La Cellulose du Pin : l'usine de Tartas réoriente sa production
Notice
Afin de relancer son activité, le groupe Cellulose du Pin décide de réorienter la production de l'usine de Tartas vers la fabrication de papier destiné au marché de l'hygiène et du sanitaire, abandonnant progressivement le marché de la pâte textile. Les 350 emplois que représente le site seront ainsi maintenus.
Éclairage
Près de quarante ans après son édification, l'usine de la Cellulose du pin à Tartas, à la frange sud du massif forestier des Landes de Gascogne, franchit une étape importante pour son développement.
Le projet initial, dû à l'industriel d'origine tarusate Bernard Navarre, remonte à 1939 : fabrication d'une pâte au bisulfite pour l'élaboration de la viscose [1]. À cause de la guerre, la construction de l'usine ne se réalise qu'entre 1942 et 1945 où apparaît la Société Landaise des Celluloses. Surmontant de difficiles problèmes techniques, d'ordre chimique notamment, l'usine passe d'une production de 6 000 tonnes en 1946 à 75 000 tonnes à la fin des années 1960. Entre temps, en 1960, l'établissement devient propriété du groupe Cellulose du pin.
Au cours des années 1970, le marché évolue fortement et implique des choix techniques.
D'une part, la viscose se heurte au développement fulgurant des fibres synthétiques issues de la pétrochimie, le fameux nylon par exemple.
D'autre part, les pâtes papetières au bisulfite sont moins appréciées que les pâtes kraft aux meilleures caractéristiques mécaniques.
Enfin, la demande en pâte "fluff" [2] augmente considérablement. C'est la base même du matelas absorbant des couches pour bébés, des protections pour personnes incontinentes et des protections féminines externes. L'amélioration générale du niveau de vie, la longévité de la population qui s'accroît et la dynamique de la grande distribution font exploser la consommation.
On comprend dès lors qu'au début des années 1980 les dirigeants de l'usine de Tartas désirent investir pour conforter sa position sur un marché international fort concurrentiel. D'autant qu'avec 350 emplois directs, la "papète", comme on dit familièrement dans la région, est un élément capital du tissu économique local.
Cependant, la restructuration du groupe est en train de s'ébaucher. Outre la perspective de nationalisation de Saint-Gobain-Pont-à-Mousson [3] qui contrôle alors la Cellulose du pin, la spécialisation productive implique des opérations de concentration technique avec des conséquences géographiques.
Ainsi, la papeterie de Roquefort ayant été fermée en 1978, les activités de l'usine de Bègles, en proche banlieue bordelaise, éloignée du massif forestier et trop à l'étroit dans son emprise des bords de Garonne, sont destinées à être transférées à la puissante usine de Facture, à Biganos (à deux pas du Bassin d'Arcachon). La géographie "papetière" des Landes de Gascogne, esquissée avec intelligence par les milieux de la sylviculture entre les années 1920 et 1940, s'en trouve donc modifiée, puisque de 5 usines (Bègles, Facture, Mimizan, Roquefort, Tartas), on passe à trois (Facture, Mimizan, Tartas). Loi darwinienne du capitalisme et problèmes concrets de reconversion des sites...
Ultérieurement, l'usine de Tartas, tout en continuant la fabrication de "fluff", change de mains et de raison sociale. En 1994, après une fracassante annonce de fermeture du site par le groupe Saint-Gobain, Cellulose du Pin-Tartas devient Tartas.
Les nouveaux actionnaires canadiens, Cascades et Tembec, décident d'une augmentation de capacité de production et d'une nouvelle diversification. En 1999, Tembec achète la participation de Cascades (50%) et devient ainsi actionnaire unique de Tartas. L'usine est désormais connue sous le nom de Tembec Tartas, loin de Temiscaming, le berceau québécois (Abitibi) du nouveau propriétaire, groupe apparu au début des années 1970.
[1] Apparue dans les années 1890, la viscose ou soie artificielle est un textile végétal au départ, puis obtenu par la chimie de synthèse. Il a été connu sous le nom de rayonne ou de fibranne et entre aussi dans la composition de la cellophane largement utilisée dans les emballages alimentaires.
[2] Parmi les pâtes chimiques, la pâte fluff (d'origine anglaise, au sens de "doux, laineux, léger, pelucheux") est une pâte de bois qui, à la différence des autres pâtes, mécaniques ou chimiques comme le papier kraft par exemple, n'est pas transformée en feuille. C'est une matière première qui subit un défibrage avant d'être associée à d'autres matériaux (plastique, non-tissé, produits rétenteurs, élastiques, colles...) pour former un produit d'hygiène absorbant.
[3] Effectivement nationalisé de 1982 à 1986,