La gestion de l'argent du ménage par les femmes de mineur
Notice
La paye du mineur est donnée par quinzaine en fonction du rendement et du poste. Un jeune galibot ne touche pas grand-chose. A l'image de la famille Flahaut, ce sont les femmes qui viennent chercher la paye et qui redistribuent ensuite l'argent de poche à chacun.
Éclairage
L'organisation du travail au fond du puits est fortement hiérarchisée, les mineurs sont payés à la tâche, par quinzaine et selon leur position hiérarchique. Le galibot gagne le moins, autour de 48 000 francs nets, le meilleur abatteur peut toucher jusqu'à 69 000 anciens francs et c'est le porion (chef d'équipe) qui évalue les rendements de chacun et fixe le montant de la paie. Le salaire est versé en espèces, directement à des guichets ouverts dans l'enceinte de la mine. Les femmes de mineurs, dont la fonction est de gérer le budget comme dans l'ensemble des ménages ouvriers, vont souvent chercher la paie pour éviter, comme c'est dit ici, que les maris ne soient tentés de la dépenser trop vite. Les jours de paie interrompent la monotonie de la vie du coron et, sans apporter l'aisance, ils y introduisent un vent de consommation. Le budget du mineur et de sa famille est étriqué. Les avantages en nature acquis depuis le statut de 1946, le logement et le charbon en particulier, ne compensent pas toujours la faiblesse du salaire du mineur. Le ménage de mineurs est obligé de compter, de "faire attention", de ne pas dépenser plus qu'il ne rentrera chaque quinzaine. La partie variable de la paie qui est imprévisible renforce cette précarité.
Dès qu'elle est mariée, la femme ne travaille plus. Elle connaît la mine comme l'indique ce reportage pour y avoir travaillé un temps et y avoir rencontré son futur époux, mais le mariage met un terme à toute activité professionnelle rémunérée. Occupée par sa nombreuse descendance, gestionnaire de l'argent du ménage, elle est aussi chargée des courses, de la préparation des repas, de la lessive et de l'entretien du foyer, ce qui suffit largement à remplir des journées. Ces journées sont rythmées par la mine, elles sont identiques chez toutes les femmes de mineurs et elles commencent tôt avec la première embauche.
Le jour de la paie, des magasins ambulants s'installent dans le coron et changent sa physionomie. Les boutiques peu fréquentées en dehors de cette période connaissent une affluence ponctuelle. Le boucher affûte son couteau, les balances s'activent. L'épouse, mère de famille, fait les courses et distribue l'argent de poche selon des codes rigoureux, le plus jeune des fils reçoit 500 francs et le mari mineur 1 500 francs. Si l'usage de cet argent est laissé libre, la mère précise bien qu'il n'y aura aucun complément et qu'il faudra tenir avec cette somme jusqu'à la prochaine paie. L'heure n'est pas à l'opulence.
L'obligation de payer les salaires par virement qui résulte des accords de Grenelle et des négociations de l'après mai 1968 s'imposera très lentement dans les mines attachées à cette organisation du paiement de la quinzaine.