François Mitterrand défend les nationalisations

24 septembre 1981
02m 53s
Réf. 00015

Notice

Résumé :
Extrait de la première conférence de presse de François Mitterrand. Le président revient sur les nationalisations, présentées comme un rempart contre les monopoles privés et la multinationalisation du capital, mais aussi comme un outil d'avenir permettant à la France de rester maîtresse de son industrie.
Date de diffusion :
24 septembre 1981
Source :
TF1 (Collection: JT 20H )
Personnalité(s) :

Éclairage

Au cours de sa première conférence de presse en tant que président de la République, François Mitterrand, quatre mois après son élection et trois mois après que les élections législatives lui ont donné une confortable majorité à l'Assemblée nationale, évoque sa conception des nationalisations, alors sur le point d'entrer en discussions au Parlement. Le débat sur les nationalisations a été amorcé dès 1972 avec la signature du programme commun de la gauche, dans lequel figurait une première liste des entreprises nationalisables et sera repris parmi les "110 propositions" du candidat Mitterrand en 1981 (21e proposition). Le projet de loi prévoyait de nationaliser cinq des principaux groupes industriels français (Thomson, Rhône Poulenc, Péchiney, Saint-Gobain, Usinor), mais aussi les trente-six premières banques privées de dépôt et deux compagnies financières, Paribas et Suez.

Marquant une des plus profondes transformations du tissu économique français depuis la Libération, les nationalisations se trouvent par conséquent au cœur du débat politique, l'opposition dénonçant une hérésie économique, voire un premier pas vers le totalitarisme. Pour le gouvernement, il s'agissait de reprendre en main les leviers de l'économie française, en s'assurant notamment la maîtrise du crédit via la nationalisation des banques. La culture politique de nombre de socialistes était en effet alors marquée par la crainte d'un "mur d'argent", c'est-à-dire d'une opposition à la politique menée par les milieux financiers. Les nationalisations industrielles, quant à elles, avaient pour but d'éviter la concentration du capital au sein de monopoles privés, afin de faire prévaloir l'intérêt général aux intérêts économiques et financiers des détenteurs de ces groupes. Elle est le prélude au programme de restructuration industrielle du gouvernement socialiste, dont l'objectif affirmé est de défendre une production - et donc l'emploi - nationale, la nationalisation écartant tout risque de transfert du capital dans des mains étrangères.
Vincent Duchaussoy

Transcription

Présentateur
Dans cette perspective d’avenir, l’économie tient évidemment une place majeure. Le Président de la République a profité de son intervention pour annoncer un certain nombre de nouvelles. Ainsi, relèvement du taux d’intérêt du livret A de caisse d’épargne de 7,5 à 8,5 %, création à Paris d’un centre mondial sur l’informatique, déménagement du Ministère des Finances pour rendre au Louvre sa vocation de musée, exposition internationale en 1989. Et puis, sur les grandes mesures du jour, le président de la République a surtout justifié les nationalisations qui sont dit-il l’arme de défense, l’outil du siècle prochain.
François Mitterrand
Eh bien oui Mesdames et Messieurs, l’idée que j’ai des nationalisations, correspond à une vue que j’ai, aussi, de la société moderne. Combien de journaux ont dit : "mais c’est un effet de l’idéologie !" ? Mesurons nos termes. Mais en tout cas, l’explication de la société en cette année 1981, plus d’un siècle et demi après le développement du capitalisme en France, avec les phénomènes d’accumulation et de concentration du capital, de la multinationalisation du capital, dans le monde où nous sommes ; tout cela nous conduit à considérer comme juste et nécessaire, qu’un certain nombre d’entreprises, soit devenues des monopoles, soit tendant au monopole, et fabriquant des produits nécessaires à la nation, soient comme on dit nationalisées; fassent corps avec la nation, qu’elles ne disposent pas d’un pouvoir économique et donc politique, qui leur permette de prévaloir sur les décisions de l’intérêt général, et pas davantage ayant aboli toute concurrence nationale au-dessous d’elles, d’être maîtresses du marché. Voilà une déclaration première. La deuxième, c’est qu'ainsi je pense que ces nationalisations nous donneront les outils du siècle prochain, et des 20 dernières années de celui-ci. Si cela ne se faisait pas, loin d’être nationalisées, croyez-moi, elles seraient rapidement internationalisées. Et je refuse une division internationale du travail et de la production décidée loin de chez nous, obéissant à des intérêts qui ne sont pas les nôtres.  Nous ne sommes pas un pion sur l’échiquier des plus puissants que nous. Il faut que ça soit clair, et les nationalisations sont pour nous, une arme de défense de la production française.