François Mitterrand et le Parti socialiste
Présentation
Le parcours de François Mitterrand est indissociable de l’histoire du Parti socialiste. Elu député en 1946 sous l’étiquette UDSR (Union démocratique et socialiste de la Résistance), il devient, au milieu des années 1960, la figure centrale de la gauche non communiste et participe activement aux tentatives de rassemblement des forces socialistes éclatées. A Epinay, en juin 1971, il prend la tête du Parti socialiste nouvellement constitué qu’il dirige jusqu’à la victoire de 1981. Devenu président, il se doit d’être au-dessus des partis politiques - c’est une des thématiques de la campagne pour sa réélection en 1988 - même s’il cherche parfois à influencer les jeux d’appareil du PS. Les derniers mois de son mandat sont marqués par une tournée des adieux aux socialistes, sorte de retour aux sources pour celui qui a transformé le PS en une machine à conquérir puis à exercer le pouvoir.
A la conquête du socialisme
De l’UDSR à la CIR : l’aventure solitaire
François Mitterrand, élu député de la Nièvre en 1946 à l’âge de 30 ans, adhère à l’UDSR qui se situe plutôt au centre gauche de l’échiquier politique et qu’il préside à partir de 1953. Il relate - en en gommant certaines facettes - son parcours politique sous la IVe République dans ce reportage datant des années 1970. Il cherche à le rapprocher de celui du mouvement socialiste.
Portrait de François Mitterrand avant les législatives
L’UDSR peine à s’adapter à l’arrivée de De Gaulle au pouvoir et Mitterrand connait une traversée du désert au début des années 1960, après l'affaire de l'observatoire notamment (voir ce document ).
Prenant acte de l’échec de l’UDSR, François Mitterrand fonde en 1963 le Centre d’action institutionnel qui devient en 1964 la Convention des institutions républicaines. Il s’agit d’un rassemblement de petits clubs politiques qui se multipliaient alors.
Le leader de la CIR et de la FGDS : les ferments de l’unité
L’élection présidentielle de 1965 est l’occasion pour François Mitterrand de présenter sa première candidature à l’élection présidentielle. Il prend alors, après le retrait de Gaston Defferre, la tête de l’union des forces de gauche dont une partie se rassemble alors dans la Fédération de la gauche démocratique et socialiste (FGDS).
Cette fédération, après des débuts prometteurs, explose en 1968, après l’échec des élections législatives consécutives aux évènements de mai 68 puis aux élections sénatoriales. François Mitterrand est mis en face de ses responsabilités et voit monter l’hostilité du principal parti de gauche non-communiste, le Parti socialiste-SFIO dirigé par Guy Mollet. Il démissionne de cette présidence en novembre 1968 et la FGDS périclite.
François Mitterrand et le socialisme, après l'échec de l'expérience de la FGDS
La prise de contrôle de l’appareil socialiste unifié : Epinay
François Mitterrand continue néanmoins d’œuvrer dans le sens de l’unification des forces qui se réclament du socialisme - il doit même justifier son appartenance à la mouvance socialiste -, mais il cherche surtout à éviter de voir son petit parti politique absorbé par la structure très organisée qu’est la SFIO.
Douzièmes assises de la Convention des institutions républicaines
L’élection présidentielle anticipée de 1969, suite à la démission de Charles de Gaulle, menace le processus d’unification pourtant avancé : la gauche se présente divisée.
C’est ainsi qu’en 1969, la CIR ne participe pas aux congrès d’Alfortville puis d’Issy-les-Moulineaux qui concrétisent la naissance d’un « nouveau Parti socialiste ». François Mitterrand s’en justifie au nom de divergences stratégiques.
François Mitterrand et le PS d’Issy-les-Moulineaux
La voie de l’unification reste cependant ouverte.
XVe assises de la Convention des Institutions Républicaines
Cette unification se concrétise lors du congrès d’Epinay-sur-Seine de juin 1971 qui voit la CIR rejoindre le Parti socialiste. Nouant différentes alliances, François Mitterrand en prend la tête en s’imposant face à l'ancienne direction d'Alain Savary, épaulé par Guy Mollet.
Congrès d’Epinay
Le premier secrétaire d'un PS revitalisé
Dominer l’appareil
La prise du contrôle sur le parti d’Epinay est d’abord fragile. François Mitterrand s’est allié à la fois à l’aile droite du parti - regroupée autour de Gaston Defferre - ainsi qu’aux plus contestataires comme Jean-Pierre Chevènement et son mouvement, le CERES.
François Mitterrand n’hésite pas à convoquer un congrès extraordinaire en 1973 alors qu’il a pu faire l’objet d’une relative contestation sur sa ligne européenne afin de montrer qu’il est seul maître à bord.
Ainsi, François Mitterrand renforce peu à peu son emprise sur le parti : les congrès de Grenoble, en 1973, ou de Pau, en 1975, le montrent.
Congrès du PS à Grenoble
Développer le parti
Maître de l’appareil socialiste, François Mitterrand impose la stratégie d’union de la gauche avec le Parti communiste, ce qui n’est pas sans créer des remous, avec pour ambition de faire du Parti socialiste la clé de la conquête du pouvoir par la gauche. Il défend ainsi sa ligne devant les socialistes réunis à Dijon en 1976.
Cette stratégie est à l’origine d’une progression électorale et d’un développement important des effectifs militants qui passent d’environ 80 000 en 1971 à 200 000 en 1981.
En 1974, après son score plus qu’honorable à l’élection présidentielle, François Mitterrand obtient également le ralliement de Michel Rocard et d’une partie des membres du Parti socialiste unifié lors des Assises du socialisme.
Assises du socialisme : Mitterrand-Rocard
Cette revitalisation du parti est également visible dans la stratégie de communication mise en avant par François Mitterrand qui choisit le logo officiel du parti, le poing et la rose
L’hymne Changer la vie, adopté en 1977, reflète l’optimisme du parti et sa jeunesse.
Faire face aux dissensions internes
La vitalité du parti, c’est également la vigueur de la démocratie interne, et par conséquent les contestations venues de l’aile gauche incarnée par le CERES dirigé par le turbulent Jean-Pierre Chevènement.
Le congrès de Nantes en 1977 vise à réguler ces tensions, en reconnaissant le rôle des courants mais en évitant qu’ils ne constituent des « partis dans le parti ». François Mitterrand présente ainsi le fonctionnement interne du Parti socialiste dans une longue interview.
Après Jean-Pierre Chevènement, la bête noire de François Mitterrand devient Michel Rocard. L’ancien leader du PSU constitue un redoutable concurrent. Après la défaite de la gauche lors des législatives de 1978, il se fait de plus en plus virulent à l’égard de François Mitterrand.
Le début du conflit Rocard-Mitterrand
Michel Rocard cherche à faire alliance avec Pierre Mauroy pour renverser François Mitterrand lors du congrès de Metz en 1979. Ce dernier s’impose néanmoins et devient le candidat victorieux à l’élection présidentielle de 1981.
Congrès de Metz
Le président nostalgique du PS
Un président au-dessus des partis ?
Devenu président, François Mitterrand se doit d’être garant de l’unité républicaine et se positionne institutionnellement au-dessus des partis. C’est ainsi qu’il ne participe plus aux congrès socialistes - une lettre de sa part est cependant à chaque fois lue aux militants rassemblés.
Pour sa campagne de 1988, il choisit de défendre la « France unie » et « l’État impartial », dénonçant à l’inverse « l’État-RPR » mis en place par Jacques Chirac, premier ministre depuis 1986 avec qui il doit cohabiter au sommet de l'État.
Débat d’entre-deux tours
Anticipant une faible majorité à l’Assemblée nationale après sa réélection, il envisage même dans sa campagne l’ouverture à droite. Afin de gommer son appartenance partisane, le logo officiel du PS est absent des affiches. Il s’attire les critiques des cadres du parti qu’il a dirigé. Lors de son dernier meeting avant le premier tour, devant les forces socialistes rassemblées, il entend ménager ses soutiens et reconnaît, non sans nuances, qu’il est socialiste.
Meeting de François Mitterrand au Bourget
Les jeux d’appareil persistants
François Mitterrand, même président, cherche à conserver la main sur les évolutions internes au Parti socialiste, rue de Solférino. Il cherche à favoriser l’ascension de celui qu’il considère alors comme son dauphin, Laurent Fabius.
Ce dernier échoue une première fois à s’imposer à la tête du parti en 1988, puis deux ans plus tard lors du congrès de Rennes où la tension entre les différents héritiers du mitterrandisme atteint son apogée. François Mitterrand a pourtant bien essayé d’appuyer les fabiusiens, comme l’illustre ce reportage où on l’aperçoit en plein conciliabule avec les lieutenants de l’ancien premier ministre.
François Mitterrand déjeune avec des "fabiusiens" avant le congrès de Rennes
L’adieu aux socialistes : une succession difficile
Affaibli par la maladie et par les révélations qui se multiplient lors de la dernière année de son mandat, François Mitterrand ne se représente pas en 1995. Il entame alors ce qui s’apparente à une tournée des adieux pour remercier ceux qui l’ont accompagné lors de son ascension politique. Il se rend ainsi, en décembre 1994, à Liévin où se réunit le congrès du Parti socialiste. Même s’il ne pénètre pas dans l’enceinte du congrès, il donne un discours dans la mairie de la ville, délivrant une sorte de testament politique avant la campagne présidentielle.
François Mitterrand rencontre les socialistes lors du congrès de Liévin
Deux mois plus tard, il se rend à Château-Chinon où sont présents les deux prétendants à sa succession, Henri Emmanuelli et Lionel Jospin qui se livrent un duel éclair dont le second sort victorieux. Ce dernier s’est progressivement distancié de celui qui lui a tôt fait confiance et lui avait laissé, en 1981, sa place à la tête du parti. Il revendique même un « droit d’inventaire » dans la succession...
Réunion de la famille socialiste dans la Nièvre
Après avoir quitté l’Elysée, remplacé par Jacques Chirac à la tête de l’État, son premier geste est de se rendre rue de Solférino où l’attendent les socialistes. La séquence, émouvante, n’efface pas le poids de la défaite récente de Lionel Jospin et des dissensions occasionnées par la campagne, même si François Mitterrand s’y montre optimiste à l’égard de l’avenir du Parti socialiste.
François Mitterrand fait ses adieux au PS rue de Solférino
Conclusion
A partir du milieu des années 1960, le parcours de François Mitterrand et le devenir du Parti socialiste sont intimement liés. Artisan de l'unité des socialistes et de l'union de la gauche, il parvient par cette stratégie à la plus haute fonction de l'État. Devenu Président de la République, il conserve des liens, certes distendus mais réels, avec le Parti socialiste, et ce jusqu'à la fin de son mandat.
Orientations bibliographiques
En dehors des biographies de François Mitterrand, on pourra consulter :
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Pour mieux comprendre les évolutions du Parti socialiste : Bergounioux Alain et Grunberg Gérard, Les Socialistes français et le pouvoir: l’ambition et le remords, Paris, France, Hachette littératures, 2007, 658 p. et Kergoat Jacques, Histoire du Parti socialiste, Paris, Éd. la Découverte, 1997, 123 p.
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Pour se plonger dans les arcanes de l'unification des socialistes, l'histoire racontée par un acteur : Poperen Jean, L’Unité de la gauche: (1965-1973), Paris, Fayard, 1975, 474 p.
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Pour une analyse récente des mutations du PS lorsque François Mitterrand en était le Premier secrétaire : Castagnez Noëlline et Morin Gilles (dir.), Le Parti socialiste d’Epinay à l’Elysée, 1971-1981, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2015, 353 p.