François Mitterrand sur le choc pétrolier

20 novembre 1974
03m 40s
Réf. 00105

Notice

Résumé :
En visite à Faulquemont (Lorraine), François Mitterrand fait le bilan de la crise du charbon et déplore, dans le contexte du premier choc pétrolier, que la croissance de l'utilisation du pétrole dans les années 1960 ait nuit aux productions nationales d'énergie et à la constitution d'énergies alternatives.
Date de diffusion :
20 novembre 1974
Source :
ORTF (Collection: Lorraine soir )
Personnalité(s) :

Éclairage

La France subit de plein fouet le renchérissement de la facture énergétique consécutive au premier choc pétrolier. Depuis octobre 1973 et la guerre du Kippour, les pays arabes de l'OPEP (organisation des pays exportateurs de pétrole) ont décidé un quadruplement des prix du baril. Ils entendent ainsi dénoncer d'un même élan le soutien des puissances occidentales à Israël et les contrats d'exploitation de leurs champs pétrolifères qu'ils jugent trop profitables aux compagnies occidentales qui les exploitent.

Dans ce contexte, le premier secrétaire du parti socialiste François Mitterrand, en déplacement en Lorraine dans les houillères de Faulquemont, déplore l'abandon du charbon au cours des dernières années. Il est vrai que depuis les années 1950 et l'avènement d'un pétrole bon marché, le charbon est en crise. Conjoncturellement, il est soumis à cette vive concurrence du pétrole. Ainsi, à l'échelle de la communauté européenne, la part du charbon dans l'énergie consommée est passée de 74 à 28 %, pendant que celle du pétrole passait de 10 à 56 %, entre 1950 et 1968. À cette crise s'ajoute des facteurs structurels, liés à la concurrence du charbon américain. En effet, celui-ci devint de moins en moins cher grâce à l'allègement du prix du fret et fait concurrence aux charbons français et européens. L'accumulation des stocks entraîne la fermeture de nombreuses mines de charbon en France comme en Belgique et en Allemagne, et le chômage de nombreux mineurs.

Devant les salariés de ce secteur sinistré, François Mitterrand pointe l'influence des grandes compagnies pétrolières sur les gouvernements conservateurs des années 1950 et 1960 et regrette l'absence de protection accordée aux charbonnages français face à cette double concurrence, de même que les difficultés auxquelles la France fait face, dans son incapacité à trouver des sources d'énergie alternatives au pétrole.
Vincent Duchaussoy

Transcription

(Silence)
François Mitterrand
Il s’est constitué de, de nouveaux seigneurs, maîtres de puissantes sociétés qui sont devenues des sociétés internationales. Alors vous savez, ces sociétés, elles ont eu une stratégie. Et la stratégie a été d’abord de liquider les sources d’énergies concurrentes, le charbon, de liquider tout ceux qui s’occupaient de pétrole mais qui n’étaient pas les grands, c’est-à-dire tous les petits intermédiaires, tous les moyens, tous les petits. Et d’empêcher en même temps, voyez comment cela va loin, non seulement ils ont voulu supprimer toute forme de concurrence, ruiner les chances de tous ceux qui vivaient de ce travail et de cette production, priver les pays dotés de charbon de la capacité d’avoir une production chez eux au lieu d’importer de l’extérieur, le pétrole ; mais en même temps, ils se sont attachés à détruire toute la capacité des renouvellements des formes d’énergies. Ce sont les grandes sociétés pétrolières qui ont empêché les gouvernements conservateurs qui étaient un peu trop à leurs ordres, de développer les formes modernes d’énergie. Ce qui arrive à Faulquemont est une illustration tragique d’une situation générale, qui veut qu’on a, sous l’influence des grands intérêts pétroliers, liquidé le charbon même lorsqu’il était compétitif, lorsque son extraction représentait un tonnage tout à fait comparable aux autres. Et lorsque sa qualité pouvait être, permettre toutes les applications industrielles. Même dans ce cas-là, on a fermé, on a fermé, on s’est précipité.
(Silence)
François Mitterrand
Mais croyez-moi, si le Gouvernement avait véritablement rempli son devoir, c’est-à-dire, s’il avait accepté un débat de fond, un débat général, pas simplement sur les rémunérations mais sur les conditions de vie et les conditions de travail. Voilà pourquoi je n’ai pas employé l’expression nouveau Grenelle moi, j’ai dit discussion générale. Parce que le contenu de cette négociation va bien au-delà. Il y a bien des conditions de travail et de vie qui ne sont pas coûteuses à remédier. Et pourtant, c’est la vie même des travailleurs qui est en cause. Pourquoi est-ce que le Gouvernement n’a pas cherché toutes les issues ? Rappelez-vous, au moment du conflit des mineurs, au temps du Général De Gaulle, une commission des sages avait quand même permis de déverrouiller le système.