Conditions de vie dans un coron de Drocourt

27 septembre 1975
02m 25s
Réf. 00249

Notice

Résumé :

Visite d'une famille, les Agneret qui habitent un coron dans le quartier de "La parisienne" à Drocourt. Lui, travaille à la cokerie. Ils vivent dans un espace réduit avec 7 enfants, cependant ils ne souhaiteraient pas être logés dans un HLM malgré le confort restreint. Les enfants jouent dans la cour de la maison : à Drocourt, il n'y a pas de terrains de jeu, et pendant les grandes vacances, les enfants jouent dans la rue.

Type de média :
Date de diffusion :
27 septembre 1975
Source :

Éclairage

Le reportage est tourné au cours des dernières années d'activité de la mine, au moment où le choc pétrolier incitait à une reprise ponctuelle de la production. A travers le témoignage d'un ménage de mineurs, les Agneret, il montre l'inconfort des corons et la frugalité de la vie des mineurs et de leur famille. Avec leurs sept enfants, les Agneret qui n'ont pas quarante ans ne font pas exception, la fécondité des familles de mineurs est bien plus élevée que la moyenne. Les différences d'âge entre ces enfants paraissent très réduites. L'épouse qui consacre ses journées à ses enfants et à son foyer insiste sur l'absence d'aire de jeu. Le confort de la maison est minimal. On n'y trouve qu'une seule chambre dans laquelle la mère tient à séparer les garçons et les filles pour la nuit. La maison est dépourvue de salle de bain et la toilette se fait dans une cuvette. Il n'y a pas l'eau courante. C'est la corvée d'eau. Chaque coron regroupe une dizaine de logements et des équipement collectifs pour trente familles : une pompe à bras et un four à pain. Élever sept enfants dans ces conditions n'est pas chose facile.

Pourtant selon le mari, cette maison a été difficile à trouver et elle est plus grande que le logement antérieur. Attachés à leur indépendance et à la possibilité pour les enfants de jouer dans les cours de derrière sans avoir à descendre de l'appartement, les Agneret ont refusé un HLM à Douai, alors qu'il aurait été beaucoup plus confortable et spacieux. Cette famille est très attachée à sa maison. L'attachement du mineur à sa maison, le désir d'être chez soi, sont encouragés par le statut du mineur du 14 juin 1946 qui reconnaît aux actifs en charge de famille, pensionnés et retraités le droit au logement gratuit ou à une indemnité assurés par les Houillères (article 23).

L'absence d'aire de jeu pour les enfants les contraint à jouer dans la rue ou à l'arrière des maisons, au milieu du linge qui sèche. On aperçoit des garçons jouant au football dans la rue et d'autres jouant aux billes à l'arrière des maisons, des jeux de pauvres dans un environnement sombre. Le football anime la rue, les femmes sont sur le pas de leur porte et semblent attendre, elles sont sans doute intriguées par les caméras, quelques voitures sont garées. Dans cet univers, le partage des tâches et des jeux entre les garçons et les filles est rigoureux. Ici, aucune petite fille dans la rue, ni à l'arrière des courées. Doit-on conclure que les garçons sont dehors pendant que les filles sont à la maison ?

L'inconfort de l'habitat des mineurs, la vétusté de l'arrière des maisons, le muret est visiblement branlant et fait de bric et de broc, les jardins potagers ne sont pas entretenus, tout donne l'impression d'un abandon dont les enfants sont les premières victimes. Les Houillères, propriétaires des terrains et de l'ensemble des corons dans lesquels elles logent les mineurs depuis plus d'un siècle, sont responsables de cet abandon. La fin du charbon qui est annoncée depuis près de quinze ans n'a pas incité les Houillères à entretenir, ni à rénover ce patrimoine. Les différences entre compagnies en matière de logement sont considérables suivant les périodes et l'habitat minier reste d'une grande variété. Drocourt en tous cas ne parait pas tourné vers l'avenir puisque les enfants y sont sacrifiés.

Il faudra attendre le début des années 1980, pour que ces corons soient rénovés. Sous l'impulsion du maire de la commune de Drocourt, Monsieur André Pouly (maire de 1965 à 1995), se créée la Société anonyme d'économie mixte de Drocourt (SAEMD) dont ce dernier fut également président. Cette société a eu pour vocation dès cette période, la rénovation et ensuite la gestion de l'ancien parc immobilier des Houillères, voué à la destruction par les propriétaires de l'époque. Le fonctionnement de la SAEMD est aujourd'hui (2013) encore en activité.

Béatrice Touchelay

Transcription

(Bruit)
Journaliste
Troisième problème, les corons de Drocourt, l’amélioration de l’habitant ancien. Chez les Agneret au quartier de la Parisienne, on a hâte d’acquérir un peu plus de confort. Lui, il travaille à la cokerie, elle attend son septième enfant. On a l’impression que vous aviez été bien content de trouver ce logement finalement.
M Agneret
Ben oui, heureusement, parce que là où j’habitais, c’était trop petit pour moi.
Journaliste
C’est difficile de trouver un logement dans les corons ici ?
M Agneret
Ah, oui, c’est très difficile.
Journaliste
Madame Agneret, vous ne préfériez pas vivre dans un HLM plutôt que d’être ici ?
Mme Agneret
Non,non, ça ne m’intéresse pas, ça ne m’a jamais intéressée. On pouvait en avoir un à Hénin, mais je l’ai refusé avec mes enfants, parce qu’il faut tout le temps qu’ils restent en haut, l'peuvent pas descendre. Alors, moi, ça ne m’intéresse pas, je préfère mieux rester dans ma maison où que j'suis maintenant, je suis bien, je ne me plains pas et voilà c’est tout.
Journaliste
Cependant quand même, il y a un confort minimum ici, vous n’avez pas de salle de bains.
Mme Agneret
C’est ça qui nous manquerait, une salle de bains, pour les enfants, pour tout le monde, c’est ça qui nous faudrait.
Journaliste
Et les enfants, comment vous faites alors ? Vous mettez les filles d’un côté, les garçons de l’autre ?
Mme Agneret
Oui, les garçons de l’autre, je les sépare, filles, garçons.
Journaliste
Mais alors, où vont-ils jouer ?
Mme Agneret
Ben ici, pour l'instant ils vont jouer dans la cour.
Journaliste
Derrière ?
M Agneret
En attendant.
Mme Agneret
Mais moi je dis pour les enfants, quand ils sont en grandes vacances, il n’y a pas de terrain de jeu. Comme il y a un terrain derrière qui est non utilisé, on pourrait construire un petit jeu pour les enfants pour les grandes vacances. Moi je trouve ça normal, parce qu’il n’y a que la rue pour jouer, alors je trouve que pour les enfants, c’est pas un lieu pour les grandes vacances.
Journaliste
Ils passent leur mercredi, leur samedi, leur dimanche dans la rue ?
Mme Agneret
Moi ça ne me gène pas, j'pourrais pas de les savoir dans la maison, alors pour un gosse c'est pas une vie.
Journaliste
La transformation de ce cadre de vie, seules les Houillères nationales en sont responsables. Elles sont ici propriétaires de tout. Maison et jardin leur appartiennent, et le confort, nous l’avons vu, est minimum. Sans l’effort des Houillères, rien n’est possible à Drocourt pour améliorer la qualité de la vie.