De terre et de bronze, Louis Derbré
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Rencontre avec le sculpteur Louis Derbré, tirée d'un reportage d'Henri Toulout. Entre son atelier d'Ernée, tout concentré à la réalisation de son oeuvre, et la campagne mayennaise qu'il parcourt à pied, le sculpteur se raconte, dévoilant ses racines terriennes et son parcours jusque Paris, où il est devenu artiste.
Date de publication du document :
01 sept. 2021
Date de diffusion :
15 nov. 1977
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Contexte historique
ParDirecteur des archives départementales de la Mayenne
Publication : 01 sept. 2021
L’Ernéen Louis Derbré est assurément, avec le Lavallois de naissance – puis Cosséen d’adoption – Robert Tatin, l’artiste contemporain mayennais le plus célèbre. Ils ont en commun d’avoir grandi dans des milieux modestes, d’avoir pratiqué la sculpture et d’avoir voyagé, ainsi que leur œuvre, dans le monde entier. Mais plusieurs points notoires distinguent leur parcours : Tatin a nourri son art par des études à Paris et a également été peintre, architecte et céramiste ; Derbré s’est adonné à la seule sculpture qu’il a apprise en autodidacte.
Le reportage, dont est présenté ici un extrait, met en lumière cette trajectoire hors du commun d’un fils d’agriculteur devenu artiste. Le titre « De terre et de bronze » est à double sens : la terre désigne à la fois le sol du Nord-Mayenne cultivé par ses parents et l’argile longuement façonné à la main pour constituer le modèle autour duquel est cuit le moule qui servira à couler le bronze. La vie de l’agriculteur et celle de l’artiste sont moins opposées qu’il n’y paraît : l’un comme l’autre ont un grand sens de l’observation, portent un regard aiguisé sur la nature et le vivant qui les entourent. Leur main transforme très concrètement une matière brute en quelque chose de plus précieux.
Louis Derbré travaille aussi bien le bois que la pierre, le granit, le ciment et la résine, mais le plus souvent le bronze. Son œuvre, elle, est parfois délicate mais plus volontiers monumentale, comme La Terre – un titre en forme d’hommage – installée à Tokyo en 1972 et dupliquée à la Défense en 1978, haute de 9 mètres ! Les personnages sont parfois réalistes, mais aussi fréquemment étirés de manière expressive, en des silhouettes longilignes qui rappellent les bronzes du surréaliste Alberto Giacometti, actif du début des années 1920 au milieu des années 1960.
La vidéo fait honneur à son sujet artistique et bénéficie d’une réalisation soignée. Elle alterne sans précipitation et pendant 12 minutes (dont 5 sont présentées ici) des plans de trois types : 1/ vues d’atelier où sont exposées des œuvres achevées avec un habillage musical ; 2/ séquences silencieuses, également dans l’atelier, de l’artiste au travail en compagnie de ses modèles ; 3/ images de l’artiste dans sa campagne mayennaise natale, où il se livre sur sa vie. Le souci du détail transparaît dans les gros plans sur certaines étapes délicates de la création ainsi que dans l’habillage sonore, qui associe des pépiements ou des cris aux images de sculptures d’animaux.
Au moment du tournage, Louis Derbré est un artiste quinquagénaire bien installé. Il a quitté depuis 30 ans la ferme parentale pour Paris, où il a épousé Antoinette Cabrol. Un concours de circonstances, qu’il analyse à froid dans le reportage, l’a amené à rencontrer un petit groupe d’étudiants des Beaux-Arts et à faire ses premiers pas dans la sculpture, des premiers pas qui l’ont rapidement conduit à la reconnaissance. C’était le cul-terreux qui devenait artiste
, comme il le résume avec un rien d’ironie. Il a reçu ses premiers prix au début des années 1950, participé à sa première exposition grand public au début des années 1960 et exposé jusqu’au Japon au début des années 1970.
Son attachement à la Mayenne et la reconnaissance internationale se poursuivent après le reportage. À la fin des années 1980, il revient s'installer à Ernée. Sa fonderie d’art devient rapidement « l'espace culturel Louis Derbré » qui associe lieux d'exposition et centre de formation. En 1997, il est invité à ériger, dans les environs d’Hiroshima, un groupe de sculptures monumentales pour le mémorial de la Paix. Elles sont au nombre de six, et mesurent jusqu’à 5 mètres de hauteur : L'Avenir, La Tolérance, L'Espoir, Le Courage, La Construction et La Joie. Une copie des quatre premières est exposée à l’Espace Derbré tandis qu’une copie de la dernière se trouve place Jean-Moulin à Laval. La consécration se confirme en 2000, lorsqu’une grande exposition, place Vendôme à Paris, rassemble 35 sculptures de l’artiste de 75 ans, dont des bronzes gigantesques. Après sa mort survenue au cours de l’été 2011, sa fille Mireille crée et dote une fondation destinée à faire vivre l’espace culturel et à travers lui l’œuvre de son père. La Mayenne compte encore quelques sculpteurs en activité, par exemple : le Changéen Jean-Yves Lebreton, dit « Leb », dont l’univers animalier et coloré évoque celui de Robert Tatin, et le Lavallois Robert Lerivrain, dont le travail du bronze, l’observation des visages et le souci d’expressivité évoqueraient plus volontiers l’œuvre de Derbré.
Bibliographie
- Louis Derbré, exposition, 24 juin-15 septembre 1977, Laval, Publimp, 1977, catalogue de l’exposition au musée du Vieux-Château, Laval, 1977.
- Joël Surcouf, « L'innovation scientifique et culturelle en Mayenne, d'Ambroise Paré à Louis Derbré », Les Cahiers de l'Administration, 1993, p. 13-19.
- De terre et de bronze, photographies de Philippe Schaff, Saint-Cyr-au-Mont-d’Or, Shirine Éditions, 1998.
- Éliane Garot-Darbion, « Un mythe incarné entre force et fragilité : Louis Derbré », Maine-Découvertes, 2005, n° 44, p. 22-28.
- Corentin Poirier-Montaigu, « Entretien avec… Mireille Derbré, à propos de Louis Derbré », L’Oribus, n° 102, juin 2018, p. 57-60.
- Mireille Darré-Derbré, Derbré par sa fille, Roubaix, Impression directe, 2019.
Transcription
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