Une concentration : le 3-15 de Courrières
Notice
L'ensemble des puits du groupe d'Hénin-Liétard va subir une opération de concentration autour des puits 3-15 à Méricourt. Monsieur Queuillet, directeur de l'exploitation en définit le principe. Il s'agit de rassembler sur deux puits toute l'exploitation de six puits. Il présente sur un panneau le futur ensemble. Le but est d'améliorer les rendements et la croissance de la production.
Éclairage
Le document oppose l'avenir "immuable" du paysage aux changements qui s'opèrent dans le sous-sol du Groupe d'Hénin-Liétard en 1968. Le directeur de l'exploitation du site, assez officiel, explique qu'il s'agit en l'occurrence de passer de six puits à deux, de réunir l'exploitation sur les puits 3 et 15.
Le forçage de la fosse 3 à Méricourt est entrepris en août 1858 par la Compagnie des mines de Courrières et celles du 15 en 1905 juste avant la terrible catastrophe de 1906 qui a vu périr 507 mineurs rien que pour ce puits. La Compagnie des mines de Courrières est nationalisée en 1946, et intègre le Groupe d'Hénin-Liétard. Le titre de ce document indiquant "3 de Courrières" évoque l'origine de la fosse et renvoie à la catastrophe dite "de Courrières". Trois mois après la diffusion de ce reportage, le 1er juillet 1968, le groupe fusionne avec celui d'Oignies pour former le Groupe Centre-Ouest.
La nationalisation des mines a été portée par des objectifs différents : des objectifs politiques en donnant plus de pouvoir aux ouvriers et moins aux patrons ; des objectifs sociaux qui débouchent sur le Statut des Mineurs ; des objectifs nationaux à la recherche de l'indépendance énergétique ; mais aussi des objectifs économiques. La nationalisation rime avec la rationalisation. Or les concentrations sont un aspect très important de la rationalisation de l'exploitation.
La concentration consiste à rassembler l'extraction du charbon sur un minimum de fosses. Chaque siège d'extraction où le charbon est transporté à la surface s'accompagne de puits secondaires qui servent à descendre le matériel et les hommes (puits de service) et à l'aérage des galeries (puits d'aérage). La concentration a un inconvénient : elle rallonge les distances des transports souterrains, mais ceci est compensé par l'introduction de transports plus rapides. Elle permet par ailleurs de réduire les coûts d'extraction et d'améliorer le rendement général de la mine. Le terme du processus peut être un seul siège d'extraction par bassin comme cela a été le cas aux Houillères du Bassin du Centre Midi à Gardanne avec la création du "Grand ensemble Morandat" au début des années 1980.
A l'époque des compagnies privées, la concentration se réalisait au gré des alliances ou des rachats entre les entreprises capitalistes. Avec la nationalisation de l'ensemble des charbonnages et la création de Charbonnages de France (CdF) avec son organisation en bassins, la concentration peut être pensée à long terme pour chaque bassin. C'est une démarche dans laquelle les ingénieurs des Mines ont une très grande compétence et qu'ils exercent avec beaucoup de satisfaction.
A la question que le directeur se pose à lui-même : y a-t-il contradiction entre cet investissement et "la menace de récession qui, nous dit-on, pèse lourdement sur l'avenir du charbon ?" (on remarquera le déni de la récession : "nous dit-on"), il répond avec prudence que le rythme de la récession est nécessairement différent selon les exploitations. Il s'agit donc de prolonger la longévité de cette exploitation du Bassin des Houillères du Nord-Pas-de-Calais. Elle durera 20 ans : en 1983 la fosse 3 cesse l'extraction qui est reprise par le 4-5, le puits 15 est alors remblayé puis le 3 l'est cinq ans plus tard, en 1988, à la fermeture du 4-5.