Aménagement de la côte Aquitaine : Hossegor, Capbreton
Notice
Le projet de construction d'une marina à Hossegor et Capbreton, défendu par le maire de Capbreton, Roger Calès, fait débat. Un comité de défense, incarné par Jacques Ellul et Xavier Defos du Rau, se montre sceptique face au projet d'urbanisme du terrain de la Vierge et de la Pêcherie et sur les réelles retombées économiques du projet.
Éclairage
Malgré les travaux réalisés à l'entrée du port sous Napoléon III, aborder la "passe" de Capbreton n'est pas aisé quand on n'est pas un marin aguerri. L'Estacade et le bassin de chasse réalisés à la fin du XIXe siècle puis la construction de digues édifiées plus récemment permettent certes de limiter, d'une part, les dangers liés à ce passage difficile et d'assurer, d'autre part, la pérennité d'un chenal de proportions convenables. Cependant, les ambitions de la municipalité, en cette année 1974, exigent des travaux supplémentaires.
Si les effets de la crise pétrolière commencent à se faire sentir, les programmes de développement de la côte Aquitaine, engagés par la MIACA à partir de 1967, n'ont pour unique objectif que de développer les activités estivales puisque "il ne reste que le tourisme pour vivre"... Il est vrai que l'ancien grand port baleinier en est réduit à une flottille de huit bateaux de pêche.
Hossegor, la "station des sports élégants" toute proche, continue de prospérer sous l'égide d'Alfred Éluère ; pour sa part, le maire de Capbreton, le docteur Calès, entend offrir à sa ville des infrastructures dignes d'une grande station de plaisance, un peu à l'instar de ce qui s'est fait, grâce à la mission "Racine", du côté de la Grande Motte, en Languedoc-Roussillon.
Si des aménagements sont nécessaires pour respecter les objectifs des organismes chargés de valoriser la côte landaise, il faut raison garder et les ambitions des uns s'opposent à la prudence des autres. S'opposent ainsi les partisans de l'expansion du port et de la marina en général, autour de leur maire, et les notables locaux arguant du fait que la saison estivale, très courte, ne peut justifier la "défiguration" de secteurs côtiers protégés par la loi sur le littoral. Car si l'on ne parle pas encore de "développement durable", le concept est dans les têtes de tous ceux qui veulent préserver l'espace, l'atout majeur du département, symbolisé une trentaine d'années plus tard par le logo "XL" du Conseil général des Landes...
Bâtir ici de façon inconsidérée, c'est donc "tuer la poule aux œufs d'or" en supprimant le "poumon" de la conurbation qui se dessine déjà entre les trois communes de Capbreton, Seignosse et Soorts-Hossegor, regroupées en SIVOM. C'est également aller à l'opposé de la volonté gouvernementale qui tient à maîtriser, sur le littoral notamment, l'espace public comme le prouve la persistance d'une forêt domaniale, principalement sur le cordon dunaire, gérée par l'Office National des Forêts (ONF), émanant de la vieille administration des "Eaux et Forêts" dont l'ébauche est fondée en 1291 par Philippe le Bel.
S'appuyant sur la circulaire du 5 avril 1973 d'Olivier Guichard, ministre de l'Équipement, mettant fin à la construction de grands ensembles, un comité de défense se forme contre ce projet. Deux personnalités reconnues des Aquitains, maître Xavier Defos du Rau et le philosophe Jacques Ellul, professeur d'histoire du Droit et sociologue, ont recours au tribunal administratif pour juguler ce projet d'envergure sans toutefois s'opposer à certaines phases de son évolution qui semblent inéluctables.
Jacques Ellul, est bien connu pour ses travaux de réflexion sur l'évolution de la société moderne. Il constate que la disparition du monde rural traditionnel s'accompagne de la technicisation de l'homme et de son milieu, anticipant les interrogations des écologistes ; il le fait valoir ici en évoquant l'inquiétante évolution du bassin d'Arcachon où le développement touristique se heurte aux intérêts des ostréiculteurs.
Illustrant ses propos, l'image de la station de Seignosse, déjà vieillissante, rappelle la remarque d'Émile Biasini, reprenant la tête de la MIACA en 1970 : "Le Penon est l'exemple même de ce qu'il ne fallait pas faire."