La cornemuse landaise
Notice
Interview radiophonique d'un jeune passionné de cornemuse landaise, à Morcenx, qui présente cet instrument traditionnel fait de peau d'agnelle ou de chevreau, de buis et de roseau.
Éclairage
Généralement appelée "boha" ou "bouha" (du gascon "bohar" qui signifie "souffler"), la cornemuse landaise fait partie des emblèmes de la culture traditionnelle landaise et, plus largement, gasconne. En témoigne le soutien apporté par le Conseil Général des Landes à diverses initiatives ayant trait à l'instrument, parmi lesquelles un colloque national en mai 2006 à Hastingues [1], ou la production d'un disque édité par Agorila [2]. Après un progressif déclin, la boha est tombée en désuétude à la fin des années 1940 [3]. Elle a été réhabilitée par une poignée de passionnés à partir des années 1970, et depuis dignement représentée par l'Association des Bohaires de Gasconha, comme au sein du Conservatoire des Landes.
Les caractéristiques de la cornemuse landaise
La boha se distingue des autres cornemuses françaises, sur 3 points : la présence de 2 tuyaux parallèles sur une même pièce de bois (le pihet), l'usage de anches simples (au lieu des anches doubles), un tuyau d'accompagnement qui permet d'osciller entre deux notes (un "bourdon variable" au lieu d'un simple bourdon) [4].
La boha est constituée de 4 parties : la poche, le bohet, le pihet, et le brunider. La poche (ou sac) est traditionnellement fabriquée à partir d'un chevreau, qui a été pelé de manière à réduire le nombre de coutures à effectuer. Sa capacité est de 8 à 15 litres. Le porte-vent de la cornemuse (le tuyau par lequel l'air est insufflé dans le sac) est appelé "bohet" ; il est traditionnellement taillé dans une pièce de buis et parfois décoré par des incrustations de métal. Ce dernier renferme une valve de cuir qui empêche l'air de prendre le chemin inverse. Le pihet (ou pilhet) est constitué d'une pièce de bois parallélépipédique dans laquelle ont été percés 2 tuyaux parallèles. C'est dans la partie supérieure de ces tuyaux (la plus éloignée de la poche) que se situent les anches simples en roseau, mises en vibration par l'air expulsé de la poche. L'un des deux tuyaux sert à jouer la mélodie : il compte plusieurs trous de jeu (5 ou 6 traditionnellement) sur une face, un autre sur l'autre face (actionné par le pouce). L'autre tuyau correspond à l'accompagnement : il comporte un seul trou de jeu, qui permet de jouer 2 notes alternativement, selon s'il est obturé ou pas par le doigt du bohaire. Le brunider (ou brunidè) est une pièce de bois mobile située dans le prolongement du tuyau d'accompagnement, et qui permet de changer l'accord de ce dernier (selon s'il est mis ou enlevé, pour les modèles anciens). Les bohas du début du XXe siècle ont une tessiture de septième ; elle a été étoffée sur les modèles plus récents, où elle dépasse légèrement l'octave [5].
Ses origines et son implantation territoriale
Comme pour une grande partie des instruments traditionnels, il est difficile de déterminer avec précision les origines de la boha. L'une de ses plus anciennes représentations apparaît sur un chapiteau de l'Eglise d'Arx en Gabardan, daté de 1522, mais les premiers témoignages écrits et les plus anciens exemplaires de bohas retrouvés (une quinzaine) datent du XIXe siècle.
Son usage est notamment documenté par le folkloriste Félix Arnaudin (1844-1921) au tournant du XXe siècle, ainsi que Gabriel Cabannes (1866-1958) dans les années 1930 [6]. Les connaissances ont été complétées dans la dynamique du revivalisme des années 1970, par le biais de nouvelles campagnes de collectage et d'étude d'instruments anciens.
Il apparaît que, avant que sa pratique tombe en désuétude, la cornemuse landaise était pratiquée par des membres de la société rurale : paysans, bergers ou artisans. Le plus souvent les jeunes bohaires fabriquaient eux-mêmes leur instrument, suivant les indications de leurs aînés. La boha se suffisait à elle-même : elle était jouée principalement en solo, plus rarement à plusieurs à l'unisson. Elle était associée à la danse, dans le cadre quotidien comme à l'occasion des bals : elle y interprétait rondeaux, congos, scottishs, valses et polkas.
D'après les recherches effectuées par l'ethnomusicologue Lothaire Mabru [7], l'aire géographique de diffusion de l'instrument et de sa pratique a couvert l'actuelle forêt des Landes de Gascogne, soit une partie des départements du Gers (le nord-ouest), de la Gironde (sa partie Sud), des Landes (assez largement) et de Lot-et-Garonne (l'ouest). On peut néanmoins supposer que cette aire a varié au cours du temps. (Voir Le centre Lapios)
[1] Colloque national "La cornemuse landaise" tenu à l'Abbaye d'Arthous à Hastingues les 20 et 21 mai 2006.
[2] Cornemuses landaises, Agorila, 2008.
[3] Ceux qui passent pour les derniers dépositaires de la tradition, Justin "Jeanty" Benquet et Jean Germain Lestage, se sont éteints respectivement en 1957 et 1953.
[4] Un "bourdon" est une note tenue "par dessus" laquelle la mélodie est jouée. Ce procédé est caractéristique du son de la cornemuse (comme la vielle à roue).
[5] La "tessiture" est l'étendue entre la note la plus grave et la plus aigue pouvant être jouées par l'instrument.
[6] ARNAUDIN, Félix, Chants populaires de la Grande-Lande, Paris :H. Champion, Bordeaux : Peret & fils, Labouheyre : éd. P. Lambert, 1912.
CABANNES, Gabriel, Galerie des Landais, Hossegor : éd. David Chabas, 1930.
[7] : MABRU, Lothaire, "La cornemuse des Landes de Gascogne", Les Cahiers du Bazadais, n°74, Les Amis du Bazadais-Centre Lapios, 1986.