Le Musée vivant de l’école publique à Laval
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Résumé
Extrait de l’émission En Flânant au musée de l’école publique de Laval. Assis à une table d’écolier de la salle de classe, Roger Gicquel s’entretient avec Jacques Cousin, directeur d’école et fondateur du musée, illustré par des tableaux pédagogiques accrochés aux murs et des objets d’époque.
Date de diffusion :
19 févr. 1994
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Contexte historique
ParProfesseur certifié d'histoire-géographie au collège Volney, Craon (Mayenne)
Cette vidéo de 8’54 est un extrait de l’émission En flânant avec Roger Gicquel sur France 3 Ouest diffusée le samedi 19 février 1994. La plupart de ces émissions duraient 58 minutes. Dans tous ces reportages, le rythme est lent, on prend le temps d’écouter les récits, les témoignages, les souvenirs des intervenants, ce qui est très agréable. C’est ainsi qu’on apprend beaucoup de choses en regardant la télévision ! Cette fois Roger Gicquel utilise le registre de l’humour (bonnet d’âne…). Son principal interlocuteur est Jacques Cousin fondateur en 1988 du musée vivant de l’école publique à Laval (8 impasse Haute-Chiffolière). Pour lui, le projet initial était de sauver tout un patrimoine venu d’écoles primaires de la Mayenne. On peut retrouver là toute une vie, on voit comment nos parents ont étudié, comment les travaux scolaires ont été orientés (préparation militaire pour les garçons jusqu’en 1920, le rôle de la France dans le monde…). Les enfants de la fin du XIXe siècle et ceux de la première moitié du XXe siècle devaient savoir lire, écrire et compter à la fin des classes primaires car ils partaient presque tous sur le marché du travail dès 12 ou 13 ans. Pour les visiteurs, il s’agit d’un retour ému en enfance pour les grands parents et une découverte éducative pour les écoliers actuels. Pour les enfants qui viennent dans ce musée, il n’y a pas que la découverte de l’école. C’est aussi celle d’un monde, par exemple sans chauffage central, sans ordinateur… Tout le matériel utilisé autrefois est bien présent : les meubles, l’affichage, les manuels scolaires, les objets utilisés comme le porte-plume ou l’encrier… Si 90 années ont passé entre 1880 et 1970, peu de changements sont intervenus ! Par contre, depuis les années 1970 que de changements ! Ce musée illustre de façon remarquable toute une époque. On peut effectivement s’associer à ce qui est dit : l’école de la IIIe République fait partie de nos racines. Peut-être manque-t-il une chose à la fois dans le reportage et dans le musée : les odeurs annonçant la fin de l’année scolaire. Tout d’abord celle de l’encaustique que l’on devait passer sur nos tables en bois, ensuite celle du tilleul qu’on allait cueillir dans l’arbre de la cour car on devait le vendre ensuite à droite, à gauche. Certains ont peut-être aussi connu l’odeur des cigarettes de l’instituteur, mais çà c’était toute l’année ! N’oublions pas non plus la remise des prix (des livres pour les prix d’excellence, prix d’honneur…) à la fin de l’année scolaire. Elle faisait suite aux notes et surtout aux classements dans chaque matière (dictée, rédaction, histoire, calcul…) et aux classements généraux tous les mois…
Mais revenons au principal intervenant de ce reportage : Jacques Cousin. Il est né en 1939 à Ernée. Instituteur, il a exercé comme remplaçant à Thévalles, à Courcité et à Colombiers-du-Plessis en 1963-1965, comme adjoint à Courcité en 1965-1969, comme directeur d’école à Cossé-en-Champagne en 1969-1975, à Voutré en 1975-1982, enfin à Ernée en 1992-1994. Entre temps, il fut déchargé car secrétaire de la section départementale du SNI (Syndicat national des instituteurs), puis du Syndicat des enseignants, membre de la commission administrative paritaire départementale et secrétaire général du Comité départemental d’action laïque. En 1992, il devient président du groupe de recherche sur le mouvement social en Mayenne qui publie le revue L’Oribus (voir vidéo : RXC02010709), en 1993 du Centre lavallois d’éducation populaire, en 1996 du comité départemental de la Jeunesse au plein air. Il a aussi été vice-président départemental de la MGEN (Mutuelle générale de l’éducation nationale). Il a rédigé des articles et des numéros spéciaux dans L’Oribus, il a publié deux recueils de cartes postales, publicités et photos anciennes sur Ernée et Villaines-la-Juhel. Ensuite, il a écrit une trilogie romanesque aux éditions Siloë à Laval entre 1995 et 1997. Enfin, il a rédigé une soixantaine de notices biographiques de militants enseignants pour Le Maitron (ou Dictionnaire biographique, mouvement ouvrier, mouvement social dirigé au début par Jean Maitron).
En 2023, les animations du musée vivant de l’école publique ont lieu sur rendez-vous : écriture au porte-plume avec l’encre violette, abécédaire au point de croix sur canevas, atelier origami… Le mardi 16 mai s’est déroulée l’activité « Passe ton certif ! » réservée aux classes de CM1-CM2 du département de la Mayenne. Sinon, le musée est ouvert les lundis et mercredis de 14h à 17h.
Bibliographie
Sites Internet :
- museeecole-laval53.fr
- amisdesmuseesdelecole.fr
- maitron.fr
Transcription
(Cliquez sur le texte pour positionner la vidéo)
Roger Gicquel
Eh bien je suis retourné à l’école et j’en suis ravi.J’ai, vous voyez, mon ancienne table avec le pupitre, le banc collé bien sûr à la table.J’ai ma scoliose hein.J’ai mon petit porte-plume avec l’encrier, il y a surement de la craie au fond, ça va faire des pâtés.J’ai évidemment à tout hasard mon bonnet d’âne.Je suis dans le musée de l’école publique à Laval.Et ce musée, et bien c’est à la fois très émouvant, on peut aussi avoir un regard moqueur, c’est surtout ça, mais on peut en tout cas féliciter ceux qui l’ont conçu et a priori Jacques Cousin.Vous êtes vous-même instituteur d’ailleurs, directeur d’école.
Jacques Cousin
Oui, je suis directeur d’école à Ernée depuis deux ans.Et puis, eh bien ma foi, je vais partir à la retraite au mois de juillet prochain.
Roger Gicquel
Et bien, qu’est-ce que vous avez voulu faire en créant ce musée ?
Jacques Cousin
Je crois, la première idée d'abord, ça a d’abord été de sauver un patrimoine.Un patrimoine qui est extrêmement précieux, extrêmement fragile.Et qui témoigne, tout au moins c’était notre sentiment, qui témoigne de toute une vie scolaire, qui est chargée d’histoires je crois par rapport à nos ancêtres, par rapport à nos grands-parents.
Roger Gicquel
Qu’est-ce qu’ils ont appris hein ?Comment est-ce qu’on les a éduqués ?Dans quelle direction ?Comment on leur a menti aussi ?
Jacques Cousin
Oui, et comment on a essayé d’orienter aussi leur éducation.C’est aussi une des choses qui est assez remarquable et que l’on perçoit très facilement lorsque l’on est à l’intérieur du musée.
Roger Gicquel
C’était dans un esprit de nostalgie ou bien au contraire pour que viennent se rendre compte les nouveaux instits, les nouveaux élèves, etc. ?
Jacques Cousin
Ça n’était pas dans un but de nostalgie.En fait, ça l’est aussi un petit peu lorsqu’on voit arriver notamment les grands-parents, les personnes âgées, et qu’elles pénètrent ici.On voit une petite larme qui coule parfois le long de la joue là.C’est assez très émouvant.Et puis aussi c’était pour montrer aux enfants de l’époque moderne comment nos parents, comment nos grands-parents ont vécu l’école il y a 80-100 ans.
Roger Gicquel
Alors, quelles sont leurs réactions justement ?
Jacques Cousin
Beaucoup d’incompréhension parfois.Ils n’arrivent pas à se mettre dans la peau de ces personnes-là.Lorsqu’on leur montre par exemple le poêle qui est au fond de la classe, eh bien ils ne réalisent pas puisque chez eux ils ont le chauffage central.
Roger Gicquel
Oui, oui, bien sûr.
Jacques Cousin
Et ils ne savent pas à quoi ça sert.
Roger Gicquel
Et alors quand ils voient tous ces tableaux-là, qui sont sur le mur, le tableau du système métrique.Ils n’ont pas ça aujourd’hui hein ?
Jacques Cousin
Non, non, mais c’est vrai qu’en regardant ces tableaux muraux, leur première réaction, je crois, c’est de voir de belles images.Ils voient de belles images, et effectivement ces tableaux sont remarquables au point de vue…
Roger Gicquel
Et c’était des outils pédagogiques hein ?
Jacques Cousin
Et c’était des outils pédagogiques très précis.Et construits véritablement dans un objectif très précis aussi.Il ne faut pas oublier qu’au début du siècle par exemple, l’alcoolisme causait des ravages considérables, la tuberculose causait aussi des ravages considérables et l’enseignement était d’abord fait pour combattre ces deux fléaux.
Roger Gicquel
On apprenait à lire et à écrire mais aussi…
Jacques Cousin
Compter.Compter, c’était les trois objectifs principaux.Il ne faut pas oublier que l’école avait comme finalité, c’était de préparer des enfants qui à 12 ans ou 13 ans, étaient destinés à s’en aller sur le marché du travail.C’était ça, donc il fallait préparer les enfants…
Roger Gicquel
Et très vite hein !
Jacques Cousin
Très vite, immédiatement.Donc les objectifs étaient totalement différents de ceux qu'ils sont actuellement.
Roger Gicquel
Voilà, et puis on apprenait même à une certaine époque… il y avait même ça, un fusil à l’école.
Jacques Cousin
Oui, oui.Alors ça, ça étonne…
Roger Gicquel
C’est un fusil en bois hein ?
Jacques Cousin
Oui, ça, c’était pour les plus jeunes.Mais pour les plus âgés il y avait également la carabine qui tirait à balles réelles.
Roger Gicquel
Alors ça, c’était après la guerre de 70.
Jacques Cousin
C’était un député qui s’appelait Déroulède qui avait décidé, qui a fait voter une loi rendant la préparation militaire obligatoire à l’école, et effectivement c’était fait dans le but de préparer la revanche après la défaite de 1870.Et en fait, dans les écoles primaires, cet enseignement était dispensé jusque vers les années 1920.
Roger Gicquel
On marchait au pas pendant la récréation.
Jacques Cousin
Oui.Mais il était créé des bataillons scolaires.Les enfants étaient organisés en bataillons scolaires et on apprenait à marcher au pas.On apprenait à manoeuvrer, à manipuler les fusils et à tirer aussi pour les plus âgés.
Roger Gicquel
Disons qu’ici là on est quand même dans une école des années 20 ?
Jacques Cousin
Oui, tout à fait.
Roger Gicquel
Combien d’élèves par classe ?
Jacques Cousin
Oh entre 50 et 60.
Roger Gicquel
Ah oui ?
Jacques Cousin
Entre 50 et 60 enfants.
Roger Gicquel
Ah oui ?
Jacques Cousin
Et alors effectivement dans certains villages il n’y avait pas suffisamment de place pour mettre tous les enfants à des tables telles que celle-ci, n’est-ce pas ?Et l’instituteur était obligé de disposer un certain nombre d’enfants le long des murs, sur des bancs.Et pour pallier, ben effectivement pour que les enfants puissent continuer à écrire, et bien on leur mettait sur les genoux un pupitre en peuplier en bois blanc.
Roger Gicquel
Ah ouais, une planche sur les genoux ?
Jacques Cousin
Voilà, c’est ça ouais.
Roger Gicquel
Bon, il y a des livres hein.Vous avez, non pas dans cette pièce mais dans une autre.Il y a quatre pièces dans votre musée ?
Jacques Cousin
Quatre pièces si on compte la bibliothèque oui.
Roger Gicquel
Il faut venir hein, c’est un trésor ici.J’allais dire c’est un puits de science.Il y a un trésor, il faut venir vraiment voir ça, il faut venir consulter.Alors quelle émotion !Les vieux livres !Les vieux livres de géographie, les livres d’histoire de France, ils vous disent que et bien nos ancêtres étaient les Gaulois comme vous le savez.Et que par exemple, je lis ceci dans un livre, oh assez récent finalement, que « braves mais désunis et indisciplinés les Gaulois sont incapables de défendre leur indépendance contre les Romains mais ils sont assez intelligents pour reconnaître qu’ils doivent à leur vainqueur deux bienfaits inestimables l’ordre et l’unité ».Voilà, fermer le banc !
Jacques Cousin
L’histoire à cette époque-là était orientée uniquement sur l’aspect guerrier en fait, l’aspect conquête.Et effectivement on privilégiait notamment le rôle de la France dans ces conquêtes.
Roger Gicquel
On était très national à l’école publique !
Jacques Cousin
Absolument.Tout à fait.
Roger Gicquel
On était même un peu raciste à certaines époques.
Jacques Cousin
Oui, et la défense de la patrie on la retrouve par exemple au travers de livres sur, comment dirai-je, de tableaux muraux sur la morale qui sont en soi tout à fait incompréhensibles en 1993 si vous voulez.On pourrait en rire effectivement alors qu’à cette époque-là ils étaient enseignés de façon, c’était vraiment très sérieux si vous voulez.
Roger Gicquel
Dites-moi, ce musée, pour finir, c’est l’expression d’une fidélité à l’école laïque non ?
Jacques Cousin
Absolument.
Roger Gicquel
Avec tout ce qu’on vient de dire, bon parfois un peu désagréable.
Jacques Cousin
Non, je crois que ce n’est pas désagréable, il faut se replacer dans le contexte de l’époque.Et on aurait tort d’en rire.On aurait tort d’en rire, ça illustre une époque qui serait incompréhensible maintenant effectivement.Mais ça illustre une époque.Et effectivement, on aurait tort d’oublier en fait nos racines.Je crois qu’on existe actuellement, uniquement au travers de nos racines.
Roger Gicquel
Une de nos racines c’est l’école.
Jacques Cousin
Absolument.
Roger Gicquel
Madame, avez-vous été une bonne élève ?
Inconnue
Il y a des questions qu’il ne vaut mieux pas poser.Je n’avais pas le temps.
Roger Gicquel
Non, mais vous avez été quand même inspectrice de l’enseignement.
Inconnue
Oui, oui, quand même, oui.
Roger Gicquel
Alors est-ce que vous, vous trouvez votre bonheur d’avoir inspecté tant de gens ?
Inconnue
Bien sûr, ils sont toujours là dans cette salle, les gens que j’ai inspectés.Et j’aime toujours tellement l’école que je suis restée au musée.Et que je peux y faire classe et animer des groupes quand les élèves viennent voir, posent des questions et raconter des histoires.Et puis on écoute les grands-parents raconter des histoires et puis on se raconte des histoires, et puis on découvre tous les jours des choses différentes, de ce qu’on a vécu et de ce qu’ils ont vécu.
Roger Gicquel
Et il vous arrive toujours pleins de choses, pleins de souvenirs.
Inconnue
Toujours.
Roger Gicquel
J’ai oublié de dire que tout ce qu’on a ici dans ce musée, je répète c’est très riche.Ça vient de la Mayenne, du département de la Mayenne.
Jacques Cousin
Absolument.
Roger Gicquel
Merci Jacques Cousin.
Jacques Cousin
Je vous en prie.
Roger Gicquel
Alors on est à l’école laïque, et maintenant où va-t-on ?Et bien à l’Église.
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