La carrière de la Kabylie
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Résumé
A Voutré, la carrière de la Kabylie est au cœur d’une pièce de théâtre interprétée par ses habitants sous la direction de Mireille Perrier. Entre répétition et essayage de costumes d’époque, comédiens et auteure s’affairent jusqu’à la représentation, pendant que Jacques Cousin, coauteur du texte, présente l’extérieur de la carrière, toujours exploitée.
Date de diffusion :
16 juin 2011
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Contexte historique
ParDirecteur des archives départementales de la Mayenne
Faire « carrière » en Mayenne est chose aisée : situé aux confins du Massif armoricain, tout près du Bassin parisien, le département repose sur un sous-sol géologique propice à l’extraction de pierres et à de solides constructions architecturales. En effet le quart nord-est, qui marque le point culminant de tout l’Ouest de la France (416 m), est constitué de collines et petites montagnes (200 à 300 m) de grès et de schistes, roches résistantes. Le relief du quart nord-ouest présente des massifs moins élevés (150-250 m) et plus arrondis, en granite, qui annoncent ceux que l’on trouve en Bretagne. La moitié sud voit son paysage alterner entre quelques reliefs marqués aux portes de la Bretagne (La Pellerine, Juvigné) et des bassins (Évron) ainsi que des vallées qui ne dépassent pas 200 m, puis 100 m à partir de la plaine de Laval et jusqu’à l’Anjou. Ces conditions géologiques favorables, complétées par la présence de la rivière Mayenne au cours nord-sud, expliquent le nombre et la variété des carrières de pierre dans le département. Ce reportage diffusé sur France 3 à la toute fin du printemps 2011 dans le journal télévisé régional du soir illustre, sur un temps court d’à peine 2 minutes, trois aspects de la question : les origines de la carrière de la Kabylie à Voutré au milieu du XIXe siècle, les efforts des habitants pour entretenir la mémoire du lieu un siècle et demi plus tard, l’actualité d’un site industriel toujours exploité.
Dès le Moyen-Âge, la rivière Mayenne permet le transport de calcaire angevin de construction jusqu’à Château-Gontier et Laval. Au XVIIe siècle, l’architecture catholique baroque se développe en réaction à la piété protestante et prend la forme de retables, particulièrement par des sculpteurs lavallois qui travaillent la terre cuite (à base d’argile) pour les statues, ainsi que le marbre rouge (de Saint-Berthevin) ou noir (d’Argentré, de Grenoux ou de Sablé). Plus encore, au XIXe siècle, l’industrialisation donne une nouvelle dimension aux carrières mayennaises en leur donnant de nouveaux outils d’extraction et en leur ouvrant le marché parisien, en plein essor. Ainsi le marbre gris ou rose de Bouère est-il utilisé au Sacré-Cœur et à la gare St-Lazare. Les ardoisières angevines s’étendent dans le sud de la Mayenne, à Renazé notamment, tandis que houille et charbon sont exploités dans le bassin de Laval. À la toute fin du XIXe siècle, on découvre de l’antimoine et même des filons d’or au Genest (aujourd’hui Le Genest–Saint-Isle). C’est dans ce contexte florissant qu’un massif de porphyre est ouvert à l’exploitation en 1858 à Voutré. Il reçoit rapidement le nom de « carrière de la Kabylie », non pas parce que des travailleurs Nord-Africains y auraient été employés, mais soit en raison du relief évoquant les environs de Tizi Ouzou, soit en référence à la conquête et à la colonisation en cours en Algérie depuis 1830. L’ouverture de la liaison ferroviaire entre Paris-Montparnasse et Laval (1855), desservant la gare de Voutré, offre des perspectives nationales à la Kabylie, au point que le baron Haussmann, alors préfet de Paris, fait appel à cette pierre mayennaise pour bâtir les Grands Boulevards qui l’ont rendu célèbre. Néanmoins les conditions de travail, comme dans les autres carrières et mines à l’époque, sont difficiles. Pour cette raison sans doute, pendant la Première Guerre mondiale, la carrière abrite des prisonniers de guerre allemands. À partir de 1917, elle devient même un bagne pour 250 déserteurs et mutins français condamnés par les tribunaux militaires. S’adonnant, pour surmonter les conditions de vie difficiles, à la caricature et à l’écriture de textes anarchistes, ils sont surnommés « les Joyeux de la Kabylie ».
En 2011, la comédienne Mireille Perrier a coécrit une pièce de théâtre retraçant l’histoire de la carrière et du village. Comme d’autres pièces à Athée (voir Les trente ans des noces d’Athée ou Meslay-du-Maine (voir Une veillée à l'ancienne à Meslay-du-Maine), celle de Mireille Perrier a été mise en scène et jouée par des habitants : 24 Voutréens âgés de 8 à 82 ans. Tout n’a pas été simple, le défi majeur consistant à donner l’illusion de liens familiaux entre des comédiens amateurs.
Jacques Cousin, enseignant, historien et écrivain installé à Voutré, évoque enfin l’actualité de la carrière. Loin d’avoir périclité comme les mines de charbon et d’autres carrières au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la Kabylie de Voutré emploie alors 70 personnes et est l’une des plus importantes carrières de France, avec 3 millions de tonnes de pierre extraite chaque année. Cela fait écho à la cimenterie de Saint-Pierre-La-Cour, à l’ouest de Laval, elle aussi l’une des plus vaste d’Europe. Au tournant des décennies 2010 et 2020, la carrière bénéficie de nouveaux atouts et se trouve confrontée à de nouveaux défis. D’un côté, la ligne à grande vitesse (LGV) raccourcit les délais d’acheminement des matériaux de construction ; de l’autre la pollution induite par les mines et carrières nécessite une réponse rapide et efficace (dioxyde de carbone de la cimenterie à Saint-Pierre-La-Cour, sols contaminés au Genest–Saint-Isle).
Bibliographie
Voutré et sa carrière (sources)
- Arch. dép. Mayenne, MS 80/3-11 : M. Genin (instituteur), Monographie de la commune de Voutré, 1899, fol. 1v, 7v-8v [https ://archives.lamayenne.fr/archives-en-ligne/ark :/37963/r288679v2sfk/f2 ?context=ead : :FRAD053_2NUM026_RM_de-268].
- Arch. dép. Mayenne, 27 Fi 1 : Fonds iconographique des Joyeux de Voutré, 1918-1919 [https ://archives.lamayenne.fr/archives-en-ligne/ead.html ?id=FRAD053_027FI_RN&c=FRAD053_027FI_RN_e0000020].
Voutré et sa carrière (bibliographie)
- « Voutré / Géographie physique », Alphonse Angot, Dictionnaire historique, topographique et biographique de la Mayenne, Laval, Albert Goupil, 1900-1910, t. 3 [https ://angot.lamayenne.fr/notice/T3C22_COMM0130].
- Jacques COUSIN, « Une carrière et des hommes : la Kabylie à Voutré », L’Oribus, 1986, 86 p. [Arch. dép. Mayenne, MC 118 et CD 51]
- Jacques Cousin, « Des "}}joyeux{{quot; aux carrières de la Kabylie », L’Oribus, n° 24 (novembre 1987), p. 37-60 [Arch. dép. Mayenne, BC 101-1987-24].
- « Voutré / Carrières », Le patrimoine des communes de la Mayenne, Paris, Flohic, 2002, t. 1, p. 375 [Arch. dép. Mayenne, MB 347/1].
- Jacques COUSIN, « La carrière de la Kabylie à Voutré. Modernisation de l'outil de production en 1931-1932 », Maine-Découvertes, 2007, n° 55, p. 35-37 [Arch. dép. Mayenne, BC 170-2007-55].
- Jacques COUSIN, « Une carrière et des carriers : la Kabylie à Voutré », La Mayenne : archéologie, histoire, 2008, n° 31, p. 118-137 [Arch. dép. Mayenne, BC 78-64].
- Jacques COUSIN, Un rital aux carrières de Voutré. Mystère en Kabylie, Brissac-Quincé : Éditions du Petit Pavé, 2007, 279 p., [Arch. dép. Mayenne, MB 452].
- Jacques Cousin et Mireille Perrier, La mémoire de Voutré (pièce de théâtre), 2011.
- Jacques COUSIN, Camille et le mystère des poilus de la carrière de Voutré : le poids des secrets de famille, Saint-Jean-des-Mauvrets : Éditions du Petit Pavé, 2015, 283 p. [Arch. dép. Mayenne, MB 498].
- Jean-Philippe Defawe, « Mayenne : la carrière de Voutré mise sur le double-fret ferroviaire », Le Moniteur, 26 novembre 2021 [https ://www.lemoniteur.fr/article/mayenne-la-carriere-de-voutre-mise-sur-le-double-fret-ferroviaire.2177367].
- Jean STEUNOU, « 1854 : Le curé Renaudeau, Voutré et l'arrivée du chemin de fer », L’Oribus, n° 112 (décembre 2021), p. 31-42 [Arch. dép. Mayenne, BC 101-2021-112].
Les ardoisières de Renazé
- Arch. dép. Mayenne, 234 J 1 à 548 : Fonds de la Société ardoisière de l'Anjou, exploitation de Renazé (1852-1960).
- Arch. dép. Mayenne, 372 J 1 à 6 : Fonds de la Société Ardoisière de la Rivière (1863-1868).
- Évelyne ERNOUL, Du pays bleu aux portes du Maine : notre passé a encore de l'avenir…, Craon : Éditions Tourisme en Pays de Craon, 2019, 141 p. [Arch. dép. Mayenne, MB 557].
- Évelyne ERNOUL et Nicole FOSSE, Les cités de la mémoire ardoisière. Témoignages et paysages, Craon : Éditions Tourisme en pays de Craon, 2020, 137 p. [Arch. dép. Mayenne, MB 589].
La mine d'or et d'antimoine de la Lucette
- Henri HERRENSCHMIDT, Sur l'existence de quelques minerais dans le département de la Mayenne, Laval : Albert Goupil, 1900, 15 p. [Arch. dép. Mayenne, MF 498].
- Daniel OEHLERT, « Sur les minerais de fer ordoviciens de la Basse-Normandie et du Maine », Comptes rendus des séances de l'Académie des Sciences, 1908, t. 146, p. 515-517 [Arch. dép. Mayenne, MF 1191].
- Régis SERMENT, « La mine d'antimoine et or de la Lucette : historique, état des connaissances sur les travaux d'exploitation », Chronique de la recherche minière, 1978, p. 35-52 [Arch. dép. Mayenne, MC 28].
- Alain BROUSSE, « L'ancienne mine de la Lucette dans la Mayenne », SAGA Information, n° 53 (décembre 1985), p. 14-16 [Arch. dép. Mayenne, MF 1562].
- Pierre-Christian GUIOLLARD, La mine d'or et d'antimoine de la Lucette, Bizanos : Bihet, 1995, 116 p. [Arch. dép. Mayenne, MC 231].
- Régis SERMENT, Lydie TOURET et Pierre-Christian GUIOLLARD, La mine d'antimoine et d'or de la Lucette : 100 ans d'activité industrielle, Paris : École des Mines, 1995, 43 p. [Arch. dép. Mayenne, MF 1699].
- Mines de la Lucette. 100 ans d'aventure industrielle au Genest-Sainte-Isle, Le Genest Saint-Isle : Mairie du Genest Saint-Isle, 1998, 11 p. [Arch. dép. Mayenne, MF 2116].
- Pierre-Christian GUIOLLARD, Mines d'or : petite histoire des grandes mines d'or françaises, Bihet, 1998, 238 p. [Arch. dép. Mayenne, HB 625].
- Jérôme TRÉGUIER et Stéphanie PRUVOT, « Or et stibine en Mayenne. La mine de la Lucette », Maine-Découvertes, 2008, n° 58, p. 47-52 [Arch. dép. Mayenne, BC 170-2008-58].
- Guillaume BOUNIOL, « En Mayenne, des sols contaminés autour de l’ancienne mine d’or de La Lucette », Ouest-France, 13 juin 2023 [https ://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/mayenne/en-mayenne-des-sols-contamines-autour-de-lancienne-mine-dor-de-la-lucette-33f84954-09f6-11ee-9bb1-5bd217959d48].
Les autres mines et carrières mayennaises
- Marie-Andrée CHAMPROUX, Les carrières de Chattemoue, conférence à la société d’Archéologie et d’histoire de la Mayenne, 10 avril 2010 [compte-rendu en ligne : https ://sahm53.fr/ ?page_id=1006].
- « En Mayenne. La nouvelle carrière du marbre de Bouère », Ouest-France, 14 octobre 2021 [https ://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/bouere-53290/en-mayenne-la-nouvelle-carriere-du-marbre-de-bouere-0cb373d8-213a-11ec-90ad-018971e69693].
- Émilie PLANTARD, « En Mayenne, la cimenterie Lafarge va capturer et stocker son CO2 », HitWest, 17 juillet 2023 [https ://hitwest.ouest-france.fr/en-mayenne-la-cimenterie-lafarge-va-capturer-et-stocker-son-co2].
Transcription
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