La Guinée, cinq ans après
Notice
Un reportage réalisé pour le magazine Sept jours du monde présente l'évolution générale de la Guinée, depuis son indépendance jusqu'en 1963.
- Economie
- Relations internationales > Accord international > Indépendance
- Relations internationales > Idéologie > Non alignement
- Relations internationales > Idéologie > Socialisme
- Société > Condition féminine
- Vie politique > Elections > Référendum
- Vie politique > Empire colonial français > Communauté française (1958-1961)
Éclairage
En votant « non » au référendum sur la Communauté française le 28 septembre 1958, la Guinée accède immédiatement à l'indépendance. La France interprète ce vote comme une volonté de « sécession ». Elle supprime brutalement ses contributions techniques et financières à la Guinée et tente de l'isoler. La République de Guinée est proclamée dès le 2 octobre. Son président, Sékou Touré, se tourne alors simultanément vers les pays africains, les pays de l'Est comme de l'Ouest pour obtenir sa reconnaissance et la conclusion d'accords de coopération. L'Union soviétique et ses satellites, puis la Chine répondent favorablement. Cet appui se matérialise dès 1959 par une série d'accords commerciaux (envoi de matériels, de textile et de biens de consommation en échange de produits agricoles), industriels et culturels (briqueterie, centrale électrique, imprimerie « Patrice Lumumba », etc.) et sur la sécurité (appui des services de la Sécurité tchécoslovaque). Mais Sékou Touré n'entend pas s'inféoder à l'Union Soviétique, d'autant plus qu'il se présente comme un fer de lance des non alignés. Il pratique surtout une politique de neutralité en demandant équitablement une aide à tous. Un rapprochement s'opère à partir de 1962 avec les États-Unis, avec l'envoi des Peace Corps, de surplus alimentaires, et le développement des investissements dans les gisements de bauxite. La situation économique reste très précaire en 1963 mais le régime guinéen résiste. Au lendemain des accords d'Évian, Sékou Touré tente un rapprochement avec de Gaulle. La France se montre plus réceptive à la main tendue, en partie en raison de la concurrence des intérêts américains, et des accords de coopération sont signés en mai 1963.
C'est dans ce contexte d'amélioration des relations franco-guinéennes entre 1963 et 1965 que Michel Colomès réalise à Conakry un reportage pour le magazine Sept jours du monde. Ce reportage présente donc de manière nuancée la situation en Guinée, après cinq ans de rupture, en alternant l'entretien de Sékou Touré avec des scènes de la vie quotidienne. Il fait ressortir la dimension symbolique de l'indépendance guinéenne. Celle-ci revêt le caractère d'une résistance à l'ancienne puissance coloniale, célébrée dans tout le pays. Ainsi entend-t-on un chœur d'enfants honorant l'union dans le non et reprenant la phrase de Sékou Touré : « nous préférons la liberté dans la pauvreté à la richesse dans l'esclavage ». Puis la vidéo zoome sur le monument des martyrs du colonialisme, haut-lieu de commémoration. L'indépendance politique s'accompagne d'une révolution culturelle, comme le souligne le reportage. Sékou Touré s'affirme comme le promoteur d'une réhabilitation de l'authenticité africaine face au déni colonial des cultures colonisées. Avec son ministre Fodeba Keïta, fondateur des Ballets africains, il s'attache à « décoloniser » la société. Les activités culturelles mettent en avant l'unité nationale et panafricaine. Elles célèbrent, dans une perspective utilitariste, la fierté des productions guinéennes. L'indépendance immédiate a également ouvert une ère de difficultés économiques et l'ouverture vers le bloc communiste, comme le rappelle le journaliste. Mais pour souligner assez vite le non alignement de la Guinée et la volonté de poursuivre la coopération avec la France, avec l'exemple de l'usine de Fria. L'indépendance guinéenne est enfin l'affirmation d'un homme. Sékou Touré se présente comme l'acteur principal du non, éliminant les autres militants politiques dans le cadre du parti unique. Les focus sur la « Voix de la Révolution », seule radio autorisée, les haut-parleurs dans les rues, l'ensemble de la vie collective régie par les organes du parti, présentent cette évolution autoritaire du régime, tout en indiquant les avancées sociales de la Guinée. Le leader de la renaissance africaine sacralise l'indépendance dans la rupture selon un schéma présenté a posteriori comme partagé avec de Gaulle.