Emeutes au Congo Brazzaville [muet]

22 février 1959
01m 24s
Réf. 00083

Notice

Résumé :

[Document muet] Après le « coup d'Etat constitutionnel » de Fulbert Youlou qui lui permet de devenir Premier ministre de la nouvelle République du Congo, des émeutes ensanglantent Brazzaville en février 1959. Le reportage présente en images le bilan de ces émeutes et les autorités qui s'affirment à Brazzaville sous la direction de l'abbé Youlou.

Date de diffusion :
22 février 1959
Source :
ORTF (Collection: JT 20H )

Éclairage

Après le vote massif en faveur du oui au référendum du 28 septembre 1958, le Congo Brazzaville devient un État membre de la Communauté française. L'assemblée territoriale élue en 1957 en application de la loi cadre se trouve composée de 22 élus de l'Union démocratique de défense des intérêts africains (UDDIA), le parti du maire de Brazzaville Fulbert Youlou, contre 23 pour la coalition menée par le Mouvement Socialiste Africain (MSA) de son principal opposant, Jacques Opangault. La création rapide des nouveaux États de la Communauté à la fin de l'année 1958 conduit à une lutte acharnée entre les leaders en concurrence. Le 28 novembre, l'abbé Youlou profite de l'absence des élus MSA qui ne parviennent pas à s'entendre sur les futures institutions avec les élus UDDIA, pour faire proclamer par ses seules forces la République du Congo. Jacques Opangault dénonce ce coup d'État constitutionnel, mais certains des élus de sa coalition se rallient à Fulbert Youlou, renversant ainsi la majorité de la nouvelle Assemblée législative en faveur de l'UDDIA. L'abbé Youlou devient Premier ministre le 8 décembre 1958 et il décide de transférer la capitale de Pointe Noire à Brazzaville où il a ses principaux soutiens. Opangault réclame de nouvelles élections législatives pour mars 1959, conformément au calendrier prévu, mais Youlou s'y refuse. La tension monte. Le 16 février 1959, plusieurs militants M'Bochi de la coalition de Jacques Opangault attaquent à Brazzaville des partisans de l'UDDIA ou supposés tels, principalement Lari, provoquant des affrontements sanglants qui prennent une coloration ethnique. Mais le conflit est essentiellement de nature politique et Fulbert Youlou exploite ces émeutes pour affirmer son autorité. Il en fait porter la responsabilité à son opposant Opangault, qui est arrêté avec d'autres leaders politiques pour incitation à la violence. Le représentant de la France fait intervenir le 18 février les forces armées de la communauté qui rétablissent l'ordre entre le 19 et le 20 février.

Le reportage présente les images du lourd bilan de ces émeutes. Une centaine de morts au moins sont dénombrés, plus de 200 blessés dont certains sont filmés, de nombreuses cases et véhicules détruits ou brûlés, et des sinistrés accueillis dans les églises. Bien que dépourvu de commentaires, le reportage met le focus sur la présence militaire française qui a permis le retour à l'ordre, et plus encore sur le vainqueur de ces journées, l'abbé Youlou. La caméra suit ainsi le maire de Brazzaville qui vient de s'affirmer comme chef. Fulbert Youlou est présenté à la mairie, entouré notamment des colons blancs qu'il s'est allié politiquement et qu'il a fait entrer au parlement et au gouvernement, tel que le journaliste et président de l'Assemblée Christian Jayle. Comme d'autres membres de la Communauté française, le Congo Brazzaville s'engage vers une présidentialisation du pouvoir, sous la direction de l'abbé Youlou, et avec le soutien de Paris qui entend garantir la stabilité des nouveaux États de son « pré carré ». C'est ainsi qu'au lendemain des émeutes de février 1959 est envoyé l'ancien inspecteur de police Alfred Delarue pour assurer « la sécurisation du pouvoir de l'abbé » (J.-P. Bat, Le syndrome Foccart. La politique française en Afrique, de 1959 à nos jours, Gallimard, Folio Histoire, 2012, p. 274). Ce proche de l'abbé Youlou crée un service de renseignement, qui joue un rôle important lors de la crise au Congo voisin, avec une intense propagande menée contre le gouvernement de Lumumba et le soutien au chef sécessionniste du Katanga, Moïse Tshombe.

Bénédicte Brunet-La Ruche