlant, on ne peut que se réjouir de cette importante déclaration, qui répond nettement aux aspirations de notre peuple, qui décidera lui-même de son destin.
(Bruit)
Intervenant
Nous nous réjouissons d’autant plus de ce principe de l’autodétermination, qu’il a toujours été inscrit en tête de notre programme, depuis les [inaudible] nord-africaines jusqu’au mouvement national algérien, sous le mot d’ordre : la parole au peuple. Cependant, il y a d’autres problèmes qui, dans le plan du général de Gaulle, méritent une importante clarification. C’est ainsi que le délai de quatre ans, dont a parlé le général de Gaulle, et qui, pour nous, est beaucoup trop long, les modalités d’application de l’autodétermination, le contrôle de déroulement et les garanties de sincérité de la consultation et les élections constituent de graves problèmes qui rendent nécessaires des contacts et des discussions entre tous les intéressés afin d’aboutir, dès que possible, dans la compréhension et la confiance réciproques, à un cessez-le-feu. Pour nous, le plan du Président de la République peut être considéré comme une base de discussion. Il appellera, naturellement, des modifications. Aucune œuvre humaine n’est parfaite à ses débuts. Quant au MNA, il reste toujours fidèle à son programme. Aussi, voit-il, dans le gouvernement algérien par les Algériens, l’annonce de l’instauration de la République algérienne, amie de la République française. C’est ainsi qu’on peut s’ouvrir… C’est ainsi qu’on peut s’ouvrir, dans des rapports de nos deux peuples, une ère nouvelle où seront garantis la paix, la sécurité et les intérêts réciproques. Mesdames et Messieurs, j’ai terminé. Et si quelquefois vous avez besoin de me faire une question, je suis entièrement à votre disposition et dans la mesure du possible.
Journaliste
Est-ce que vous vous rallierez… vous vous ralliez dès à présent, dans la mesure où le référendum vous donnera toutes les garanties nécessaires, à la solution qui interviendra alors ?
Intervenant
Il faut, Monsieur, attendre d’abord les résultats du référendum. Mais vous avez certainement remarqué, dans notre déclaration, que nous avons parlé d’un gouvernement algérien par les Algériens, qui arrivera, par la suite, à créer une République algérienne, amie de la République française. Déjà, nous sommes orientés. Par conséquent, demain, nous irons, si nous sommes appelés, pour quoi que ce soit, que ce soit pour une table ronde pour la conférence, ou bien alors pour des discussions, ou bien pour la campagne électorale, eh bien, évidemment, nous lutterons pour faire triompher nos idées.